“J'ai bon espoir d'avoir un cheval pour Paris 2024”, Laura Graves
Avec son fameux Verdades, Laura Graves a gravi les échelons du haut niveau, devenant à trente-deux ans une figure de la nouvelle génération de cavaliers de dressage avec le bronze par équipes aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro en 2016, deux médailles d’argent aux Jeux équestres mondiaux de Tryon en 2018 et trois deuxièmes places en finales de Coupe du monde. “Diddy”étant désormais à la retraite, les défis sont immenses pour l’Américaine. Ses souvenirs, son ressenti sur la crise sanitaire mondiale, ses projets et sa vision du dressage : Laura Graves s’est confiée avec le sourire à GRANDPRIX. Entretien.
Comment avez-vous vécu le confinement et plus largement la situation sanitaire actuelle depuis la Floride ?
J’ai beaucoup de chance d’être cavalière, d’être avec les chevaux, et la pandémie m’en a fait prendre conscience. Une poignée de jeunes employées m’aide ici aux écuries, et nous avons fait de notre mieux pour travailler en toute sécurité. Les chevaux et les chiens, eux, ne se rendent absolument pas compte de ce qu’il se passe ! Côté finances, cela a été un peu stressant car la crise sanitaire m’a forcée à annuler et à reporter plusieurs de mes stages.
Comment avez-vous vécu l’annulation de la finale de la Coupe du monde à Las Vegas, où Verdades devait initialement faire ses adieux ?
Je ne me suis pas fait d’illusions trop longtemps car quand le président (Donald Trump, ndlr)a suspendu tous les vols en provenance d’Europe, j’ai su qu’il n’y aurait pas de finale. La FEI n’ayant pas encore pris de décision, c’est la Fédération américaine d’équitation, US Equestrian, qui me transmettait les informations sur l’annulation à venir.
Vous avez annoncé sa retraite en janvier dernier. Qu'est-ce qui a motivé cette décision ?
Nous avions en fait décidé de retirer Diddy de la compétition juste avant Noël. Mais j’ai profité tranquillement de mes vacances avant de l’annoncer publiquement. J’ai commencé à y penser après l’été, une période qui avait été assez intense pour lui. À l’automne, il est devenu évident qu'il ne serait pas en mesure de retrouver sa forme physique habituelle et de la maintenir.
Verdades a aujourd’hui dix-huit ans et une carrière bien remplie. Quel est votre meilleur souvenir avec lui ?
J’ai deux souvenirs en particulier qui me viennent à l’esprit. D’abord les Jeux olympiques de Rio en 2016, où Verdades a remporté la médaille de bronze pour les États-Unis. Toute mon équipe s'était précipitée vers l’entrée de piste pour nous annoncer la nouvelle ! Mais mon plus beau souvenir en individuel reste la médaille d'argent décrochée ensemble aux Jeux équestres mondiaux (JEM) de Tryon, en 2018. Quand je me suis rendue compte que j’allais avoir au moins une troisième place, j'ai éclaté en sanglots. Après ces Jeux, j’ai alors compris que les autres compétitions ne me donneraient pas autant de satisfaction. Il y a aussi eu ma victoire dans le Grand Prix d’Aix-la-Chapelle, le jour de mon anniversaire (le Spécial, en 2018, ndlr)… j’en ai tellement !
“L’esprit de compétition et la concentration d’Isabell Werth m’impressionnent toujours”
Comment envisagez-vous les mois à venir et votre carrière à plus long terme ? Avez-vous un cheval qui vous permettrait d’intégrer l’équipe américaine pour les Jeux olympiques reportés à l’année prochaine ?
Le temps nous le dira, mais j'ai bon espoir d'avoir un cheval pour Paris 2024. J’espère pouvoir amener plus de chevaux à haut niveau, et monter encore de nombreuses années sous les couleurs américaines aux JO, JEM, dans les Coupes du monde et les Coupes des nations.
D’après vous, quels sont vos points forts pour atteindre vos objectifs ?
Je suis extrêmement concentrée et déterminée. Je suis très critique envers moi-même, et je cherche constamment à avoir un œil extérieur sur mon travail. Il est très important de savoir demander de l'aide. En ce moment, j'ai également la chance d’avoir la confiance de propriétaires et de sponsors qui me confient leurs chevaux.
Vous avez eu Verdades très jeune, à l’âge de six mois, et lui avez tout appris. Est-ce une méthode que vous allez appliquer, ou que vous appliquez déjà avec vos chevaux ?
Je pense que c'est la meilleure façon de faire. J'ai déjà eu un autre poulain, que j'ai acheté et qui a maintenant six ans. Bien sûr, mes chevaux ne sont pas tous des futurs cracks de l’équipe américaine. Mais commencer avec eux à un jeune âge nous donne de nombreuses années, et peu de pression pour travailler sur les bases et gagner leur confiance. Au moment où Diddy était prêt à partir à la retraite, tout me semblait encore possible. C'est cela que je veux atteindre et ressentir avec les jeunes chevaux dont je m’occupe.
Quel est le rythme d’entraînement de vos chevaux sur une semaine ?
En règle générale, ils travaillent le lundi et le mardi, et le mercredi et le jeudi sont consacrés au travail d’étirements, certains vont au pré. Puis ils reprennent le travail le vendredi et le samedi. Bien sûr, certains chevaux sont mieux lorsqu’ils travaillent quelques jours de suite, et d’autres sont plus réceptifs avec seulement deux jours d’entraînement, surtout les jeunes qui grandissent. Avec mon équipe, nous essayons donc de travailler chaque cheval selon ses besoins, et de nous organiser en fonction.
Avez-vous un ou des modèles dans le milieu du dressage ?
J’admire Isabell (Werth, face à laquelle elle s’est battue de nombreuses fois, notamment en finales de Coupe du monde, ndlr) car elle a amené tant de chevaux au haut niveau. Sa concentration sur le rectangle et son esprit de compétition m’impressionnent toujours. Il y a aussi deux autres cavalières que j’aime beaucoup voir évoluer en concours : Cathrine Dufour et Dorothee Schneider. De manière générale, dans le haut niveau en dressage, les meilleurs cavaliers sont bien souvent d’admirables hommes et femmes de cheval.
Quel regard portez-vous sur le monde du dressage de haut niveau aujourd’hui ? Pensez-vous qu’une nouvelle génération, dont vous faites partie, contribue à dépoussiérer cet univers perçu de l’extérieur comme rigide ?
En tout cas, on essaye ! Je pense que beaucoup d'entre nous, les jeunes cavaliers, sommes heureux de voir ce sport changer, tout en conservant la structure qui rend le dressage si spécial. Les réseaux sociaux sont aussi d’une grande aide, ils nous permettent une plus grande exposition. Sans le soutien de la FEI, changer les choses n’est pas simple. Et parfois, cela peut être un peu difficile.