“À dix ans, Atome des Étisses a encore toute sa carrière devant lui”, Laurent Goffinet
Indissociable de l'extraordinaire Flipper d'Elle, Laurent Goffinet retraité depuis 2008, est le propriétaire des spacieuses écuries de la Renarderie, dans le Calvados, qui accueillent un centre équestre ainsi qu’une écurie de propriétaires en plus de celle qu’il dédie à son activité de haut niveau. La semaine passée, le Normand était présent pour le dernier des quatre week-ends de l'Hubside Jumping de Grimaud, qui marquaient le retour à la compétition post-confinement. Au lendemain de sa reprise, il livre ses impressions.
Comment s’est déroulé votre reprise de la compétition post-confinement?
Avant d’aller à Grimaud, j’ai pris part à deux concours nationaux, au Mans et au haras du Pin pour remettre mes chevaux dans le bain. De cette manière, j’ai pu arriver à Saint-Tropez avec des chevaux disponibles. Au Mans, Atome des Etisses était bien trop frais. Il s’était pourtant très bien comporté lors des stages fédéraux dont nous avons bénéficié en amont, mais l’ambiance de la compétition l'a rendu un peu trop excité et il a commis des fautes. Thierry Pomel m’avait proposé de concourir lors des deux derniers week-ends de CSI à Saint-Tropez, mais j’ai préféré ne faire que le dernier week-end pour prendre le temps de bien travailler avec Atome et arriver là-bas dans les meilleures conditions possibles.
En trois épreuves courues, Atome des Etisses (SF, Mylord Carthago x Quidam de Revel) n'a laissé qu'une barre à terre dans le barrage du Grand Prix CSI 4*. Quel est votre ressenti quant à ce cheval?
Il a en effet couru cinq parcours et fait malheureusement une faute dans le barrage du Grand Prix. Je suis parti en numéro un et j’ai voulu prendre un risque, mais si c’était à refaire, je ferais une foulée de plus devant cet oxer. Il a toutefois magnifiquement bien sauté et prouvé qu’il avait encore passé un cap par rapport à l’année dernière. Ses propriétaires du haras de Lacke me font confiance et nous avons vraiment pris notre temps car c’est un cheval sensible qui a besoin que nous soyons à son écoute. Aujourd’hui, nous récoltons les fruits de notre patience et c’est une vraie récompense pour ses propriétaires, mon équipe et moi-même. Je n’aime me venter, mais il a couru le Grand Prix du CSI 4* de Grimaud comme s’il s’agissait d’un parcours à 1,35m (en vidéo en bas d'article, ndlr), c’était facile. Malgré la chaleur, il était en très bonne condition et c’était un plaisir de le monter en piste. Tout s’est déroulé comme dans un livre et il a montré qu’une réelle progression s’était opérée. Cela me fait plaisir car j’ai tout entendu sur ce cheval! On me disait qu’il était lent, qu’il avait les antérieurs un peu lourds… Aujourd’hui il a dix ans, il est en pleine maturité et il n’est pas usé. À cet âge-là, certains chevaux ont une carrière déjà bien entamée, tandis ce que lui a encore toute sa carrière devant lui.
Valkyrie Condéene (SF, L’Arc de Triomphe x Vondeen) ne s’est quant à elle pas montré au meilleur de sa forme à Saint-Tropez. Que s’est-il passé?
Valkyrie semblait vraiment prête lors les nationaux du Mans et du haras du Pin, mais malheureusement, une fois arrivés à Grimaud, elle était complètement éteinte et elle peinait à sauter. Même les verticaux paraissaient difficiles, alors je vous laisse imaginer les oxers! Je la connais par cœur car je l’ai depuis ses quatre ans et nous nous sommes immédiatement dit qu’il y avait un problème. En rentrant à la maison, nous lui avons fait passer un examen complet et l’ostéopathe a mis le doigt sur quelques soucis certainement survenus en se coinçant dans son box. Une analyse sanguine a également révélé une légère anémie. Valkyrie peut très bien louper un parcours, mais habituellement, lorsque nous partons avec elle dans des concours de trois jours, nous avons la garantie de revenir avec au moins deux flots. Cette fois-ci ça n’allait pas.
Vous êtes également apparu en selle sur un nouveau cheval de huit ans, Corsaire du Lesme (SF, Nouba a Batilly x Qredo de Paulstra). Pouvez-vous nous en dire plus sur lui?
Corsaire appartient au cavalier Aymeric de Coligny et à l’un de ses propriétaires. Je l’ai emmené à Saint-Tropez pour le former, qu’il apprenne le métier et qu’il voit à quoi ressemble un vrai concours. Tout s’est très bien passé le premier jour, mais il a fait vraiment très chaud les jours suivants. Cela fait tout drôle, surtout lorsque l’on vient de Normandie! Corsaire n’était pas habitué à cette chaleur et cela a finalement impacté ses performances. J’en retiens tout de même beaucoup de positif car il faut de toute façon passer par là pour former les chevaux et les endurcir. D’autant plus que l’année des huit ans est une année particulièrement importante et il faut prendre le soin de bien l’appréhender car on peut facilement faire des dégâts.
Comment se compose votre groupe de jeunes chevaux ?
J’ai deux excellents étalons de six ans. Elwood Blues (SF, Ogrion des Champs x Live du Theil), en qui je crois énormément, a participé au circuit des Cycles Classiques à quatre et cinq ans et a fait sept parcours à six ans, tous sans fautes. L’autre s’appelle Express de Hus (SF, Conrad de Hus x Quick Star) et a, selon moi, le potentiel pour aller loin. Il a beaucoup de poussée de par ses origines et les propriétaires et moi-même souhaitons prendre notre temps pour le former. Je serais déçu si ces deux chevaux-là ne faisaient pas parler d’eux plus tard car lorsqu’ils font des sans-fautes, c’est uniquement par leur qualité. Je ne fais que mon rôle de cavalier en les plaçant correctement et je les laisse faire. Lorsque l’on sent que l’on a un jeune cheval avec du potentiel, un peu comme avec Atome, il est important de préparer la suite.
Comment avez-vous vécu la période de confinement avec votre double casquette de cavalier de haut niveau et de gérant de structure équestre ?
En ce qui concerne mes chevaux, cela n’a pas changé grand-chose car ils ont pu continuer à travailler. Le plus difficile a été de maintenir les chevaux d’âge en condition car j’entretiens habituellement leur physique par énormément de travail en extérieur, mais étant donné que nous n’avions plus l’autorisation de sortir de la structure, les chevaux se sont lassés. Atome ne voulait d’ailleurs plus entrer dans la carrière. C’est dommage car ils étaient prêts en revenant de la tournée à Vejer de la Frontera, en Espagne, et nous avons dû tout arrêter à notre retour sans savoir à quoi s’attendre pour a suite, ni si nous devions continuer à faire sauter les chevaux ou non.
Cette période a été plus compliquée pour le centre équestre dont l'activité a cessé pendant trois mois. Nous assurons également des formations BPJEPS que seuls certains élèves que nous logions sur place ont pu continuer à suivre. Bien sûr, comme tous mes collègues, je vais devoir faire face à un manque à gagner par rapport aux gains habituels et cela va se ressentir à la fin de l’année. Nous ne sommes cependant pas les plus à plaindre car nous avons pu mettre une grande partie des chevaux de formation et du centre équestre au pré.