DANS LE RÉTRO : Rolf-Göran Bengtsson, l'Allemagne pour terre d'adoption

À l'époque le meilleur cavalier de saut d’obstacles de la Suède, médaillé d’argent des Jeux olympiques de Hong-Kong en 2008 et régulièrement classé parmi le Top 10 mondial (il est, depuis lors, resté numéro un mondial de décembre 2011 à septembre 2012 et a été sacré champion d'Europe en 2011 à Madrid avec Ninja la Silla, ndlr), Rolf-Göran Bengtsson s’était, au cours de l'année 2009, installé en Allemagne du Nord. Avec le Danois Bo Kristoffersen, cavalier d’obstacles et coach national des Suédois, le grand styliste Rolf-Göran Bengtsson gérait avec succès une écurie d’entraînement, de concours et de formation à Breitenburg, au cœur de la région d’élevage du Holstein, jusqu'en 2017, avant qu'il ne déménage dans les écuries de sa compagne Evi Bengtsson à Itzehoe, en Allemagne. Grand Prix International avait rendu visite au cavalier suédois.



Ici à Mannheim, lors des championnats d’Europe avec Ninja, en 2007.

Ici à Mannheim, lors des championnats d’Europe avec Ninja, en 2007.

© Scoopdyga

Vous avez grandi au milieu des chevaux dans la ferme de vos parents à Lund près de Malmö. Votre père était éleveur et cavalier. L’enthousiasme pour les sports équestres et le talent nécessaire étaient-ils innés? 

Les fondements ont été posés à la maison. Mon premier maître fut mon père. Il m’a formé dès le début dans le bon sens. Il est très important d’apprendre le sport correctement au premier abord. Si on l’essaye tout seul, on risque fort de commettre des erreurs, surtout concernant l’assiette. Mais avant tout, il est essentiel de garder l’envie pour l’équitation. Je n’en ai jamais perdu le plaisir. 

Comment votre carrière a-t-elle débuté? 

J’ai commencé assez jeune sur le dos des poneys. Avec Partner, un poney D, j’ai participé à tous les championnats suédois : dressage, saut d’obstacles et complet. En 1977, avec mon poney 15, j’ai été champion de Suède en complet. En 1979 aussi, mais avec un autre poney. Le complet était utile pour s’habituer à la vitesse et à l’équilibre. Le travail au galop et la préparation du physique du cheval m’ont beaucoup aidé pour le jumping. Comme il y avait plus de possibilités dans ce domaine, finalement je m’y suis consacré entièrement. 

Vous êtes un grand styliste. C’est un régal de vous voir en selle. Comment avez-vous appris cette équitation si délicate? 

J’ai toujours admiré l’équitation qui semble facile et légère. J’ai étudié beaucoup de cavaliers différents et j’ai essayé de créer mon style personnel. Plus tard, comme cavalier chez Jan Tops, il me fallait travailler les chevaux de façon à ce que d’autres puissent les monter aisément après. 

Déjà en tant que cavalier poney, vous rêviez des Jeux olympiques. Vous avez pourtant commencé votre carrière professionnelle relativement tard? 

Après l’école, j’ai fait une formation de mécanicien pour des machines agricoles. J’ai travaillé six ans dans ce secteur. Malheureusement, à l’époque je ne pouvais pas gagner ma vie, seul, avec les chevaux.

Au CSIO de Rome, en 2008.

Au CSIO de Rome, en 2008.

© Scoopdyga



Rolf-Göran Bengtsson à Valence, aux côtés de Ludger Beerbaum, Marco Kutscher, Daniel Etter et Gerco Shroder.

Rolf-Göran Bengtsson à Valence, aux côtés de Ludger Beerbaum, Marco Kutscher, Daniel Etter et Gerco Shroder.

© Scoopdyga

Finalement, vous êtes devenu professionnel et vous avez transformé la ferme paternelle en écurie. Quels sont vos souvenirs de cette période?

Il avait été de plus en plus difficile de coordonner l’équitation et le travail. Puis, j’ai eu Paradiso, un fils de Sandro, mon premier cheval de championnats, avec qui j’ai intégré, à trente-deux ans, l’équipe nationale suédoise. J’ai pu participer aux championnats du monde de La Haye en 1994, aux championnats d’Europe de Saint-Gall en 1995 et aux Jeux olympiques d’Atlanta en 1996. Chez moi, j’ai préparé de jeunes étalons aux compétitions d’élevage, et j’ai formé des cinq, six et sept ans aux épreuves d’obstacles. Enfin, j’avais cinq à six chevaux de compétition dans l’écurie.

En 1997, Jan Tops vous a proposé un poste de cavalier chez lui à Valkenswaard. Vous avez accepté et loué votre écurie à Lund. Vous y êtes resté cinq ans et demi. Que représente cette période pour vous?

C’était du bon temps. J’avais la possibilité d’évoluer sur le plan international et de me faire un nom. On m’a beaucoup aidé en me donnant toujours de bons chevaux. Surtout, j’ai eu la chance plus tard de monter Pialotta. Un tel cheval, on ne le trouve qu’une fois dans sa vie ! Avec elle, j’ai remporté la médaille d’argent par équipes aux championnats d’Europe d’Arnheim en 2001, et celle de bronze en individuel.

Pialotta a été vendue à l’Autrichienne Tatjana Freytag von Loringhoven peu avant les championnats du monde de Jerez en 2002. Plus tard, elle a été montée par Steve Guerdat. Enfin, aux championnats du monde d’Aix-la-Chapelle en 2006, on l’a revue sous la selle d’Edwina Alexander. Cette vente vous a-t-elle incité à quitter Jan Tops?

Bien sûr, j’avais espéré pouvoir monter Pialotta à Jerez. Mais je savais que je travaillais dans une écurie commerciale et qu’il fallait s’attendre à la vente. J’ai démissionné fin 2002 parce que j’ai ressenti le besoin de m’occuper un peu de moi. Tout a été très vite.

Dès janvier 2003, vous vous êtes installé avec Bo Kristoffersen à vos comptes, et vous avez ouvert ensemble une écurie en Allemagne. Comment cette collaboration s’est-elle construite?

Après ma démission chez Jan Tops, j’ai eu plusieurs appels et propositions. Bo m’a également appelé, et l’idée de monter une écurie avec quelqu’un m’a plu. Bo ne voulait plus monter, il avait de bons contacts et il cherchait un associé pour une écurie d’entraînement, de concours et de formation.

Pourquoi à Breitenburg en Schleswig-Holstein?

Bo a été responsable de l’écurie de concours de saut d’obstacles de l’Association des Éleveurs de Holstein à Elmshorn, pendant onze ou douze ans, et sa maison était tout près. Comme ses enfants allaient déjà à l’école, il ne voulait pas déménager. Moi personnellement, je trouvais qu’il était intéressant de s’installer à proximité de la Scandinavie. Nous avons eu la chance de monter notre écurie sur le terrain de Breido Graf zu Rantzau, le président de la fédération nationale d’Allemagne. Bo Kristoffersen vit depuis longtemps déjà dans cette région.

Comment vous êtes- vous habitué à votre patrie d’adoption? Est-ce que la Suède vous manque?

Non, la Suède ne me manque pas. J’habite à quelques pas de l’écurie et je me sens très bien ici.

Rolf-Göran Bengtsson a réalisé de très bons Jeux olympiques avec Ninja.

Rolf-Göran Bengtsson a réalisé de très bons Jeux olympiques avec Ninja.

© Scoopdyga



Comment fonctionne votre collaboration? 

Bo et moi sommes des associés de droits égaux. Mais l’entraînement des cavaliers est plus du domaine de Bo. Bien sûr, je le remplace quand c’est nécessaire. Notre écurie comprend trente- cinq boxes, dont dix sont réservés aux élèves. Cinq grooms nous aident, et pendant l’été des stagiaires complètent l’équipe. Aujourd’hui, les chevaux que nous travaillons viennent presqu’à 100%, soit d’Alfonso Romo, soit de l’Association des Éleveurs de Holstein (Holsteiner Verband). Actuellement, chez nous, il y a onze chevaux d’Alfonso Romo, dont les étalons Quintero et Casall. Alfonso Romo les a acquis auprès de l’Association des Éleveurs de Holstein grâce au système du leasing. 

Vous avez donc d’excellents chevaux à votre disposition. Avant tout, Ninja La Silla avec qui vous avez remporté la médaille d’argent à Hong-Kong. Ninja est né aux Pays-Bas, mais avec beaucoup de sang français. Son père est Guidam de Quidam de Reve, sa mère descend de Lys de Darmen, dont le père est l’Anglo-arabe Et Hop. Qu’appréciez-vous le plus en lui? 

Ninja est un cheval fin et léger, relativement petit, mais avec un grand cœur et énormément de courage. 

Christian Hermon travaille aussi pour Alfonso Romo. Quels sont vos rapports? 

Nous sommes quatre en Europe à travailler pour Alfonso Romo, dont le Haras La Silla se trouve au Mexique. Christian Hermon en France et Theo Moolenars en Belgique, qui d’ailleurs a découvert Ninja, s’occupent surtout de jeunes chevaux. Franke Sloothaak, depuis peu, et moi en Allemagne, nous occupons davantage des chevaux de niveau supérieur. Nous sommes toujours en contact. Selon le niveau de la formation et les possibilités de vente, les chevaux changent d’écurie. 

Craignez-vous qu’un de vos meilleurs chevaux soit vendu avant un championnat? 

Non, Alfonso Romo attache beaucoup d’importance à la visibilité de ses chevaux dans le monde. De plus, j’ai la chance d’avoir plusieurs chevaux au top à ma disposition, et aussi quelques jeunes chevaux très prometteurs. 

Quels sont les chevaux qui vous ont le plus impressionné? 

D’abord Roofs, un Holstein, avec qui je suis allé aux championnats d’Europe d’Hickstead et avec qui j’ai remporté la Coupe du monde d’Oslo et plusieurs Grands Prix. Puis, bien sûr, Pialotta, un des grands chevaux au niveau mondial, Mackinley, un lutteur extraordinaire, Tepic La Silla, un génie, et maintenant Ninja et Quintero. Je suis très heureux d’avoir connu tant de chevaux au top et d’en avoir toujours aujourd’hui..

– Cet article d'archive est paru dans le magazine GRANDPRIX International n°52 de Juillet 2009