DANS LE RÉTRO : Kevin Staut et Steve Guerdat dos à dos

Ayant atteint le plus haut niveau au cours de la décennie 2000 après s’être croisés chez les Jeunes Cavaliers, Kevin Staut et Steve Guerdat, respectivement âgés de trente-sept et trente-six ans, figurent parmi les pilotes les plus réguliers au sein de l’élite mondiale. Aux championnats d’Europe de Windsor en 2009, deux jours après le sacre par équipes du Suisse, le Français est devenu champion en individuel. Par la suite, tous deux ont goûté à l’or olympique, l’Helvète en solo en 2012 à Londres, et Tricolore, collectivement en 2016 à Rio de Janeiro. À la fois si semblables et si différents, ils se rejoignent notamment sur la défense d’un sport équitable. Entretien croisé au sommet du saut d’obstacles. - Cet article d'archive est paru dans le magazine GRANDPRIX Hors série n°18, en juillet 2018.



Amis ou collègues? 

KEVIN STAUT: Steve n’est pas un ami proche. En revanche, j’ai énormément de respect et d’admiration pour lui. Il y a entre nous un lien fondé sur le respect et le partage de valeurs communes. 

STEVE GUERDAT: Nous ne sommes pas des amis, mais des collègues qui se respectent. Nous nous connaissons depuis longtemps et nous retrouvons presque tous les week-ends en concours. 

Les clés de sa réussite? 

K.S.: J’en vois plusieurs. Tout d’abord, il est passionné par les chevaux et son sport. Steve est un compétiteur hors pair qui sait donner le maximum en piste, un véritable athlète qui a énormément de qualités techniques. Je pense que ce qui ressort le plus est sa vision du sport et sa capacité à préparer les grands championnats. Il peut être quelque peu absent des résultats pendant plusieurs semaines avant un championnat, mais il répond généralement présent le jour J. Au-delà de la performance et de la régularité, la force d’un champion est d’être là quand il le faut, et c’est ce qu’il fait. 

S.G.: Je citerais son sérieux et sa constance. Cela fait longtemps qu’il perdure à haut niveau. Percer dans le grand sport est une chose, mais y rester est le plus compliqué. Kevin arrive à renouveler ses chevaux et à rester compétitif semaine après semaine. Il faut beaucoup de motivation et de persévérance pour atteindre cette régularité. 

Sa médaille d’or olympique? 

K.S.: Lorsqu’on assiste à un succès comme celui de Steve aux Jeux de Londres en 2012 (avec Nino des Buissonnets, Kannan x Narcos II, ndlr), cela motive et donne envie d’en faire autant. Qu’il s’agisse de Steve, qui a atteint ce Graal à trente ans, ou d’un autre, réaliser un tel exploit est exceptionnel. Grâce à cette médaille d’or individuelle, Steve a intégré un groupe d’hommes exceptionnels. 

S.G.: Un titre olympique est ce qu’il y a de plus important, et c’est évidemment une belle réussite. Cette médaille d’or par équipes à Rio a récompensé une grande nation équestre. Et heureusement que Kevin faisait partie de cette équipe (son double sans-faute avec Rêveur de Hurtebise*HDC, Kashmir van’t Schuttershof x Capricieux des Six Censes, a été décisif, ndlr). De fait, il reste l’atout majeur de ce collectif depuis de nombreuses années, et cette récompense était amplement méritée. 

Votre organisation? 

K.S.: Ayant créé une société depuis 2000, je travaille en tant que prestataire de service. Au haras de la Forge, par exemple, je loue les écuries et facture des prestations de pension et de travail (essentiellement au haras des Coudrettes d’Armand et Emmanuèle Perron-Pette, ndlr). Mon camion m’appartient, et l’équipe qui me suit est constituée de mes propres employés. En ce sens, mon organisation se rapproche de celle de Steve. Je suis également propriétaire d’une structure, une très modeste écurie familiale réservée à l’élevage et aux jeunes chevaux, qui se situe juste à côté du haras de la Forge. C’est un lieu où j’aime bien me rendre et qui me sert d’annexe. Étant antimatérialiste, je mise davantage sur l’équipe qui m’entoure et sur tout ce qui est immatériel. Peu importe où je me trouve, je peux réaliser ma prestation car je suis bien entouré et qu’au fil des ans, j’ai réussi à bâtir ce système dans lequel j’évolue aujourd’hui. 

S.G.: J’ai toujours voulu m’installer car la plus belle chose pour moi est d’être à son compte et de pouvoir être libre de ses choix et de ses mouvements. Avoir un chez-soi est la plus belle récompense qui soit. Ce n’est pas seulement sportif. Humainement, cela a toujours été important pour moi. Même si je suis celui qui donne la direction, énormément de personnes sont responsables de cette réussite. Quand les choses ne vont pas bien, j’en suis l’unique responsable, et à l’inverse, quand tout est positif, c’est aussi un peu grâce à moi. D’autre part, mes installations me procurent une forme de sécurité: même si un jour je n’ai plus de chevaux pour concourir à haut niveau, j’aurai toujours une infrastructure pour travailler et faire ce que j’aime, c’est-à-dire monter à cheval.

En 2013 à Göteborg, Steve Guerdat et Kevin Staut avaient également partagé le podium de la finale de la Coupe du monde. Tandis que la victoire était revenue à Beezie Madden avec Simon (KWPN, Mr. Blue x Polydox), le Suisse s’était classé deuxième sur Nino des Buissonnets, et le Français, troisième avec Silvana*HDC (KWPN, Corland x Widor).

En 2013 à Göteborg, Steve Guerdat et Kevin Staut avaient également partagé le podium de la finale de la Coupe du monde. Tandis que la victoire était revenue à Beezie Madden avec Simon (KWPN, Mr. Blue x Polydox), le Suisse s’était classé deuxième sur Nino des Buissonnets, et le Français, troisième avec Silvana*HDC (KWPN, Corland x Widor).

© Scoopdyga



“Steve dit toujours clairement ce qu’il pense”

Sa vision du sport et son engagement au sein du Club des cavaliers internationaux de saut d’obstacles (IJRC)? 

K.S.: Steve a une énorme qualité: il dit toujours clairement ce qu’il pense et n’est pas dans une démarche politique. Dans les discussions que nous entretenons au sein du Club des cavaliers (que le Normand préside depuis décembre 2017, ndlr), sa parole est importante et précieuse. Avec lui, il est facile de trancher car il ne tourne pas autour du pot. Il évite la langue de bois et va directement à l’essentiel. Dans la mesure où notre but est d’être efficaces dans le peu de temps que nous pouvons consacrer à cette tâche, travailler avec Steve est très agréable. 

S.G.: Nous nous entendons bien à ce sujet, car nous partageons la même vision des choses. C’est quelqu’un avec qui j’aime bien discuter de ces sujets. Je pense qu’il est de loin le meilleur président que nous ayons eu depuis que je suis membre du Club. Il est très bon pour notre sport d’avoir quelqu’un comme lui qui s’y intéresse vraiment. 

Sa gestion des chevaux? 

K.S.: Steve est un véritable homme de cheval qui sait parfaitement gérer la carrière de ses chevaux. C’est notamment ce qui lui a permis de durer dans le temps et de réussir de grandes performances avec différentes montures depuis plusieurs années (il a notamment gagné deux finales consécutives de la Coupe du monde Longines, en 2015 à Las Vegas avec Paille de la Roque, Kannan x Dollar du Mûrier, et 2016 à Göteborg avec Corbinian, Westph, Cornet Obolensky x Pilot, ndlr). 

S.G.: Si ses montures durent longtemps, c’est qu’il les gère bien! Leur carrière parle pour lui et ses choix. De plus, Kevin a une équitation très harmonieuse, qui facilite le travail des chevaux et leur permet de sauter sans effort. Cela contribue beaucoup à la longévité de la carrière d’un cheval. 

Philippe Guerdat, un homme qui vous rassemble? 

K.S.: Non, on ne s’approche pas de Steve via son père. Soit on est dans son clan parce qu’on fait partie de sa famille ou de son cercle d’amis, soit on gagne son respect en pratiquant bien notre discipline. Il a son noyau dur de proches. Ensuite, il parvient à discuter et échanger avec des gens qui défendent une certaine vision du sport et essaient de le pratiquer comme il le conçoit, de manière la plus naturelle et la plus pure possible. 

S.G.: Kevin et mon père entretiennent une relation propre à un chef d’équipe et un cavalier. Kevin est un très bon cavalier. Il l’était avant que mon père n’arrive à la tête des Bleus et le sera après son départ. De même, mon père était un bon chef d’équipe avant d’arriver en France et le sera encore après. Je pense qu’ils aiment travailler ensemble car ils sont bons tous les deux dans ce qu’ils font et qu’il est toujours plus agréable d’évoluer avec des personnes ayant la même vision du sport que soi. Mon père s’appuie beaucoup sur Kevin, tout comme Kevin profite de lui et de ses conseils.



“Kevin croit en son système et se montre très persévérant”

Philippe Guerdat, un homme plus investi pour son équipe ou pour la réussite de son fils? 

K.S.: Tout dépend de quel niveau d’investissement on parle. Au niveau humain et sentimental, il est clair que Philippe est plus investi en faveur de Steve, pour lequel il nourrir une véritable admiration. Ils s’entendent très bien et je pense qu’il y a énormément de respect entre eux, lié à leur engagement respectif. Steve se donne à 200% dans son sport, tout comme Philippe, qui œuvre en tant que chef d’équipe depuis de nombreuses années au service de différentes nations, et surtout pas celle de son fils. Son intégrité est indiscutable, mais cela ne retire rien à ce qu’il peut ressentir: Philippe vibre comme un fou pour les succès de Steve. Quant à lui, Steve échange souvent avec son père et lui demande son avis, mais ils le font de manière mesurée par respect pour leurs propres engagements à différents niveaux. 

Sa vie personnelle? 

K.S.: C’est une question à laquelle je ne peux répondre à la place de Steve! En ce qui me concerne, parce que je me dévoue totalement à ma carrière de cavalier, je n’ai pas encore trouvé une organisation sociale – même si ce terme est très désagréable – qui me permette de fonder une famille. Pour l’instant, ma priorité reste le sport. 

S.G.: Je ne peux pas répondre pour Kevin! Pour ma part, je crois que ce n’est pas quelque chose qu’on provoque, ni qu’il faut rechercher. Cela arrivera quand le jour sera venu, et tant mieux! Je ne cours pas après cela, je laisse les choses se faire. Construire une famille est quelque chose de si important qu’on doit le faire au moment voulu avec la bonne personne et non parce que tout le monde le fait autour de soi. Il faut laisser faire la vie et la nature sans forcer les choses. 

Ce qu’il a de plus admirable? 

K.S.: Je ne peux pas dégager un seul élément de lui car il m’impressionne justement dans son ensemble. Steve se détermine à la fois par son caractère, son agressivité en piste, sa qualité technique, ses engagements pour le sport ou encore la douceur qu’il peut manifester avec ses chevaux. À mon sens, faire ressortir un seul trait de caractère reviendrait à le dévaloriser plutôt qu’à le grandir. Ce qui fait Steve c’est réellement sa globalité, comme la plupart des grands champions d’ailleurs. 

S.G.: Je pense que son atout majeur est son sérieux. Kevin croit en son système et se montre très persévérant. Il est présent depuis très longtemps, parvient à amener ses chevaux comme il le souhaite, ce qui lui permet de réussir un nombre impressionnant de sans-faute dans les épreuves importantes. Et ça, c’est une qualité pour laquelle j’ai énormément de respect.

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