Vancouver de Lanlore, le surdoué qui arrive toujours à point nommé
Lorsque l’on s’engage dans l’écriture d’un portrait de Vancouver de Lanlore, dont les récents exploits sous la selle de Pénélope Leprevost ont comblé les nombreux aficionados de l’amazone française, chaque acteur interrogé manifeste une véritable passion. Au bout du fil, l’admiration presque enfantine d’une éleveuse, la fierté de propriétaires satisfaits, la nostalgie d’un formateur et le plaisir incommensurable d’une cavalière sont palpables. Tous revivent avec intensité les moments partagés avec ce charismatique bai brun de onze ans, et communiquent leur impatience à la perspective d’en partager de nouveaux. Vient enfin l’impression que chacun a croisé ce Vancouver au bon moment, pour l’emmener vers les sommets de sa discipline. Une histoire de rencontres, somme toute.
Lorsque Pénélope Leprevost et le haras de Clarbec ont cessé leur collaboration en février 2018, beaucoup se sont demandé si la championne olympique par équipes parviendrait à retrouver prestement un partenaire à la hauteur de son talent pour succéder aux formidables Flora de Mariposa (BWP, For Pleasure x Power Light), Ratina d’la Rousserie (SF, Quaprice Bois Margot x Apache d’Adriers), Dame Blanche van Arenberg (BWP, Clinton x Codexco), ou encore Vagabond de la Pomme (SBS, Vigo d’Arsouilles x For Pleasure). Un mois avant et sans un bruit, Vancouver de Lanlore (SF, Toulon x Le Tot de Semilly) avait justement intégré le haras de l’amazone, à Lécaude, dans le Calvados.
L’existence de chacun est faite de rendez-vous, d’un minutage savamment calibré permettant des rencontres, qu’elles soient dévastatrices, fortuites, heureuses, dénuées d’intérêt, ou encore déterminantes. Vancouver de Lanlore est né le 1erjuin 2009 à l’élevage de Lanlore, situé à Lafitole dans les Hautes-Pyrénées, et son éleveuse, Anne Dafflon, a été sa première rencontre. Plus connue aujourd’hui pour son statut d’organisatrice de concours de haut niveau, Virginie Coupérie-Eiffel n’est pas non plus complètement étrangère à cette naissance puisque cette dernière a vendu Hispania de Bacon (SF, Le Tot de Semilly x Echo IX X), la mère de Vancouver, à son éleveuse. “Hispania était la fille de Quille Girondine (AA, d’une mère par Nikita II), une jument que montait mon ex-mari Julien Clerc (oui, le chanteur, qui a évolué dans des compétitions Amateurs, ndlr). Il a monté cette jument et a même concouru dans des épreuves allant jusqu’à 1,30 m avec elle. C’était une petite Anglo-Arabe très respectueuse et avec beaucoup de sang”, raconte l’éleveuse à l’affixe de Bacon.
Le record historique des ventes Nash
Vancouver de Lanlore est le fruit du mariage entre le performer d’Hubert Bourdy, Toulon (BWP, Toulon x Jokinal de Bornival), quatrième du classement des étalons de la WBFSH en 2018, et cette fameuse Hispania de Bacon. “Lorsque j’ai acheté Hispania, elle terminait sa carrière sportive sous la selle de Grégory Jeanne, un cavalier amateur. Toulon réalisait alors d’excellentes performances. Sa génétique, son modèle, ses qualités sportives en ont fait naturellement un père idéal”, se souvient Anne Dafflon, qui n’avait pas prédit un tel avenir à son protégé. “Je n’imaginais pas que Vancouver deviendrait le cheval de CSI 5* d’aujourd’hui”, reconnaît-elle, sans oublier de noter “le côté musculeux, la magnifique épaule, les très beaux tissus, l’intelligence et l’énergie de Vancouver”. Poulain, le bai brun montre déjà une sacrée personnalité, comme il en avait fait la démonstration lors du concours d’élevage Selle Français de Pitray. “Vancouver quittait la maison pour la première fois et la présentation avait été sacrément mouvementée tant il était joyeux ! (Rires) Nous avions essayé de l’isoler des autres candidats, mais il s’est retrouvé dans un box à côté d’une jument… Je vous laisse imaginer ce moment de grande solitude, alors que nous tentions de l’apaiser. Il n’en était pas moins un poulain très facile au quotidien”, se remémore la naisseuse. Consciente d’avoir produit un cheval “hors du commun”, cette dernière refuse de le castrer et songe à sa commercialisation. “J’ai envoyé un email et une vidéo à Hubert Bourdy, qui m’a répondu le lendemain en me disant : « J’ai adoré votre cheval, je vous l’achète ».” Le regretté cavalier de l’équipe de France, disparu le 25 juin 2014, fait alors l’acquisition de Vancouver avec Virginie Coupérie-Eiffel. « Vancouver sautait très bien, avait un super coup de dos, des moyens, et était très intelligent et mature. C’était vraiment un chic cheval », se rappelle-t-elle.
À trois ans, Virginie Coupérie-Eiffel et Hubert Bourdy veulent présenter Vancouver aux ventes Nash, organisées chaque année au Pôle hippique de Saint-Lô. « Quand nous avons sélectionné Vancouver chez Alain Pinaud (l’un des préparateurs principaux des Ventes Nash, ndlr), nous avons découvert un cheval dans le sang, moderne, avec un très bon équilibre. Il avait un magnifique modèle, un superbe coup de saut, un respect de la barre, beaucoup de moyens et un super mental : la recette parfaite du crack. Il était déjà très intelligent et doué naturellement, et montrait un bon potentiel. Pour autant, malgré toutes les qualités qu’il avait à trois ans, nous n’aurions jamais pensé qu’il participerait à de grands championnats et qu’il évoluerait parmi les meilleurs ! », raconte Alain Hinard, membre fondateur de la société Nash.
Conscient de proposer un talent non négligeable à cette vente aux enchères, il joint son ami suisse, François Vorpe, qui lui avait demandé de l’informer s’il mettait la main sur un cheval prometteur : « Le jour où j’ai vu Vancouver débarquer pour les Ventes, j’ai immédiatement appelé François pour lui dire que j’étais tombé sur un sacré phénomène. » Au même moment, la famille Vorpe profite d’un séjour en famille à Disneyland Paris. « Alain nous a dit : “Venez, ce cheval-là est un avion”. Nous avons regardé les vidéos et avons été scotchés. Comme nous en avions un peu marre de Mickey, nous avons foncé vers Saint-Lô pour assister aux Ventes Nash », se remémore avec précision Danielle Vorpe, l’épouse de François. Une fois sur place, le couple demande à voir Vancouver, ce qui leur est d’abord refusé. « Le vendeur de Vancouver nous a dit qu’il ne s’agissait pas de n’importe quel cheval, qu’il n’allait pas partir à un petit prix et qu’il ne pouvait pas le montrer à tout le monde. Nous n’avons donc pas pu le voir au box », raconte Danielle Vorpe. Une fois encore, Alain Hinard va forcer le destin du jeune étalon.
Retrouvez ce portrait en intégralité dans le numéro 118 de GRANDPRIX, disponible en kiosques.