“Si je devais rester le cavalier d’un seul grand cheval, cela ne me blesserait pas”, Thibaut Vallette (partie 2)
Depuis les championnats d’Europe Longines de Blair, en 2015, où il avait décroché deux médailles de bronze à la surprise générale, Thibaut Vallette est devenu la pierre angulaire de l’équipe de France de concours complet. Cet été, il aurait dû vivre ses seconds Jeux olympiques avec le fabuleux Qing du Briot*IFCE. Ceux-ci ayant été reportés d’un an, le lieutenant-colonel se projette déjà vers 2021. Profondément attaché à ses missions d’enseignement et de représentation, l’écuyer du Cadre noir de Saumur s’attèle aussi à dénicher et former de nouveaux chevaux, dans l’espoir de continuer à briller au plus haut niveau après la retraite de son crack. S’il n’y parvenait pas, le cavalier de quarante-six ans assure qu’il ne s’en formaliserait pas outre mesure, sachant que des fonctions supérieures l’attendent un jour prochain. Bien qu’il ne coure pas après les interviewes, cet homme discret et méticuleux n’en demeure pas moins capable d’aborder de nombreux sujets avec bon sens et conviction. La première partie de cet entretien est parue hier.
Au fil des années, ce cheval a acquis un statut particulier, y compris auprès du public et des observateurs anglo-saxons. En avez-vous conscience et comment l’expliquez-vous ?
Oui, je crois que tout le monde l’aime bien. D’abord, Qing a pour lui sa bonne bouille et son bon œil. Il semble toujours d’humeur égale, comme un bon poney, alors qu’il est très émotif. Il a quelques défauts, dont un galop très horizontal, compliqué pour le dressage. Au début, il trottait très grand et très ouvert et galopait très plat, en remuant beaucoup la tête, parce qu’il n’était pas suffisamment armé dans son dos et ses postérieurs. Au fur et à mesure, nous avons réussi à l’asseoir, ce qui explique la progression de ses notes au dressage. D’ailleurs, il a toujours été volontaire dans le travail.
De plus, il n’a pas raté grand-chose dans sa carrière. Dès 2014, pour sa première saison à haut niveau, nous nous sommes classés troisièmes du CCI4*-L de Saumur et avons intégré le groupe France en tant que deuxième couple réserviste pour les Jeux équestres mondiaux de Normandie (où six paires françaises avaient pu concourir, ndlr). En 2015, nous avons gagné deux médailles dès nos premiers championnats, en partant en ouvreurs de l’équipe, ce qui était incroyable! Il n’a jamais déçu, se classant individuellement dans tous les championnats (treizième à Rio, dixième aux Européens Longines de Strzegom en 2017, sixième à Tryon et cinquième aux Européens de Luhmühlen l’été dernier, ndlr).
Et puis Qing est gentil, câlin et très proche de l’homme. Quand quelqu’un entre dans l’écurie, il hennit souvent. Et quand on s’occupe d’autres chevaux que lui, il se met debout dans son box parce qu’il veut être le centre de l’attention. Pour ainsi dire, il est difficile de ne pas l’aimer !
L’engagerez-vous à nouveau dans un CCI 5*-L ? Votre seule tentative, en 2017 à Badminton, s’était soldée par une vingtième place après un cross difficile (un refus et quatre-vingt-treize secondes de temps dépassé)...
Je garde plein de regrets de cette expérience... Pour comprendre, il faut remonter aux Jeux de Rio. Pour la première fois de ma carrière, j’ai eu du mal à tenir ma rêne gauche et donc mon cheval au cours d’un cross. J’avais certes pris les options demandées par Thierry pour sécuriser un bon résultat d’équipe, mais j’avais perdu beaucoup de temps... Jusqu’alors, le chronomètre ne m’avait jamais vraiment posé de problème mais là, je craignais de rater un obstacle si j’allais plus vite. Pendant un moment, je me suis dit que c’était Qing qui tirait... Au printemps suivant, à Badminton, je me suis à nouveau trouvé dans l’incapacité de tenir ma rêne gauche à partir de la quatrième minute. Nous avons vécu un petit incident à la sortie d’un gué qui n’aurait pas dû nous coûter vingt points si j’avais été plus intelligent, mais j’ai surtout dû freiner et prendre une ou deux options, d’où cette perte de temps. C’est rageant parce nous avions réussi un excellent dressage (le couple pointait au sixième rang après ce test, ndlr) et un sans-faute facile le lendemain à l’hippique... Aux championnats d’Europe de Strzegom, je me suis retrouvé dans la même situation au bout de deux minutes... Par moment, j’étais presque obligé de galoper avec les deux rênes dans la main droite. Sans les vingt-cinq secondes perdues au cross, nous n’aurions pas fini loin du podium (quatrièmes, toutes choses égales par ailleurs, ndlr). Cela a commencé à m’agacer...
En accord avec Éric Favory (médecin du sport chargé des équipes de France d’équitation, ndlr), j’ai passé des examens qui ont mis en évidence un syndrome de défilé thoraco-brachial. À l’effort, je perdais 74% des capacités de mon bras gauche, ce qui explique pourquoi je ne pouvais plus tenir ma rêne. Pour remédier à cette compression nerveuse et ne plus perdre de sensibilité dans la main, il fallait soit une intervention chirurgicale, soit des séances de kinésithérapie ou d’ostéopathie. J’ai choisi cette deuxième option, et travaille régulièrement avec un ostéopathe avant les grandes échéances. Cela se manifeste avec le stress et la durée des cross parce que je ne le ressens pas dans les épreuves du Grand National, par exemple. Depuis 2018, le kiné qui nous suit avant et pendant les championnats me strappe la quasi-totalité du dos et du bras pour essayer d’ouvrir l’angle de l’épaule, et tout est rentré dans l’ordre. Dans le fond, je regrette un peu de ne pas avoir pu monter ces cross comme je l’aurais souhaité, et beaucoup de ne pas m’être rendu compte plus tôt de ce qui se passait au lieu de me dire que c’était mon cheval qui tirait.
En tout cas, si Qing conserve cet état de forme, j’aimerais pouvoir retenter ma chance à Badminton.
Comment avez-vous vécu les derniers championnats d’Europe, à Luhmühlen, où une faute à l’hippique vous a non seulement privé d’une médaille de bronze individuelle, mais a aussi cloué la France, en course pour l’argent par équipes, à la quatrième place? Ce dénouement fut des plus cruels...
J’étais déjà frustré en rentrant des Jeux équestres mondiaux de Tryon. Là-bas, une faute m’avait privé d’une médaille d’argent. Je m’en souviendrai toute ma vie, j’en ai même fait des cauchemars pendant six mois... Entre le vertical 2 et l’oxer 3, il y avait une première ligne à couvrir en neuf ou dix foulées de galop. Pour se mettre à l’abri du chronomètre, la plupart des couples l’ont parcourue en neuf, ce que nous avons également fait en prenant un bon tempo dans le mouvement en avant. Puis il y avait une courbe à main droite pour aller sauter le vertical 4. Hélas, je n’ai pas remis mon cheval suffisamment en équilibre. Du coup, il a regardé l’obstacle et retapé une foulée, ce qui nous a coûté une faute. J’aurais dû l’attendre et dissocier cette première ligne de la suite du parcours. Cela m’a mis plus bas que terre... Une médaille de bronze par équipes et une cinquième place aux Mondiaux, ce n’est pas si mal, d’autant que Qing avait été génial, comme d’habitude, mais si je l’avais bien monté, nous serions aussi montés sur le podium individuel. Cela s’est joué à rien, comme souvent au plus haut niveau. D’ailleurs, Ingrid Klimke a dû faire les mêmes cauchemars (alors en tête, l’Allemande avait fauté sur le dernier obstacle et dû se contenter du bronze avec SAP Hale Bob, Old, Helikon, Ps x Noble Champion, ndlr)...
En 2017 à Badminton, elle avait complètement craqué à l’hippique alors qu’elle était déjà en tête (concédant vingt-trois points avec le même Hale Bob, finalement neuvième, ndlr). Je me rappelle en avoir discuté avec elle aux écuries, où nos chevaux étaient voisins. Elle m’avait dit qu’elle aurait préféré être déjà dans le bateau pour repartir... Le sport est parfois cruel. En tout cas, ce parcours à Tryon m’a secoué pendant pas mal de temps.
L’an passé, Qing a encore réussi un super dressage, dont nous avons pris la cinquième place, puis nous sommes remontés au troisième rang après un cross parfait et dans le temps. Cette fois, il me semble avoir correctement monté mon parcours, mais pour une microscopique touchette, une barre est tombée... trois secondes après avoir franchi ce maudit oxer 5... Et nous avons tout perdu. Franchement, ce fut terrible. Qing a déjà gagné une médaille individuelle, mais il en mérite d’autres...
“J’aimerais évidemment pouvoir continuer le grand sport, parce que c’est une vraie drogue“
Le haut niveau n’est pas toujours une partie de plaisir...
Chacun le vit différemment en fonction de son caractère. Pour moi, effectivement, c’est à peu près tout sauf ça. Avant de ressentir éventuellement du plaisir, il y a d’abord des sacrifices, du perfectionnisme dans le travail, de la gestion de stress et de la fatigue physique et psychologique. Je ne suis satisfait que lorsque mon cheval réalise ce que je lui demande de manière sereine, dans la complicité, et sans se blesser... La pression, tout le monde peut en souffrir, même un immense champion comme Mark Todd, qui avait commis quatre fautes dans la première manche d’hippique aux Jeux de Rio (avec Leonidas II, Holst, Landos x Parco, Ps, privant la Nouvelle-Zélande d’une médaille d’or, ndlr), avant de signer un sans-faute en seconde manche alors qu’il n’avait plus grand-chose à espérer en individuel... Chacun gère son stress comme il peut. Par exemple, Karim Laghouag a besoin de beaucoup l’extérioriser, tandis que moi, je dois m’enfermer dans une bulle, multiplier les reconnaissances et visualiser mentalement ce que je dois faire pour essayer de transformer le stress en énergie positive.
Combien de temps pourrez-vous encore rester à Saumur ?
Nous fonctionnons avec des contrats de durées variables. Si l’armée n’a pas besoin de moi plus vite, je resterai ici jusqu’à 2023, ce qui me permet d’envisager sereinement l’avenir. Le fait de monter Qing au plus haut niveau m’a clairement aidé à rester ici plus longtemps. Sans lui, je serais sans doute déjà reparti à l’École militaire d’équitation (EME) de Fontainebleau. Saumur est pratiquement le seul endroit où je peux continuer à monter à cheval et donner des cours – autrement dit, faire ce que j’aime vraiment. Pour autant, cela ne durera pas toujours. J’arrive à un âge (quarante-six ans, ndlr) et un grade où les postes possibles dans l’univers équestre militaire ne sont plus très nombreux: il resterait le commandement de l’EME, le poste d’Écuyer en chef du Cadre noir si celui-ci reste dévolu à un militaire, et celui de chef des sports équestres militaires, pilotant à la fois l’EME et les sections équestres des différents régiments ou écoles telles que l’école militaire de Saumur, distincte du Cadre noir. Si je pars en 2023, je serai resté quatorze ans ici, ce qui est déjà très long dans la carrière d’un officier.
Sportivement, comme tant d’autres militaires avant vous, vous pourriez rester le cavalier d’un seul grand cheval...
Oui, on me le dit souvent. Si c’était finalement le cas, cela ne me blesserait pas. De fait, c’est assez logique pour un militaire, dans la mesure où nous avons des piquets limités et d’autres missions à accomplir. Après tout, croiser dans sa carrière un cheval de ce calibre-là, ce n’est déjà pas si mal, et je suis fier de ce que j’ai accompli avec lui, même si j’aurais pu faire mieux. Ce que je souhaite le plus désormais, c’est que Qing ne se blesse pas et que nous ne fassions pas le concours de trop parce qu’il ne mérite pas ça. S’il pouvait parler, j’aimerais l’entendre dire qu’il est content de ce que nous avons réussi ensemble. J’aimerais évidemment pouvoir continuer le grand sport, parce que c’est une vraie drogue, qui me procure beaucoup d’émotions fortes et inscrit dans ma mémoire tant de bons moments partagés en équipe. Si je n’y parviens pas, d’autres cavaliers motivés prendront la place qu’ils méritent en équipe de France.
“En tant qu’instructeurs, nous avons un vrai devoir de transmission au sujet de la sécurité”
Les médailles et la notoriété vous ont-elles changé ?
Les médailles m’ont procuré un peu de confiance et m’ont rendu fier des sacrifices consentis et du travail accompli. Je n’oublierai pas tous ceux qui m’ont aidé, à commencer par Thierry Touzaint, à qui je dois beaucoup. Quand cela n’allait plus à l’hippique avec Qing, par exemple, il m’a repris sous sa coupe. Il est venu ici pour m’entraîner et m’a redonné un schéma de travail. Les récompenses et la notoriété encouragent peut-être plus de personnes à me présenter de bons chevaux. Rien qu’au Cadre noir, il y a beaucoup de très bons cavaliers et donc de concurrence pour les chevaux. Je ne pourrais donc pas dire que cela n’a rien changé. Pour autant, je reste assez discret. Par exemple, j’ai tout fait pour me protéger du déferlement médiatique qui a suivi les Jeux de Rio. Je n’ai pas vécu cela comme un fardeau, mais presque... Généralement, je ne cours pas non plus après les interviewes! Je ne suis ni froid ni distant, juste un peu en retrait. Et la solitude n’est pas un poids pour moi.
Au regard des enjeux de sécurité notamment, êtes-vous optimiste quant à l’avenir du concours complet ?
Oui parce ce que ce sport a du sens. D’abord, il se pratique vraiment au grand air, plus encore que le saut d’obstacles et le dressage. Ensuite, il requiert une étroite complicité avec son cheval, un animal dont il faut prendre grand soin et qu’on doit apprendre à présenter sous son meilleur jour. En complet, une visite vétérinaire n’est pas une formalité accomplie à la va-vite par un groom, mais une première épreuve en soit. Et nous faisons corps autant que possible. Par exemple, nous effectuons nos reconnaissances ensemble. Cet aspect familial est une vertu qu’il nous faut cultiver.
Cette discipline comporte des risques, c’est clair, mais nous cherchons sans cesse à les minimiser. D’abord, en France, nous comptons de bons chefs de piste, donc les obstacles et parcours sont rarement catastrophiques. Il faut évidemment continuer à améliorer les choses, notamment – mais pas seulement – avec des systèmes frangibles là où ils peuvent être utiles et efficaces. Ensuite, la sécurité est un sujet dont il faut beaucoup parler avec ses élèves. En tant qu’entraîneur ou coach, on doit pouvoir dire à quelqu’un: “Non, tu n’es pas prêt pour ce cross.” En concours, il faut maintenir ce discours sécuritaire vis-à-vis du cavalier, plutôt que de le pousser sans cesse à aller plus vite, mais aussi des parents. Les accidents résultent souvent d’un manque de lucidité. L’un de mes enfants a concouru en complet. Sincèrement, je préférais qu’il termine avec dix secondes de pénalité en ayant bien monté plutôt que dans le temps en montant moins bien. Et il le comprenait très bien, parce qu’il a été bien éduqué dès ses débuts par la famille Schauly (au Comptoir du cavalier, à Allonnes, à quinze kilomètres au nord-est de Saumur, ndlr). L’enjeu est clairement-là. En tant qu’instructeurs, ici à l’ENE, nous avons un vrai devoir de transmission dans la mesure où nous formons les futurs enseignants, qui joueront un rôle fondamental dans la construction des cavaliers de demain. Enfin, comme nous le faisons avec Thierry dans le Grand National, il faut organiser des reconnaissances officielles, menées par des personnes compétentes, dans chaque concours, quel que soit le niveau.
En 2016, la Cour des comptes n’avait pas été tendre avec l’IFCE, estimant même que l’État devrait se désengager davantage de la filière du cheval. En France, nombre de gens se demandent pourquoi l’État finance encore le Cadre noir ou l’équitation militaire. Comment percevez-vous tout cela?
L’ENE s’est adaptée à son temps et continue à le faire, au service de la formation des cavaliers, entraîneurs et instructeurs. Ici, ils bénéficient d’enseignants de grande qualité, présentant de solides références pédagogiques et culturelles, mais aussi d’excellents chevaux montés et dressés par des cavaliers de très haut niveau. Je ne suis pas sûr qu’on puisse trouver tout cela dans d’autres centres de formation. La fusion avec les Haras nationaux nous a obligés à nous réorganiser, et le fait de devenir un institut a complètement modifié le rôle de l’établissement. On parle toujours de l’aspect traditionnel du Cadre noir, qui est important, mais il y a aussi une volonté de modernité, d’où l’importance accordée au sport. Un jour, un éminent dirigeant de l’établissement m’a dit: “La performance d’aujourd’hui sera la tradition de demain.” Je souscris pleinement à cela, dans le sens où il me semble fondamental de mettre notre équitation à l’épreuve. Nous sommes fiers de faire partie des garants de l’équitation de tradition française (inscrite en 2011 au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco, ndlr), mais nous ne voulons pas devenir un musée. Dans le sport d’aujourd’hui, ne cherche-t-on pas à être en harmonie avec son cheval et à tendre vers la discrétion des aides? En ce sens, Michael Jung ne pratique-t-il pas une équitation de tradition française ? En ce qui nous concerne, nous y parvenons plus ou moins bien, en fonction des chevaux que nous montons, et acceptons d’être parfois critiqués pour cela. Au-delà de l’héritage historique, je perçois une certaine modernité dans le fait de continuer à représenter son pays en uniforme militaire. L’armée a choisi de conserver des chevaux et des cavaliers parce qu’elle s’est rendu compte que la pratique de l’équitation forge le caractère des humains, leur apprend à gérer des situations de stress. Elle développe d’ailleurs de l’équithérapie et tout ce qui tourne autour des chevaux. De plus, les sections équestres permettent aussi aux familles des militaires partis en opérations extérieures de pratiquer ces activités à des prix défiant toute concurrence.
Votre existence a évolué ces dernières années. Vous vous êtes séparé de la mère de vos cinq enfants et avez refait votre vie. Êtes-vous aujourd’hui un homme heureux?
C’est sûrement la question la plus importante dans la vie. Cette transition a été extrêmement difficile. Ce fut même un déchirement. Je n’ai pas le droit de m’en plaindre, parce que je l’ai choisi, mais je l’ai très mal vécu. Au bout de quatre ans et demi, cela commence tout juste à cicatriser. J’ai tout fait pour rester hyper proche de mes enfants – l’aîné a vingt ans et la benjamine dix ans – mais certains en ont souffert et m’en ont beaucoup voulu, ce que je peux comprendre. J’essaie d’être un bon père et de leur montrer que je serai toujours là pour eux. J’ai eu beaucoup de décisions à prendre dans ma vie, mais celle-là a été de loin la plus difficile et la plus lourde de conséquences. Je me suis parfois senti si rejeté que la compétition a constitué un refuge.
En revanche, tout cela m’a permis de dédramatiser les performances ou contre-performances dans le sens où il y a vraiment plus important que cela. Quand on parle de sacrifices pour le sport, c’est assez dangereux parce qu’on laisse entendre que cela prend le pas sur tout le reste. On ne sort plus du boulot, on ne prend jamais de vacances et on ne fait que cela. Sans s’en rendre compte, on devient alors très égoïste, qui plus est quand sa famille n’est pas issue de ce milieu... Alors conscient de tout cela, oui, je crois pouvoir dire aujourd’hui que je suis un homme heureux.
Cet entretien est paru dans le magazine GRANDPRIX n°118 de juillet/août 2020.