“La gestion d’un club est compatible avec une carrière à haut niveau”, Quentin Faucheur
Membre de l’équipe de France à l’occasion des Européens Poneys en 2012 et Jeune Cavaliers quatre ans plus tard, Quentin Faucheur est un complétiste occupé. En plus de préparer Fleur de Lilas, un hongre de neuf ans en lequel il croit énormément pour atteindre le haut niveau, le jeune homme est à la tête du club équestre d’Antony, dans les Hauts-de-Seine, depuis un an. En concours au haras de Malvoisine en début de semaine, il a accepté de prendre un moment pour se confier à GRANDPRIX sur ses objectifs, son envie de participer aux Jeux olympiques de Paris 2024, tirer le bilan de cette première année de gestion du CÉA ou encore évoquer l’aide d’urgence octroyée aux clubs par le Gouvernement.
Comment s’est déroulé le confinement?
Ces quatre derniers mois ont été plus que compliqués. Pendant le confinement, mon entreprise a été à l’arrêt total, comme pour beaucoup de monde. Nos chevaux de club sont partis au pré afin de limiter les pertes. J’ai gardé mes propres chevaux sur place, j’ai donc eu davantage de temps pour les travailler, sur le plat et à l’obstacle. Sur ce point, c’était plutôt agréable d’avoir toutes les installations pour moi. La réouverture du club a été très contraignante au niveau sanitaire et organisationnel. Nous ne pouvions plus accueillir les parents, ce qui nous a demandé encore plus d’accueil et d’accompagnement, donc du personnel supplémentaire. Il a aussi fallu limiter le nombre de cours par espace ainsi que le nombre de cavaliers pendant les reprises. Heureusement, les cours annuels sont maintenant finis et nous passons au stage d’été, ce qui va être plus simple à gérer.
Sportivement, je n’avais pas encore repris la saison au moment de l’annonce du confinement. Je la commence donc à peine en ce moment, en remettant tout le monde en route. J’ai notamment participé à l’épreuve des six ans du Lion d’Angers en juin, avec ma jument de sept ans (Indy Zequille SH, ndlr).
Pouvez-vous évoquer votre nouveau cheval Fleur de Lilas, avec qui vous venez de courir votre première Pro 3?
Je crois en lui, j’espère qu’il pourra prendre part à des épreuves importantes. Il a déjà un peu d’expérience en Pro 3. C’est un Pur-sang, qui aurait dû participer à des courses de steeple (son père, Spirit One, a remporté plusieurs courses de groupe, ndlr). Il a finalement été réformé à trois ans et s’est tourné vers le complet. Il y a deux ans, je l’ai tout bêtement vu sur une annonce Facebook. Il me plaisait bien en vidéo, mais je n’étais pas allé le voir car il était dans le Sud de la France, ce qui était assez contraignant. Il a entre-temps été vendu et je l’ai de nouveau revu sur Facebook cet hiver. Je me suis dit que c’était un signe. J’ai donc pris le temps d’aller l’essayer, et nous nous sommes bien entendus. Au début, il m’avait été confié par ses propriétaires. Finalement, j’ai décidé de l’acheter pour pouvoir le conserver et il est arrivé dans mes écuries il y a peu. Fleur a un très bon mental, il est joueur mais reste calme et gentil. Il est franc sur le cross et comprend vite. C’est un cheval complet, qui saute et se déplace bien, qui entre facilement dans le temps au cross par rapport à ses origines… Il progresse assez vite et pourra m’emmener rapidement sur des belles épreuves.
Quels sont vos objectifs avec lui?
J’essaie de trouver des chevaux pour construire un piquet en vue des Jeux olympiques de Paris 2024. C’est un peu prétentieux de le dire dès maintenant, mais cela reste l’objectif à long terme. Sinon, c’est un cheval qui fera facilement des CCI 3*, voire des 4* selon son évolution.
“Tempo manque de courage sur le cross”
Vous reverra-t-on prochainement en équipe de France ?
C’est un de mes objectifs. Avec Indy, je souhaiterais participer au Mondial du Lion. Il me manque des qualifications pour y arriver, nous verrons si nous serons sélectionnables à la fin de l’année. J’espère aussi que Fleur évoluera rapidement pour me permettre de retrouver la veste bleue.
Avez-vous accueilli d’autres chevaux récemment?
Gold Lady des Vabres, que j’ai fait naître, m’a rejoint. Elle a quatre ans et nous débuterons tranquillement en concours prochainement. Sa mère est une jument avec laquelle j’ai voulu débuter en Juniors, qui s’est malheureusement blessée et que nous avons fait pouliner.
Votre cheval Tempo de Kergane concourra dorénavant presque uniquement en saut d’obstacles. Pourquoi avoir fait ce choix?
Tempo est un cheval qui manque énormément de courage sur le cross, c’est son plus grand défaut. À partir des épreuves Pro 1, cela devient compliqué car les obstacles sont impressionnants, larges, avec des profils variés, qui demandent de la franchise. Si je prépare très bien une compétition, en faisant un concours la semaine d’avant pour le mettre en confiance, cela peut fonctionner. Mais cela reste aléatoire en fonction du parcours, du terrain, de son humeur… Il a de bonnes qualités à l’obstacle, j’ai déjà participé à des épreuves à 1,35m avec lui et cela s’était bien passé, je me suis donc dit que c’était un moyen de prendre part à des épreuves intéressantes. Il reste plus à l’aise que sur le cross, même si ce n’est pas flagrant.
“Il était naturel pour moi de récupérer la gestion du club”
Il y a un an, vous repreniez la gestion du club équestre d’Antony. Quel bilan tirez-vous de cette première année?
J’ai vécu pas mal de choses, entre le coronavirus et la gestion des employés qui n’a pas toujours été évidente. Mon idée a été de moderniser la structure. Le changement n’est pas toujours évident à mettre en place avec ma vision des choses, alors que le fonctionnement est le même depuis de nombreuses années. Il y a donc eu beaucoup de découvertes.
Dans l’ensemble, je suis assez content. J’ai atteint mes objectifs en termes de nombre de clients. Cette année a été une “année test”, je sais maintenant ce que je dois faire des ajustements.
Il était naturel pour moi de récupérer la gestion du club, même si ce n’était pas prévu. Ma mère y a enseigné et mon père y travaille toujours, comme directeur adjoint. Ainsi, je peux lui déléguer une partie des tâches car c’est une structure qu’il connaît très bien. Nous travaillons ensemble pour la faire évoluer, lui avec son expérience et moi avec la jeunesse que je peux apporter pour dynamiser le tout. C’est également un support non négligeable pour atteindre le haut niveau, car ce sont des frais de pension en moins.
Le développement de certaines de vos nouveautés a-t-il été impacté par la crise sanitaire?
Pas vraiment. La nouveauté principale a été de pouvoir réserver toutes les activités en ligne. Côté concours, j’entraîne l’équipe de concours complet Poneys D, dont une partie prend part à des tournées des As. Je n’ai donc pas pu beaucoup les emmener en concours jusqu’à maintenant. Cette crise m’a surtout bloqué pour entraîner mes élèves.
Vous enseignez au sein du centre équestre, est-ce provisoire ou avez-vous une passion pour la transmission?
J’entraîne uniquement l’équipe compétition, et non les cavaliers de club, à l’exception de quelques remplacements. C’est vraiment pour le plaisir de transmettre, donner le goût du haut niveau et des objectifs aux plus jeunes.
Une aide d’urgence de 120€ par équidé, dans la limite des trente premiers, a été officialisée il y a deux semaines par le Gouvernement. Pensez-vous que cela soit suffisant pour contrer les effets de la crise?
Nous avons eu surtout un gros manque à gagner qui rend les choses compliquées, car dans mon cas je dois payer un loyer. Est-ce suffisant ou non? C’est difficile à dire. Cette aide aurait pu être plus juste et variable, car un cheval et un Shetland ne mangent pas la même chose. Je trouve justifié qu’une somme soit allouée par cheval, mais ce qui est bloquant est la limitation de cette aide à trente chevaux. À Antony, nous en avons une soixantaine, en comptant les Shetlands. Avoir une aide pour trente d’entre eux, c’est un peu juste.
La gestion d’un club équestre est-elle compatible avec une carrière à haut niveau?
Si on arrive à déléguer, oui. À temps plein, cela peut être compliqué car un club fonctionne en grande partie le week-end. Or c’est à ce moment que les concours se déroulent. Combiner les deux n’est pas simple, mais en faisant un peu d’enseignement et la gestion la semaine, c’est compatible.
Vous terminez des études de finance. Comment arrivez-vous à tout gérer?
Je devais trouver un stage de six mois juste avant le confinement, que je n’avais pas encore trouvé. Avec cette crise, cela devient encore plus compliqué. Je pourrais le valider avec la gestion du club, mais je me dis que c’est plus intéressant de profiter de cette opportunité pour entrer dans une autre entreprise et m’ouvrir des portes. Cette expérience me permettra aussi d’être meilleur sur la gestion du club équestre.
Je suis très occupé, ce week-end j’ai pu prendre une journée et demie de repos, ce qui n’était pas arrivé depuis un an. C’est un choix de vie. J’aime être occupé et avoir plusieurs projets en parallèle, tout en donnant le meilleur de moi-même. Je n’ai pas envie d’attendre que la réussite vienne à moi, parce qu’elle n’arrivera pas. Le club, les chevaux et les concours sont une passion, l’entreprise en est une autre.