Bien détendre son cheval, un atout majeur
Peu médiatisée, souvent négligée et parfois mal comprise, la détente est pourtant le ciment de la relation cheval cavalier, et un indispensable préalable à la performance.
Comme la partie immergée d’un iceberg, la détente constitue l’essentiel de l’entraînement quotidien du cheval, mais aussi de sa préparation à l’abord d’une compétition. Tous les amateurs de dressage frissonnent en admirant les chevaux les plus mythiques en piste, mais rien n’est plus instructif que d’observer les plus célèbres cavaliers dans les trente premières minutes de leur échauffement. Décontraction, attention, connexion. Réactivité, activité et rectitude… L’entrée en matière est souvent déterminante, et la qualité de la performance se joue dès l’arrivée au paddock.
Une fois l’athlète sellé, il faut prendre le temps de le faire marcher quelques minutes en main afin qu’il s’acclimate à la position de la selle et à l’ajustement de la sangle. Après avoir mis le pied à l’étrier, le cavalier ne doit pas hésiter à le faire marcher au pas rênes longues pendant une dizaine de minutes. Durant cette phase, il le laisse occuper librement l’espace en veillant seulement à maintenir une activité satisfaisante. C’est le premier indice que la séance d’entraînement débute et que le dresseur compte bien capter son attention. Une fois son cheval disponible et volontaire, on peut ajuster les rênes en veillant à maintenir le même dynamisme.
Au cours de la détente, le cheval reste dans une attitude basse en dépliant son encolure. Ces premières trente à quarante minutes parsemées de pauses permettent au cavalier d’évaluer l’humeur et la forme physique de son cheval, puis d’adapter ses exigences afin de construire un programme respectueux de son bien-être. Il doit se mettre dans la peau d’un professeur de gymnastique dont la mission serait de préparer son athlète à l’effort, tout en douceur, sans jamais le décourager ni brûler les étapes.
En cas de difficulté, il ne faut jamais se dire : “Mon cheval ne veut pas”, mais plutôt : “Mon cheval ne peut pas”, et revenir en arrière. Si le cheval n’exécute pas correctement une figure pourtant bien demandée par son cavalier, il y a certainement une bonne raison. Il ne faut surtout pas insister mais reprendre la préparation pour aborder à nouveau l’exercice plus tard dans des conditions plus optimales. Par exemple, si le cheval ne parvient pas à se fléchir de manière satisfaisante, inutile de lui tirer sur l’encolure en abusant d’une action de main. Le dresseur risque de le braquer, voire de le décourager en le mettant face à son échec ou sa douleur physique. Mieux vaut se montrer patient en imaginant sa propre réaction dans une situation similaire. Il faut alors prendre le temps de refaire quelques assouplissements tels que des cessions à la jambe, des épaules en dedans et des têtes au mur. Lorsque le cheval sera plus relâché, la demande lui paraîtra plus aisée.
L'importance des arrêts...
L’importance des arrêts… Si le cheval résiste dans un contact difficile, il faut profiter de quelques arrêts pour ressentir la bonne connexion du dos. Dans ce cas, le cavalier exige des foulées de pas plus petites en conservant l’activité jusqu’à graduellement demander un arrêt. Il doit garder ses deux mains ensemble et parfaitement immobiles, les doigts fermés sur les rênes et les coudes pliés au corps, et attendre que son cheval cède lui-même dans son corps, sa nuque et sa bouche, autrement dit qu’il devienne plus moelleux sur le mors. À son tour, le dresseur peut alors se laisser aller, se décontracter de la tête aux pieds, en récompense à son effort. Il faut là aussi se montrer patient et résister à la tentation de malaxer le bouche du cheval en bougeant ses mains. Mieux vaut rester fixe et attendre que le cheval trouve son confort sur un contact stable. Lorsqu’il cède, il faut rapidement céder à son tour afin qu’il comprenne qu’il sera toujours plus à son aise sur la main que contre la main. Il faut encore passer cinq à dix minutes au pas pour obtenir une décontraction optimale.
Dès que le dresseur sent son partenaire bien en avant et serein dans le contact, il peut entamer de longues cessions à la jambe. Il doit alors encourager son cheval à se fléchir légèrement tout en restant bien parallèle au grand côté et en maintenant les épaules devant les hanches et l’activité des postérieurs. Plus tard, le cavalier pourra répéter l’exercice au trot puis au galop en accentuant progressivement l’incurvation. La détente permet de tester puis d’améliorer l’action de l’accélérateur (les jambes) et du frein (les mains). Il ne faut pas hésiter à passer du temps sur les transitions entre puis à l’intérieur des allures en incorporant de nombreuses pauses. Ainsi, le cavalier pourra vérifier la réactivité de son cheval aux jambes et son attention à la demi-parade. Au trot puis au galop de travail, il faut chercher à le faire avancer et couvrir du terrain en dépliant son encolure. Il sera bien temps de réduire l’amplitude des foulées une fois qu’il se portera bien vers l’avant. Attention, le cheval ne doit pas être tenté d’accélérer sous prétexte que son pilote lâche le frein. Aussi, le fait de céder dans les mains ne doit en aucun cas provoquer une amplification de l’allure. Celle-ci ne peut être provoquée que par la fermeture des jambes. A priori, les mains du cavalier doivent tendre vers le mors plutôt que vers son ventre. S’il constate une fuite excessive vers l’avant lorsque ses mains s’avancent, c’est probablement parce qu’il a tendance à contenir son cheval avec un usage excessif des rênes. Ainsi, sa monture saisit chaque opportunité d’être plus libre pour lui échapper au lieu d’attendre l’indication de ses jambes pour avancer. Le cavalier doit alors multiplier les transitions entre puis à l’intérieur des allures dans l’optique de basculer davantage de poids sur les hanches tout en renforçant l’efficacité de ses mains et de ses jambes. Pour susciter la bonne réponse de son cheval, un dresseur rigoureux aura progressivement besoin d’actions de moins en moins importantes, et donc de plus en plus discrètes.
... et des transitions
Il faut désormais réduire l’amplitude du trot tout en maintenant la rapidité des postérieurs jusqu’à tomber dans un petit pas actif. Le cavalier fait marcher son cheval deux à quatre foulés, pas à pas, en contrôlant l’allure, puis repart dans un trot tout aussi rassemblé. Une fois ces transitions fluides, il peut passer à l’étape suivante en montant des variations à l’intérieur du trot sans tout à fait aller jusqu’au pas. À force de répéter ces exercices, le cheval apprendra à contrôler la taille de ses foulées sans pour autant ralentir. En effet, il est plus naturel pour lui de trotter petit et lent ou grand et rapide. Grâce à ces transitions, il va progressivement trouver son confort dans une allure à la fois petite et rapide : le rassembler. À terme, il suffira au cavalier de tenir sa ceinture abdominale pour que le cheval retrouve l’équilibre. À l’oeil, il semblera être toujours dans le même trot. Seuls le cavalier et son cheval sauront qu’il y a là des dizaines de légères parades et discrets encouragements de jambes pour maintenir ce trot si élégant. Lorsqu’on observe les plus talentueux cavaliers, on se dit souvent qu’ils semblent ne rien faire. Pourtant, au-delà des apparences, on peut constater le nombre de fois que Carl Hester tend son dos, sans jamais tirer sur les rênes ou reculer son buste. Tout est dans la discrétion et la mesure, mais ce joli trot est le fruit d’une multiplication d’enchaînements “parade, céder, jambes”.
Il ne faut pas oublier de consacrer du temps aux transitions entre trot, galop et trot, puis pas, galop et pas. La qualité du départ est primordiale. Il doit à la fois être montant et vers l’avant pour éviter le fameux “postérieurs joints“. Quel que soit son niveau, un départ franc et contrôlé, parfaitement droit et à la demande est incontournable. Non seulement c’est un signe d’écoute de la part du cheval, mais c’est aussi une illustration de l’efficacité des aides. Partir instantanément en maintenant une attitude stable et une trajectoire harmonieuse sont trois éléments décisifs en Amateur 3 et 2, mais également si l’on doit effectuer des changements de pied en l’air. Plus on évolue en dressage, plus les mouvements demandés sont complexes, plus il est paradoxalement important de s’appliquer sur le travail de base. Même le Grand Prix comporte des transitions entre le passage et le galop - celle-ci est comparable à celle entre le trot et le galop - et entre le galop et le trot ! Il est inutile d’insister sur les changements de pied si l’on n’a pas obtenu à la détente de parfaites transitions à l’intérieur du galop, mais aussi depuis et vers les autres allures. À l’échauffement, on commence par le plus facile et on avance vers le plus difficile : d’abord du galop au trot, puis du galop de travail au galop sur place et finalement du galop au pas.
Quel que soit le niveau d’épreuve, le cheval est maintenant prêt à débuter quelques exercices. Généralement, dix à quinze minutes d’entraînement dans une attitude de présentation et ponctuées de pauses suffisent.
Cet article est paru dans le magazine GRANDPRIX n°80.