“Une jument comme Flora, on n’en connaît qu’une seule dans sa vie”, Jérome Gaudoux
La semaine passée, la disparition brutale de Flora de Mariposa à l'âge de quinze ans seulement a créé une véritable onde de choc. Emportée par une endotoxémie foudroyante, la belle alezane a laissée derrière elle de nombreuses personnes inconsolables, dont Jérome Gaudoux, son groom lors des Jeux olympiques de Rio de Janeiro, en 2016. Non sans émotion, celui qui voue sa vie à celle des chevaux raconte ses moments partagés avec sa “Floflo”.
“Après avoir appris sa disparition la semaine dernière, j’ai passé des jours à pleurer tant j’étais triste”. Une semaine est passée depuis l’annonce de la mort soudaine de Flora de Mariposa, mais l’émotion de Jérome Gaudoux reste intacte. Groom professionnel, il a emmené la tempétueuse alezane vers quelques-uns de ses plus beaux succès. Pourtant, leur entente n’avait pas été une évidence au départ.
En 2015, avant même que les présentations ne soient faites, Flora de Mariposa avait donné le ton à celui qui allait devenir son groom. “Je me souviens de la première fois où j’ai vu Flora, ça n’avait pas été facile (rires)”, se souvient-il. “Je travaillais par le passé pour Julien Épaillard avant d’arriver chez Pénélope (Leprevost, ndlr). Je me rappelle que les débuts ont été compliqués car Flora avait plutôt l’habitude que des filles s’occupent d’elle. Elle était vraiment compliquée avec les hommes, donc le contact n’a pas été simple au départ, car elle avait beaucoup de caractère. Elle aimait ses habitudes et être toujours entourée des mêmes personnes, le changement l’inquiétait. Lorsqu’elle ne connaissait pas les personnes qui gravitaient autour d’elle, elle était assez solitaire, dans son coin. Elle avait tendance à coucher les oreilles ou à faire sentir qu’on n’était pas les bienvenus dans son box. En revanche, dès lors qu’elle était en confiance, elle devenait vraiment plus agréable. J’ai pu gagner sa confiance en m’occupant d’elle au quotidien. Elle adorait les bonbons, donc on en avait souvent beaucoup sur nous”, se remémore le groom.
“Que Flora ait pu sauter à Rio était presque irréel”
Arrivé à Lécaude quelques mois avant la folle aventure olympique, Jérome Gaudoux a donc vécu toute la préparation en vue de Rio de Janeiro, mais surtout le chaud et le froid soufflé par tous les coups du sort vécus au Brésil. Il y a d’abord eu la crainte de perdre Flora, prise de crises de coliques très violentes, le doute de la faire concourir une fois remise, la désillusion suivant la chute de Pénélope Leprevost dans le premier acte de la compétition, puis l’exultation lorsque la France a décroché l’or olympique. “Bien sûr, les Jeux olympiques de Rio de Janeiro restent un grand moment, c’était hors-norme”, lâche Jérome avec un enthousiasme intact. “Après tant d’heure de vol, sous la chaleur écrasante du Brésil, Flora a eu un cœur énorme et s’est battue comme une lionne pour se remettre de ses terribles coliques. Le lendemain de sa crise, elle allait déjà beaucoup mieux, et le surlendemain, elle était en piste. Peu de chevaux auraient été capables d’en faire autant, sa générosité hors-norme a fait la différence. Il y a eu tellement de peur, de tristesse, d’angoisse et de pleurs, que la joie de la fin avec la médaille d’or a été décuplée. Rien que le fait qu’elle se remette de sa colique était un énorme soulagement, nous ne pensions qu’à son bien-être, et même plus à la compétition. Qu’elle puisse sauter était presque irréel. Bien sûr, il y a eu la chute lors du premier parcours, ce qui a forcément engendré de la déception. Mais malgré tout cela, elle a réussi à signer un sans-faute lors de la première manche de l’épreuve par équipes. Nous avons vécu de véritables montagnes russes, mais à la fin Flora a fait la différence en passant en quatre jours de terribles coliques à un sans-faute dans l’épreuve par équipes et à un titre de championne olympique par équipes”, se souvient le groom.
La formidable fille de For Pleasure a bien sûr offert d’autres grandes émotions à son entourage. “Avant cela, nous avions gagné un premier Grand Prix CSI 5* avec elle, au Longines Global Champions Tour d’Anvers. Rien que cela, c’était déjà fantastique. Flora était tellement exceptionnelle qu’il y a eu tellement de grands moments… Des juments comme elle, on n’en connaît qu’une seule dans une vie. Avec elle, c’était vraiment particulier car le sport commençait dès le moment où on la mettait dans le camion. Flora donnait tout à chaque parcours et avait un cœur gigantesque”, souligne Jérome, dont l’attachement à cette jument était particulier. “Avec Flora, j’ai vraiment eu une relation unique. Je l’adorais. Elle a beaucoup compté pour moi, j’ai des photos partout d’elle chez moi. C’est l’une des meilleures juments que j’ai croisé dans ma vie et il sera impossible de la remplacer”.
“Ce n’est pas facile de se dire qu’elle est partie…”
Brillante en piste, la lionne alezane n’était pas moins intelligente au quotidien. “Flora était très sensible à la voix, elle reconnaissait très vite les gens comme cela. Par exemple, elle sortait la tête du box et hennissait dès qu’elle entendait Pénélope. C’était la seule de l’écurie à faire cela. C’était quelque part une preuve de son attachement, car elle le faisait uniquement avec les gens qu’elle connaissait”, raconte le groom. Comme si elle n’était pas suffisamment particulière, Flora s’adonnait à un loisir parfois bruyant. “Elle ronflait beaucoup, oui (rires). Mais au moins, on savait qu’elle se reposait bien et qu’elle prenait des forces ! Elle était très maline et savait se préserver pour répondre présente dès que l’on avait besoin d’elle. C’était une véritable guerrière”.
Éloignée des terrains de sport prématurément après une blessure, Flora n’avait plus concouru depuis fin 2018. “Je l’ai revue après sa fin de carrière et elle est ensuite partie dans l’un des plus beaux élevages de Normandie. Elle a eu la chance de profiter de prés formidables et d’être extrêmement bien soignée. Il est vraiment regrettable qu’elle n’ait pas pu profiter davantage de sa retraite car elle aurait amplement mérité de couler des jours heureux pendant longtemps. Je pense que ses propriétaires sont très tristes et auraient rêvé de l’avoir à leurs côtés des années durant”, déplore Jérome Gaudoux. “Elle aura quoi qu’il en soit fait vivre des émotions intenses à énormément de personnes, que ce soit à ses propriétaires, à Pénélope, aux gens qui s’occupaient d’elle aux écuries, à moi… Tout tournait toujours autour d’elle car elle arrivait constamment à se mettre en avant. C’était Floflo quoi… Aujourd’hui je suis vraiment triste de voir ma jument de cœur partir ainsi. Mais merci à elle de m’avoir fait vivre ces moments d’exception. Que ce soit des moments de sport, ou même en dehors. Sur le plan émotionnel, j’ai tout vécu avec Flora. Ce n’est pas facile de se dire qu’elle est partie… La semaine passée, une amie m’a dit « ne sois pas triste de l’avoir perdue, sois heureux de l’avoir rencontrée ». C’est juste, et je crois que beaucoup de gens auraient rêvé de s’occuper d’elle”.