RÉTRO RIO 2016: Astier Nicolas, double consécration d'un virtuose
Il y a quatre ans jour pour jour, Astier Nicolas était sacré double médaillé (en or par équipes et d'argent en individuel) aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro. Pour fêter ces quatre ans et se consoler du report des JO de Tokyo à l'année prochaine, GRANDPRIX vous propose de vous replonger dans Rio 2016 pendant une semaine. Peu de cavaliers peuvent se targuer d’avoir déjà décroché deux breloques olympiques et remporté un CCI 4* à seulement vingt-sept ans. Héros des Étoiles de Pau en 2015, médaillé d’argent individuel à Rio avec Piaf de B’Neville, et sacré par équipes aux côtés de Karim Laghouag, Thibaut Vallette et Mathieu Lemoine, en moins d’un an, Astier Nicolas est passé du statut de grand espoir à celui de champion accompli. Quelques jours après son exploit brésilien, le Toulousain ne semblait toujours pas vraiment prendre la mesure de son talent ni de ses exploits. Artiste accompli, beau gosse au regard charmeur, Astier est d’abord un bourreau de travail perfectionniste qui ne laisse rien au hasard. Portrait.
Le mardi 9 août, au cœur du stade équestre de Deodoro, Astier Nicolas a gravé à tout jamais son nom dans l’histoire du sport français, d’abord en contribuant à la victoire de son équipe, offrant à la délégation française sa toute première médaille d’or dans ces JO aux côtés de Karim Laghouag, du lieutenant-colonel Thibaut Vallette et de Mathieu Lemoine, puis, quelques heures plus tard, en se parant d’argent en individuel aux commandes de son merveilleux Piaf de B’Neville (Cap de B’Neville x Rêve d’Elle). Né le 19 janvier 1989 à Toulouse, Astier doit son amour des chevaux à sa mère, Bénédicte de Monval Nicolas. Passionnée de longue date, elle valorise désormais en tant qu’éleveuse le patrimoine génétique de certaines juments retraitées de son fils, à l’image de Quickly du Buguet (AA, Zandor x Naswan, DsA). Le jeune garçon met le pied à l’étrier à sept ans, lorsqu’il croise la route de Marie-Reine Périé, propriétaire du poney-club de la Seillonne à Pin-Balma, tout près de Toulouse. Pas plus doué qu’un autre au départ, Astier prend vite goût au travail bien fait… et à la victoire! “Il était très téméraire. Dès son plus jeune âge, il voulait être le meilleur. Il s’appliquait et travaillait dur pour battre les autres. Il passait sa vie à me demander si sa position était correcte! Tout lui plaisait dans le fait de monter à cheval. Quelle que soit l’activité, aussi bien les jeux que le dressage, il était toujours partant! Il adorait notamment monter les poneys qui ne travaillaient pas bien, car il leur apprenait des choses, ne serait-ce qu’à s’arrêter sans bouger!”, confie celle qui l’a entraîné jusqu’à ses vingt-et-un ans.
Avant de briller en complet, le Toulousain s’essaie un peu à tout. Débutant la compétition à dix ans, il participe à son premier Open de France à Lamotte-Beuvron en saut d’obstacles en 2000. L’année suivante, il s’y présente en dressage. Sa polyvalence et son addiction à l’adrénaline lui feront finalement opter pour la discipline dans laquelle il excelle aujourd’hui. À vrai dire, il aime tant la vitesse qu’il se serait bien vu jockey. “J’ai tout essayé, même les courses! D’ailleurs, heureusement que j’étais déjà bien installé sous l’aile de Marie-Reine. Sinon, je serais parti dans ce milieu. J’adore ça!” Ses débuts n’ont pas toujours été sans accroc, mais rien ne semble pouvoir stopper son ascension. “Lors de son premier concours complet à poney B, Astier est tombé lors du cross. À l’époque, comme la chute n’était pas éliminatoire, il n’a pas lâché son poney, est remonté dessus et a terminé son parcours comme si de rien n’était! Il ne s’est pas découragé! Il avait toujours le moral jusqu’au bout. Si quelque chose ne se passait pas comme prévu, il cherchait un moyen de se rattraper”, s’amuse encore Marie-Reine Périé. “Lorsqu’il avait onze ou douze ans, je lui ai dit que pour pouvoir boucler un cross, il fallait avoir du souffle - à l’époque, il y avait encore l’épreuve du routier. Du coup, à chaque fois que nous nous entraînions, Astier effectuait l’intégralité du routier en courant à côté de son poney, qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il fasse très chaud ! Il le faisait de bon cœur avec Thomas (Carlile, également formé par Marie-Reine, ndlr). Personne ne les obligeait! Astier était le premier à se coucher tôt pour être en forme le lendemain. Il ne voulait pas rester à faire la fête et risquer d’être moins performant”, sourit la Toulousaine.
Téméraire et persévérant, Astier intègre l’équipe de France Poneys dès 2004 avec Jade d’Hurl’vent (Vandale Daf x Les Trois Rois, Ps) puis Java Bleue la Brée (WD, La Brée Héros x Trefaes Bach), avec laquelle il terminait sixième de ses premiers championnats d’Europe en 2005 à Pratoni del Vivaro, en Italie. Rêvant déjà de briller dans les plus grands championnats internationaux, il n’a jamais caché ses ambitions, se donnant toujours les moyens de réussir. “Astier n’a toujours été intéressé que par la première place. À poney, il était déjà déterminé, perfectionniste et assidu. Marie-Reine nous a rapidement placés dans le moule de la compétition. Il travaillait énormément avec ses poneys. Il consacrait beaucoup de temps au dressage, tout comme au saut d’obstacles où il avait d’ailleurs un style assez particulier: il se jetait au-dessus des sauts! Il a formé énormément de poneys à la Seillonne… et il en a déplantés plus d’un!”, se remémore Thomas Carlile, son plus ancien complice, qui avoue volontiers avoir fait les quatre cent coups avec lui. “S’il y avait une bêtise à faire, Astier était toujours le premier!”
La marche suivante, celle des Juniors, est franchie avec autant de succès. Rien ne semble émouvoir le prodige qui s’illustre désormais avec Jhakti du Janlie (Bhakti de Beaupré x Question Mark), un hongre repéré par Marie-Reine Périé. Ensemble, ils contribuent à la médaille de bronze tricolore glanée aux championnats d’Europe de Necarne Castle en 2006, mais, en bon perfectionniste, Astier, pourtant huitième en individuel, n’en garde qu’un souvenir en demi-teinte. “Cette médaille ne m’a pas transcendé, car elle avait un goût d’inachevé. Nous aurions pu faire nettement mieux. J’avais l’impression que c’était un lot de consolation…” L’adolescent redouble de travail. “Au dressage, il voulait que je lui dise tout ce qui n’allait pas. Être juste bien ne lui suffisait pas, il fallait que ce soit très bien sinon on recommençait autant de fois que nécessaire, et ce, avec le même entrain. Pendant un temps, il est allé à Saumur, où il a regretté qu’on lui dise que c’était bien sans le reprendre sur les détails!”, sourit la formatrice du champion. L’année suivante, le couple termine cinquième des Européens d’Avenches, en Suisse, où la France conserve sa médaille de bronze. En Jeunes Cavaliers, la réussite est toujours au rendez-vous. Astier et Jhakti ne cessent de s’illustrer, terminant notamment dixièmes de leurs premiers championnats d’Europe en 2008 à Kreuth, en Allemagne. Année après année, le centaure éclot et aiguise encore davantage une rage de vaincre lui permettant de palier les quelques défauts de son cheval. “Aujourd’hui, Astier est beaucoup plus serein qu’à l’époque. Avant, quand il sentait son cheval moins bien, il s’inquiétait. Il fallait alors rester auprès de lui et lui dire tout ce qu’il fallait faire, surtout lorsqu’il était avec Jhakti, qui n’était pas très pratique en saut d’obstacles. Plusieurs fois, je lui ai dit qu’il devait le porter et se débrouiller pour arracher le sans-faute. Je lui répétais que c’était à lui de demander les choses, j’essayais de le motiver. Il se donnait alors à 100% pour que son cheval réussisse un parcours parfait. Désormais, il a davantage confiance en lui et en son cheval”, analyse Marie-Reine Périé. En 2009, toujours associé à son fidèle bai, le jeune homme monte sur son premier podium individuel en championnat, se parant d’argent aux Européens de Waregem en Belgique.
L’année 2009 est aussi celle de sa première transhumance. Astier quitte son Sud-Ouest natal pour rejoindre les herbages verdoyant de la Grande-Bretagne, et surtout les écuries d’un des cadors de la discipline, le Néo-Zélandais Andrew Nicholson, qui l’accueille en stage. Outre-Manche, le Toulousain découvre le concours complet tel qu’il est pratiqué par les Britanniques, et en tombe amoureux. “À la fin de mon stage, j’ai été obligé de renter en France, mais je voulais absolument trouver un moyen de repartir. Je souhaitais arrêter mes études d’ingénieur agronome (il était inscrit en Licence à Toulouse, ndlr), car même si c'était intéressant, ce que je voulais, c’était être à cheval. De ce point de vue, ce stage a été une bonne échappatoire”, ironise-t-il aujourd’hui. Alors qu’une partie de sa famille l’imaginait plutôt ailleurs, son choix de devenir cavalier professionnel reçoit un soutien massif de ses frères et sœurs.
Aux championnats d’Europe de Pardubice, en République tchèque, ses derniers en tant que Jeune Cavalier, Astier Nicolas présente sa plus belle reprise de dressage. Hélas, un trou situé à l’abord d’un contre-bas réduit son rêve d’or à néant. “Le terrain n’était vraiment pas bon. Les organisateurs l’avaient testé lors de concours nationaux où il n’y avait pas plus de douze partants par épreuve alors que là, nous étions soixante-quatre au départ… Il y a eu vingt-deux chutes et le jury a été obligé de retirer des obstacles du parcours au fur et à mesure. Jhakti a mis le pied dans un trou juste avant un contre-bas et a basculé. Cette année-là, il avait couru le CCI 3* de Bramham (dont le couple avait pris la dixième place, ndlr), donc il était largement au niveau de ce parcours. Hélas, il n’a même pas eu le temps de descendre, il a basculé et m’a fracturé la clavicule en me retombant dessus”, regrette le pilote. Astier et Jhakti se remettent vite de cette mésaventure et brillent rapidement sur le circuit Seniors, sans jamais craindre les difficultés. “II l était u n peu fou, à tel point que je ne peux pas vraiment dire qu’il était courageux, puisqu'en réalité, il n’avait pas conscience des dangers! Il était tête brûlée. Lorsque nous partions en extérieur, il voulait toujours sauter le fossé le plus large ou le tronc le plus haut! Il était à la recherche de sensations fortes”, souligne Thomas Carlile.
“J’étais jeune et plein de fougue”
Courant 2010, le jeune homme intègre une Licence en management équin au prestigieux Hartpury College, où il travaille aux côtés de Nick Burton, un ancien complétiste de haut niveau réorienté vers le dressage, et alors directeur de l’académie équestre de Hartpury. “J’ai eu beaucoup de chance de croiser sa route car il m’a énormément aidé sur le plat, mais aussi dans la gestion d’un cheval.” En 2011 et 2012, Astier et Jhakti gravissent de nouveaux échelons, bouclant sans encombre trois CCI 4*, et terminant sixièmes à Pau devant leur public tout acquis à leur cause. “Jhakti est le cheval qui m’a ouvert les portes du haut niveau. Il m’a accompagné des classes D jusqu’en 4*”, conclut Astier. Parallèlement, à partir de 2009, le génie débute la formation de son futur protégé, un certain Piaf de B’Neville, repéré par Marie-Reine Périé dans l’élevage normand de Jean-Michel Thiébot. Sympathique et joviale, Astier parvient à fédérer autour de lui une belle équipe donnant naissance au syndicat Ben & Partner, géré par Michel de Chateauvieux. Cette bande de passionnés acquiert le futur champion olympique à la fin de son année de six ans (lire le portrait de Piaf dans Grand Prix Magazine n° 77 de juin 2016). Si rien ne semble gagné d’avance entre les deux athlètes, l’optimisme et l’envie d’Astier priment. Désireux d’atteindre le plus rapidement possible les sommets de son sport, en 2010, le cavalier en demande beaucoup à son nouveau bai, alors âgé de sept ans, avant de revenir à la raison, sur les conseils de Laurent Bousquet, l’ancien sélectionneur national. “Je voulais à tout prix aller au Mondial du Lion-d’Angers! J’étais jeune et plein de fougue. À l’époque, je voulais aller partout, en CCI 4*, au Lion, etc. À mi-saison, Laurent Bousquet a décidé que Piaf n’était pas prêt, j’ai dû me plier à sa décision. Il m’a dit que je ne devais pas m’emballer car j’allais le gâcher. Je ne peux que l’en remercier, car il a eu raison!”, salue le double médaillé de Rio.
Au cours d’une saison 2011 tout en progression, Astier et Piaf retrouvent les chemins de la réussite. L’année suivante, leur travail est récompensé par un titre de champion du monde des moins vingt-cinq ans au CCI 3* de Brahman. “C’est une des victoires que je garde le plus en tête, car ces CCI sont les épreuves que je préfère, celles pour lesquelles je me bats. CCI 3*, c’est déjà la classe ! En général, ce sont de vrais beaux terrains, ce qui n’est pas toujours le cas de ceux des CIC 3* (format court). Cette victoire m’a vraiment fait plaisir, mais cela n’avait rien à voir avec celle de Pau. Elle m’a surtout procuré le sentiment du devoir accompli”, confie le cavalier. L’année 2013 voit le couple boucler son premier CCI 4* de Badminton à la neuvième place et décrocher sa première grande sélection en équipe de France à l’occasion des championnats d’Europe de Malmö. Astier en repart avec une médaille de bronze par équipes, mais une vingt-quatrième place décevante à ses yeux. À vrai dire, il regrette surtout ses trois fautes à l’hippique. “J’étais content que nous puissions tout de même ramener quelque chose, car j’avais le sentiment d’avoir gâché l’image de l’équipe de France! J’avais le sentiment de l’avoir laissée tomber. Nous avons réussi un bon dressage et un bon cross, mais n’ai pas amené quelque chose de fantastique à l’équipe. Ce n’était vraiment pas le moment de faire une georgette!”
En 2014, Astier Nicolas vise les Jeux équestres mondiaux de Normandie, mais rien ne va se passer comme prévu, Piaf souffrant de problèmes aux suspenseurs en débute d’année. Malgré un retour tonitruant dès l’été au CICO 3* d’Aix-la-Chapelle, qu’ils concluent à la huitième place, les deux complices sont écartés de la sélection. En 2015, la malchance s’abat à nouveau sur le couple, privé des championnats d’Europe de Blair Castle lors du stage de préparation en raison de problèmes respiratoires du cheval. “J’ai très mal vécu cette non-sélection et cette éviction. Je ne peux pas en vouloir au staff, mais cette période a été difficile à vivre”, avoue Astier. Aussi désagréables soient-elles, ces déconvenues permettent au cavalier de s’endurcir. “Il a eu du mal à digérer tout cela. En 2015, il s’est organisé de façon très indépendante. Cela a généré quelques tensions entre le staff et lui. Je me souviens de Thierry (Touzaint, sélectionneur national, ndlr) appréhendant de l’appeler pour établir un plan de saison. Il craignait une première réponse négative d’Astier quelle que soit sa proposition. Je crois que ses épisodes l’ont fait grandir et l’ont poussé à se montrer plus transparent et lucide dans sa communication avec le staff. En l’espace d’un automne, il a énormément mûri. C’était sûrement un énorme regret sur le moment, mais je crois que cela l’a finalement servi”, analyse Thomas Carlile.
“Je la voulais, cette médaille !”
En octobre 2015, la détermination d’Astier se voit récompensée par une superbe victoire au CCI 4* de Pau, aux commandes du formidable Piaf. “Nous avions beaucoup à faire pour les propriétaires, car eux aussi ont mal vécu tous ces événements”, argue Astier, soucieux de ne décevoir personne. Même si la route est encore longue, l’exploit olympique prend forme. D’ailleurs, l’année 2016 du cavalier est totalement dédiée à la préparation des Jeux de Rio de Janeiro. Incontestable au regard de sa victoire au CIC 3* de Chatsworth mi-mai, puis de sa troisième place au Grand National du Pin-au-Haras début juillet, la sélection du couple est accueillie avec joie et soulagement par tous ses proches. Cette fois, le stage de Granville se déroule sans accroc. Astier et Piaf s’envolent à Rio avec un seul et unique but : décrocher une médaille.
Sur place, la tâche s’annonce d’autant moins aisée que la France tire le numéro deux. Désignés ouvreurs de l’équipe de France par Thierry Touzaint, le 6 août, Astier et Piaf présentent une bonne reprise de dressage, malheureusement entachée de deux erreurs aux changements de pied. Pénalisés de 42 points, ils concluent ce premier test à la onzième place. “En sortant du rectangle, j’ai vraiment regretté d’avoir loupé ces deux changements de pied, mais je suis assez vite redescendu sur terre en me disant qu’il fallait que j’arrête de me faire du mal. D’une part, Piaf a tout de même réalisé une bonne reprise, il a même été splendide, et d’autre part, cette figure restera toujours sa bête noire”, analyse-t-il après coup. Devant sa télévision, Marie-Reine Périé a apprécié sa prestation. “Son dressage m’a donné beaucoup d’espoir. Il y a eu cette petite faute, mais pour moi, c’était le scénario rêvé. Je préférais qu’il ne soit pas trop devant. Être en embuscade lui a ôté un peu de pression.” Comme le veut le règlement, il part également deuxième du cross, donc sans aucun autre repère que ceux glanés lors des multiples reconnaissances du tracé imaginé par le Français Pierre Michelet. La tâche s’annonce délicate dès le double de pointes en numéro six, combinaison suscitant beaucoup de questions dans toutes les équipes. Encore une fois, Astier semblait sûr de son coup au moment de s’élancer dans ce cross jugé comme le plus difficile de l’histoire olympique moderne. “Le matin même, j’ai discuté avec Thierry qui voulait que je prenne l’option longue sur cette fameuse combinaison. Finalement, j’ai réussi à le convaincre ! Elle me faisait stresser, mais je la sentais bien.” Un pari plus que gagné puisqu’en piste, le Bleu ne vacille pas une seule seconde. Il ne seront que trois à rentrer dans le temps, ce qui lui permet de remonter à la troisième place, derrière l’Australien Christopher Burton et le champion olympique en titre, Michael Jung, respectivement associés à Santana II et La Biosthetique Sam.
Le lendemain, l’homme de cheval fait parler son talent, mais aussi son point le plus fort, son mental. Lorsqu’il entre en piste, la France, troisième au provisoire après le cross, peut encore décrocher l’or, mais aussi terminer quatrième, Karim Laghouag ayant racheté son refus de la veille avec un très beau tour à un point sur Entebbe de Hus, Thibaut Vallette ayant un signé un sublime sans-faute sur Qing du Briot*ENE-HN, et Mathieu Lemoine ayant renversé deux barres avec Bart L. “J’étais énervé avant l’hippique, car j’aurais voulu que nous ayons la médaille d’or le soir du cross. Déjà, nous n’étions qu’à 0,2 point après le dressage parce que Karim a été très sévèrement noté par une des juges... Je la voulais, cette médaille! Cela m’a transcendé. Pour moi, il était impossible que nous rentrions sans l’or. Michel Asseray était très stressé. Je lui ai dit de se calmer car j’allais le lui ramener!” Chose promise, chose due, Astier Nicolas et Piaf de B’Neville signent ce sans-faute tant attendu et assure la France d’une médaille. Reste à en déterminer la couleur. Ayant le destin de leur pays entre leurs rênes, la légende Mark Todd et le talentueux Christopher Burton vont alors craquer de manière totalement irrationnelle. Parfait dans les deux premiers tests, Leonidas II, la monture du double champion olympique de Los Angeles et Séoul, ne veut pas jouer, renversant quatre obstacles et condamnant les Néo-Zélandais à l’horrible quatrième place. Lauréat en mai du CCI 3* de Saumur, Santano II, lui, pousse le deuxième élément du triple et la sortie du double, faisant reculer l’Australie à la troisième place… et propulsant la France au firmament de l’Olympe, comme en 2004, mais cette fois, sans la moindre contestation possible.
Trois heures plus tard, lors de la seconde manche d’hippique faisant office de finale individuelle, Astier voit ses nerfs d’acier mis à rude épreuve lorsque les postérieurs de Piaf retombent assez lourdement sur le second plan de l’oxer placé en numéro trois. Il remobilise alors son cheval et parvient à boucler un tour à six points, qui lui offre une médaille d’argent bien méritée, juste derrière le quasi invincible Michael Jung. Cette fois, pourtant, il n’y aura aucune explosion de joie à l’arrivée. Perfectionniste, le champion aurait tout simplement aimé faire mieux. “J’étais un peu déçu car ma faute était importante. Je suis revenu en piste trop confiant car Piaf avait très bien sauté le matin. De plus, sur l’obstacle précédent, Piaf s’était réceptionné sur le bon pied, le gauche, ce qui ne lui arrive jamais. En réalisant cela, j’ai eu quelques secondes d’inattention. J’ai voulu protéger cet oxer très fautif, mais sans remettre de galop, c’était compliqué...” Décidément, on ne le refera pas! Quelques minutes plus tard, il laissera bien évidemment éclater sa joie lors de la remise des prix.
Ce beau gosse caractérisé par sa grande propension à l’étourderie - ce dont témoigne l’oubli de son accréditation ainsi que de ses bottes lors des JO - et que certains n’hésitent pas à qualifier d’artiste, semble surtout focalisé sur ses objectifs et ses chevaux. “Astier est très exigeant envers lui-même comme envers les personnes qui l’entourent et travaillent à ses côtés. Ce n’est pas toujours facile car il sait ce qu’il veut. Il adore faire la fête, c’est un très bon vivant ! Néanmoins, il fait très bien la part des choses. Même après une énorme fête, il est capable de se concentrer au maximum le lendemain. Jamais vous ne saurez qu’il est sorti la veille, il ne laisse rien transparaître ! Il a une incroyable capacité à se recentrer sur ses objectifs. Par exemple, l’année dernière à Pau, une heure avant le cross du CCI 4*, il est allé essayer un cheval non loin du concours !”, s’amuse Marie-Reine Périé. En attendant de prochaines décharges d’adrénaline, pour Astier Nicolas, vingt-sept ans, l’heure est venue de rentrer en France. Le double médaillé olympique de Rio va aussi devoir s’atteler à former la relève de son écurie, Piaf étant âgé de treize ans, et Quickly du Buguet, pétillante jument avec laquelle il a terminé quatorzième du CCI 4* de Badminton cette année, étant désormais à la retraite. “Je ne sais pas si Piaf sera encore dans le coup pour les Jeux mondiaux de 2018. Il me faut donc préparer un nouveau cheval, mais je n’en ai pas… Désormais, mon objectif premier est donc de trouver de bons chevaux pour l’avenir. Comme je rentre en France, je serai plus visible. Je cherche à acheter mon écurie pour ne plus dépenser en frais de location ce qui pourrait être un remboursement d’emprunt.” Conscient de la difficulté de vivre d’un sport où les dotations restent faibles et où les chevaux courent peu, le cavalier a intégré à son système une partie commercialisation lui permettant de développer son écurie. “Il va donc me falloir à la fois vendre plus de chevaux pour acheter, et en trouver quelques-uns pour assurer mon avenir sportif”, résume-t-il. Un défi qui semble tout à fait dans ses cordes !
Cet article dans le magazine GRANDPRIX n°79, en septembre 2016.