Monter à cheval dans chaque pays qu'elle visite, Yulia Frolova témoigne de son projet fou
Depuis dix ans, Yulia Frolova quitte régulièrement son Ukraine natale pour sillonner le globe avec un projet : celui de monter à cheval dans chaque pays qu’elle visite. À travers son blog “Equigeo“, la jeune femme, qui compte déjà cinquante pays explorés à son actif, partage les images et les récits de ses aventures équestres autour du monde. Rencontre avec une passionnée de chevaux et de voyages, qui témoigne des enseignements qu'elle tire de ses périples.
Quel était votre rapport aux chevaux avant de commencer votre tour du monde ?
Je m’intéresse aux chevaux depuis aussi loin que je me souvienne. Tout au long de mon enfance, mes livres ne parlaient de cheval! Ils étaient partout. Malheureusement, à l’époque, je n’avais pas la possibilité de prendre des cours d'équitation, je ne montais qu’occasionnellement. Et puis j’ai déménagé à Dubaï il y a environ douze ans, et j’ai décidé de m’y mettre réellement. J’ai commencé à pratiquer un peu le saut d’obstacles et le dressage, et j’ai accéléré la cadence au fil des années.
D'où vous est venue l'idée de ce projet ?
Je n’ai pas réellement réfléchi cela comme un projet. Je voyage beaucoup grâce à mon travail, et puis un jour je me suis dit “pourquoi est-ce que je n’essayerais pas de monter à cheval dans chaque pays que je visite?“ Et une fois que j’ai eu commencé, je ne me suis plus arrêtée! C’est selon moi une excellente manière de découvrir la culture d’un pays. Cela permet aussi de rencontrer des personnes avec qui nous avons des intérêts communs et dont nous partageons parfois la manière de penser, ce qui est important lorsque l’on est avec des chevaux.
Pourquoi avez-vous souhaité créer un blog et partager votre expérience avec une communauté ?
J’ai commencé à monter à cheval en voyage en 2010. À cette époque, je ne postais pas encore mes aventures sur internet. C’est l’une de mes amies, qui elle tenait déjà un blog, qui m’a conseillé de partager mes souvenirs. Avant cela, je les gardais dans un petit carnet, comme un journal intime. C’est elle qui m’a poussé à partager mes expériences pour ne pas les oublier. Moi qui suis de nature plutôt introvertie, elle me disait que cela m’ouvrirait au monde et que le monde s’ouvrirait à moi. Et elle avait raison, car dès que j’ai commencé à poster sur Instagram, j’ai constaté un réel engouement de la part des personnes qui me suivaient. Certaines ont même commencé à me proposer de venir chez eux pour monter à cheval! Pour moi, le fait que des gens me suivent de partout dans le monde était quelque chose de complètement fou, et j'ai encore du mal à le réaliser aujourd’hui.
Comment cela se passe-t-il lorsque vous êtes à l’étranger ? Prévoyez-vous à l’avance où et comment vous allez monter ou cela se décide-t-il une fois sur place ?
J’aimerais pouvoir tout planifier à l’avance, ce serait vraiment pratique et cela éviterait les mauvaises surprises, mais ce n’est pas toujours possible. Généralement, je fais un post sur Instagram dans lequel j’annonce le pays dans lequel je vais me rendre et demande à ceux qui me suivent de me partager leurs recommandations, s’ils en ont. La grande majorité du temps, c’est comme cela que je trouve l’endroit idéal. C’est la magie des réseaux sociaux! Mais parfois cela se passe différemment. Il m’est même arrivé d’appeler l’ambassade d’Ukraine dans certains pays pour qu’ils m’aident à trouver un endroit où monter à cheval (rires). Je travaille dans une entreprise internationale, ce qui m’aide également beaucoup car j’ai des collègues dans le monde entier. Si j’ai besoin de conseils, je peux facilement trouver quelqu’un dans le pays dans lequel je me rends et généralement, ils sont volontaires pour m’aider. J’essaye généralement de choisir l’endroit où je vais me rendre en fonction de la possibilité pour moi d’apprendre quelque chose de nouveau, comme en essayant une nouvelle discipline par exemple. J’ai fait aussi bien du saut d’obstacles que du dressage, du polo ou de la randonnée. Découvrir des pratiques variées, c’est vraiment ce que je recherche, et plus c’est insolite, mieux c’est !
Constatez-vous des différences dans la manière dont les chevaux sont traités à travers les différents pays que vous visitez?
Oui, indéniablement. Lorsque je me penche sur les différentes options qui s’offrent à moi, l’état des chevaux fait partie de mes critères principaux. Toutefois, la manière dont les chevaux sont traités à travers le monde est un sujet extrêmement intéressant. La façon dont nous nous occupons des animaux en Europe n’a rien à voir avec celle de certains pays d’Afrique, par exemple. En Allemagne, les chevaux sont considérés comme de véritables bijoux et valent très cher, tandis que dans certains pays ils sont plutôt vus comme des bêtes de travail. Ceci étant dit, il ne s’agit pas de dire que telle ou telle population est plus respectueuse ou plus cruelle qu’une autre. Plus je voyage et plus je me rends compte que l’estime qu’un pays porte à ses animaux correspond généralement à celle que les hommes se portent à eux-mêmes (comme le dit la célèbre citation de Gandhi, “On reconnaît le degré de civilisation d'un peuple à la manière dont il traite ses animaux“, ndlr). Là où la vie d’un cheval est considérée comme une source de rendements, la vie humaine l’est souvent aussi. En Europe, nous avons facilement accès à des connaissances qui nous permettent de comprendre ce qu’est un cheval et comment il fonctionne. Ce n’est pas le cas dans toutes les parties du monde. Je pense que pour comprendre la manière dont les animaux vivent au sein d’un pays, il faut comprendre comment les hommes eux-mêmes y vivent.
Qu’est-ce que vous apporte le cheval lors de vos voyages?
Je crois que lorsque l’on part en voyage, c’est en quelque sorte un moyen d’échapper aux problèmes du quotidien et d’écarter les pensées négatives. C’est exactement ce qu’il se passe lorsque l’on monte à cheval. En voyageant je peux m’évader, mais avec les chevaux je vais encore plus loin, c’est un sentiment totalement différent. C’est selon moins un bon moyen de découvrir une culture et un excellent indicateur de la manière dont les gens vivent dans un pays. L’équitation est chargée de culture, elle nous apprend beaucoup et j’aime en apprendre plus sur un pays de cette manière. J’ai également le sentiment d’avoir une relation spécifique avec chaque cheval que je monte en voyage. C’est comme avec les humains : on peut spontanément bien s’entendre avec une personne, et ne pas accrocher avec une autre, sans qu’il y ait de réelle raison à cela. Lorsque j’ai commencé, je pensais que je n’étais vraiment pas une bonne cavalière parce qu’il y avait des chevaux que je n’arrivais pas à monter. Mais en réalité, tout comme avec les gens, il y a des chevaux avec lesquels nous sommes bons et d’autres avec lesquels nous le sommes moins.
Avez-vous eu de mauvaises expériences?
Je dirais plutôt que certaines expériences m’ont servi de leçon. Je n’en regrette aucune car j’ai appris de chacune d’entre elles. Parfois, lorsque ça ne se passe pas comme je l’aurais voulu, j’en tire des enseignements et je me demande ce que j’ai mal fait et ce que je peux changer pour la fois suivante. Lorsque j’étais en Andalousie, j’ai eu l’opportunité de monter un véritable cheval de dressage espagnol. Il était assez vert dans le travail et j’étais censée aider son propriétaire à l’entraîner, mais je me suis rendue à l’évidence que je n’avais pas le niveau pour faire progresser un tel cheval. Sur le moment, c’est un échec mais cela nous permet d’évoluer et de repenser notre manière de faire.
Quel est votre meilleur souvenir?
Je pense que c’est l’Afrique du Sud. J’y ai randonné pendant huit jours, chaque jour avec un cheval différent et à travers des paysages à couper le souffle. Les gens que j’y ai rencontré et la manière dont ils s’occupaient des chevaux m’ont séduite. C’était comme si je découvrais toute une culture depuis ma selle, en immersion dans la nature, qui plus est. Marcher à cheval aux côtés d’immenses girafes, c’est tout simplement indescriptible.