Si les Jeux olympiques de Tokyo avaient eu lieu en 2020, quelle équipe serait arrivée favorite à Tokyo? 

Je pense que cela aurait été les Britanniques. Ils sont déjà champions d’Europe et champions du monde, alors il y a une logique. Depuis qu’elle a été reprise en mains par Christopher Bartle, l’équipe a repris une bonne dose de confiance et s’affiche en bonne forme. La Grande-Bretagne demeure la nation du concours complet, bien qu’ils aient connus quelques années de doute pendant lesquelles les Allemands ont été très forts et les Français ont pu tirer leur épingle du jeu. Depuis deux ans, on peut constater qu’ils sont revenus à leur meilleur niveau. 

Quelle équipe aurait, selon vous, créé la surprise? 

Je ne vais pas paraître objectif, mais selon moi, ce sont les Japonais. Lorsque l’on observe la progression de cette équipe au cours des deux ou trois dernières années, il semble certain qu’ils auraient pu et pourront créer la surprise. Nous avons terminé quatrièmes des championnats du monde à Tryon en 2018 et de très bons résultats l’an dernier sont venus confirmer la belle saison qu’avait été celle de l’année précédente. Nous avons débuté 2020 avec une victoire dans le CCI 4* de Barroca d’Ava, au Portugal, en mars. La saison avait commencé à merveille avant d’être subitement interrompue, c’est pourquoi je pense que le Japon n’a pas fini de surprendre. 

La France aurait-elle conservé son titre? 

Elle aurait pu, car l’équipe en avait les moyens. Je constate, en ayant pu observer cette équipe de l’intérieur comme de l’extérieur, que la force de la France réside dans le fait qu’elle s’appuie sur d’excellents cavaliers. Ils bénéficient d’un très bon niveau technique et c’est ce qui fait la différence. La médaille de bronze remportée lors des JEM de Tryon a été, telle que je l’analyse, davantage due aux cavaliers qu’à la qualité des chevaux qui étaient certes bons, mais pas exceptionnels. Ils ont su tirer le meilleur de leurs chevaux pour ramener cette médaille et je pense que l’équipe aurait pu permettre à la France de conserver son titre. 

Qui auraient pu être perçus comme les outsiders? 

On en revient à l’équipe japonaise qui, je l’ai dit, aurait pu surprendre. Les cavaliers qui la compose ne figurent pourtant pas forcément sur la liste des favoris, mais sont susceptibles de se montrer performants. Le changement du format des équipes, passé de quatre à trois couples, est un facteur très important dont nous avons pour l’instant du mal à prévoir l’impact dans la mesure où cela n’a jamais vraiment été mis en pratique. Cette formule qui implique que tous les résultats comptent peut éventuellement avantager des “petites” nations par rapport à d’autres, car nous ne sommes jamais à l’abri que l’un des cavaliers passe à côté, et cela peut changer la mise du tout au tout pour une nation plus attendue. Nous n’avons pas de recul sur ce format qui pourrait, puisque l’on parle ici d’outsiders, provoquer des surprises. 

Quelle nation aurait brillé sur le rectangle de dressage? 

C’est presque enfoncer une porte ouverte que de rappeler que les Allemands sont très forts. Néanmoins, s’ils ont su creuser l’écart au cours des dernières années, les autres nations ont travaillé d’arrache-pied pour les rattraper et cet écart s’est considérablement resserré. L’année dernière, quelques cavaliers britanniques se sont distingués, dont Piggy March, qui a été particulièrement performante en dressage, mais aussi Thibaut Vallette, parmi les Français, qui continue à progresser avec Qing du Briot. Les Australiens, avec Christopher Burton et Andrew Hoy en tête, sont sacrément bien au point et la famille Price, du côté des Néo-Zélandais, se montre également redoutable. Soit dit en passant, le dressage est passé d’un coefficient 1,5 à un coefficient 1, ce qui a redonné de l’importance au cross et au saut d’obstacle, rendant la domination du dressage moins prépondérante dans le résultat final.

“Je trouve que les Américains ne sont pas au meilleur de leur capacités en ce moment”

Comment le parcours de cross aurait-il été construit de manière à demeurer technique sans pour autant mettre les chevaux à mal au vu de la chaleur qui était attendue? 

Nous savons déjà que la première décision qui avait été prise était de réduire le parcours à huit minutes au lieu de dix comme prévu initialement dans le but de préserver les chevaux. Nous avons pu voir le parcours lors de l'événement test en août 2019, et de ce que j’ai pu observer, je pense qu'il aurait été très intense sur une distance assez courte. Les difficultés se seraient enchaînées très vite dans un parcours assez sinueux, sans grand dénivelé mais avec des ondulations de terrains très fréquentes. Malgré une réduction de sa durée, le parcours aurait été exigeant pour les chevaux, à la fois à cause de l’intensité l’effort à fournir et de la nature du terrain. 

Qui aurait pu signer une contre-performance? 

Je trouve que les Américains ne sont pas au meilleur de leur capacités en ce moment. Ils tirent leur épingle du jeu lors de chaque olympiade, mais on s’aperçoit qu’ils semblent être dans le creux de la vague depuis quelques années. Il me semble que les Jeux olympiques seraient arrivés un peu vite pour eux en 2020, et que l’année de préparation supplémentaire dont nous bénéficions leur sera bénéfique. Je pense également aux Irlandais. La médaille d’argent qu’ils ont obtenue aux JEM est totalement méritée, mais je dirais qu’ils ont bénéficié d’un enchaînement de conditions favorables qui ne se répètent pas forcément à chaque fois, ce qui fait qu’ils auraient peut-être pu faire partie des déceptions. 

Quels cavaliers se seraient distingués dans l'épreuve de saut d’obstacles? 

De plus en plus de cavaliers de concours complet commencent à faire du saut d’obstacles à bon niveau. Bien évidemment, je ne peux que mentionner l’Allemand Michael Jung, qui participe régulièrement à des CSI 5*, de même que l'Australien Christopher Burton, qui évolue sur des épreuves à 1,50m. Désormais, quelques cavaliers français comme Maxime Livio et Karim Laghouag se mettent également au saut d’obstacles dans des épreuves de bon niveau. C’est l’évolution du règlement qui veut cela. Le fait d’avoir réduit le coefficient du test de dressage ayant redonné de l’importance au saut d’obstacles, les complétistes se donnent les moyens de progresser pour être à la hauteur, et cela passe par le saut d’obstacles “pur”. Je pense aussi à l’Irlandais Padraig McCarthy, qui est un ancien cavalier de saut d’obstacles reconverti au complet, et qui était d’ailleurs présent sur le podium à Tryon avec l’équipe irlandaise. Il fait selon moi partie de ceux qui auraient pu se démarquer des autres dans cette épreuve. 

Quels cavaliers auraient pu surprendre? 

Cela n’aurait pas vraiment été une surprise, mais la fédération et le comité olympique allemand ont vraiment mis des moyens en œuvre pour pouvoir garder Chipmunk FRH sous leur drapeau et qu’il puisse évoluer sous la selle de Michael Jung. C’est un atout de taille. Le Néo-Zélandais Tim Price tourne autour des podiums depuis un certain temps, et aurait pu créer la surprise en montant dessus cette fois-ci. Je crois également beaucoup en le Japonais Yoshiaki Oiwa qui, grâce à l'expérience de plusieurs olympiades et un bon piquet de chevaux, aurait pu se révéler compétitif. 

Qui auriez-vous aimé voir médaillés d’or par équipes et en individuel? 

Si j’ai un rêve, ce serait de voir les Japonais champions olympiques, les Français médaillés d’argent - tout de même!- et laisser l’Angleterre, l’Allemagne, la Nouvelle-Zélande et l’Australie se disputer le bronze. En ce qui concerne le podium individuel, je ne saurais pas donner d’ordre car cela dépend d’énormément de choses, mais il est vrai que j’aurais bien aimé y voir, là aussi, un cavalier japonais car il y a un engouement colossal au Japon autour de ces Jeux olympiques. J’aurais bien sûr aimé y voir aussi un Français et un Néo-Zélandais. Voilà mon podium de rêve, dans un ordre qui importe peu.