Toujours plus de chevaux mutilés et une enquête au point mort…
Depuis le milieu du printemps, des chevaux sont retrouvés morts, mutilés et amputés, un peu partout en France. Les propriétaires paniquent face à ces actes d’une barbarie sans nom. La Fédération française d’équitation s’est portée partie civile, de même que certaines sociétés de protection des animaux. L’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, dépendant de la Gendarmerie nationale, a été saisie de l’enquête. Des groupes Facebook et WhatsApp dédiés ont été créés, afin de recenser les cas et de mener une campagne de prévention. Mais rien n’y fait, les massacres continuent…
Chevaux, juments, poneys, ânes, de loisir, de sport ou de course, aucune catégorie d’équidé n’y échappe. Depuis le milieu du printemps, des attaques mortelles sont perpétrées à leur encontre. Les animaux sont retrouvés dans leur pré, morts et atrocement mutilés. Plus de vingt cas ont été recensés à ce jour, partout en France, mais ce chiffre évolue quotidiennement, et semble aller en s’accélérant… “Elsa avait l’oreille droite sectionnée, le crâne creusé. Il manquait un morceau d’orbite au niveau de l’œil. Il n’y avait aucune trace de blessure mais du sang sur la vulve et l’anus. Et un hématome au niveau de la lèvre supérieure, qui pourrait faire penser à l’utilisation d’un tord-nez”, décrit tristement Mélissa Véron, qui a découvert sa jument sans vie le 14 mai dans la Somme.
Le témoignage de Pauline Sarrazin, dont la jument a été assassinée en juin dernier en Seine-Maritime, est tout aussi glaçant. “Le 6 juin, je me suis absentée moins de trois heures de chez moi pour aller faire quelques courses. Lady allait très bien, de même que mes deux autres chevaux. À mon retour, je l’ai retrouvée étendue à terre, agonisante. Elle bougeait les pattes en essayant de se lever, la tête tournée vers moi… C’était un carnage: elle avait l’oreille coupée, une plaie monstrueuse à la joue, le contour de l’œil écorché jusqu’à l’os. Elle s’est battue jusqu’au bout, mais n’a pas survécu.” À soixante kilomètres de là, un âne nommé Scipion a été massacré le 19 juin. Et puis, un poney dans l’Essonne, et Freddy Green, jeune cheval de selle de cinq ans, vidé de son sang après s’être fait percer la carotide, Flash, qui n’a pas survécu à une avalanche de coups de couteau, Sainte-Rique, le Trotteur Démon du Médoc, gagnant en courses, la pouliche Jade, dix-huit mois, retrouvée poignardée, le cou lacéré, l’appareil génital, l’oreille et l’œil arrachés… Et la liste pourrait continuer longtemps.
D’autres animaux ont heureusement survécu, à l’instar de Fanfan, cheval Arabe dont l’agression a causé une plaie béante à la cuisse, d’un cheval attaqué à l’arme blanche entre les deux oreilles, d’une jument agressée au cutter, d’une autre qui a vu son vagin sauvagement mutilé, d’un poney aspergé d’essence, d’une autre encore ayant survécu en échappant à ses assaillants qui avaient eu hélas le temps de la blesser sérieusement – il a fallu quelque trois cents points pour suturer sa plaie… Chaque jour ou presque, de nouveaux cas sont recensés.
Préméditation, organisation, précision… et précédents historiques
Au départ, un lien a été établi entre les attaques: les victimes présentaient toutes l’oreille droite coupée, et souvent aussi un œil arraché. Cependant, plus le temps passe et plus le rythme des attaques s’accélère, avec un mode opératoire qui varie beaucoup. “Je sais que j’ai été observée longtemps à l’avance”, assure Pauline Sarrazin. “Un mois avant le drame, j’ai été survolée par un drone. Et quinze jours avant, en pleine nuit – je suis insomniaque et je vais souvent voir mes chevaux – je suis tombée nez à nez avec une personne sur mon herbage. J’ai crié donc elle est partie en courant à un endroit où les barbelés se rabaissent, mais encore faut-il le savoir… Cela signifie que mon terrain a été passé au crible. La préméditation est clairement établie! À l’évidence, ces gens sont aussi des connaisseurs des chevaux, car ils savent les approcher, les amadouer, les attraper sans les affoler, et s’y connaissent en chirurgie vu la netteté des blessures.”
Mélissa Véron confirme cette hypothèse. “Il n’y avait pas une bavure, les blessures ont été infligées avec une précision chirurgicale. Ce qui est fou c’est que malgré une surveillance générale accrue, maintenant que les gens savent et se méfient, personne n’entend ni ne voit rien. Dans ma pâture, il y avait des chiens et des oies, mais aucun animal n’a protesté, et depuis les maisons tout autour, et personne n’a rien entendu… Ça tient de la magie. C’est à se demander si ces gens sont réels…” Pauline Sarrazin évoque aussi la symbolique liée aux organes prélevés. “Les oreilles coupées, les yeux arrachés, les museaux abîmés, pour ne plus voir, ni entendre, ni sentir?”
Si l’on creuse un peu, on trouve trace de tels massacres, moins systématiques certes, dès 2013 en France. En Belgique, cela remonte à 2014. On note aussi des attaques en Allemagne et en Grande-Bretagne. Sans oublier l’Australie et les États-Unis, où plus de huit mille animaux ont été tués, englobant aussi du bétail – on parle là-bas de “cattle mutilation”. D’ailleurs, cela prend cette tournure chez nous, puisque deux cochons chinois ont été retrouvés lardés de coups de couteau dans un pré de chevaux en Seine-et-Marne. On pense à des rites sataniques, à un challenge “à la con”, comme dit Mélissa. “Dans la plupart des meurtres, il y a cette signature de l’oreille droite sectionnée, mais au fur et à mesure que l’on recense de nouveaux cas, on se rend compte que c’est parfois la gauche, et que certains animaux sont simplement tués avec des blessures affreuses, sans signature particulière”, précise Pauline Sarrazin. Bref, il y a peu d’éléments pouvant permettre de déterminer un mobile avec certitude… “Le pire est de ne pas savoir, de vivre dans cette incertitude, cette peur”, se lamente Mélissa, ce que confirme évidemment Paulien Sarrazin. “Il faut faire d’autant plus attention que rien ne dit qu’ils ne s’attaqueront pas bientôt aux humains. On sait que de nombreux serial killers ont peaufiné leur série noire sur des animaux avant de s’en prendre à leurs propres congénères.” Comme aucune piste sérieuse n’est encore envisagée, ni aucun suspect identifié, malgré la mobilisation générale, la peur ne cesse de grandir…
La résistance s’organise
Afin de diffuser un maximum d’informations et de mener une campagne de prévention, Pauline Sarrazin a initié un groupe Facebook nommé “Justice pour nos chevaux”. Il rassemble déjà près de dix mille membres. Un autre groupe est né aussi pour les équitants de Loire et de la Haute-Loire, un autre encore pour la Vendée. Des groupes WhatsApp régionaux ont aussi été créés. La Fédération française d’équitation (FFE) s’est portée partie civile aux côtés des propriétaires dès lors que ceux-ci ont déposé plainte, comme le précise un communiqué de presse publié le 19 août. “Par cette action, la FFE entend combattre ces actes de barbarie et compléter l’aide qu’elle apporte déjà au service spécialisé de la Gendarmerie nationale, l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP). On ne peut être qu’horrifié devant ces actes de cruauté qui se multiplient”, a réagi Serge Lecomte, président de la FFE. “Notre détermination à lutter contre toute forme de maltraitance envers les équidés est totale et nous souhaitons, en lien avec la Ligue française de protection du cheval, mobiliser l’ensemble des acteurs de la filière cheval en France. J’en appelle à la vigilance de tous pour mettre fin au plus vite à ces atrocités.”
Certaines Sociétés de protection des animaux aussi, notamment celle de Lyon, se portent partie civile. En outre, la Ligue de protection des animaux (LPA) a lancé une pétition réclamant une cellule de crise sur les actes de barbarie commis sur les équidés. Elle a déjà réuni près de sept mille signatures à ce jour, et sera adressée au ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, ainsi qu’au député Loïc Dombreval, président du groupe d’étude sur la condition animale à l’Assemblée nationale. Claire O’Petit, députée La République en Marche de la cinquième circonscription de l’Eure, vice-présidente du groupe d’études sur la condition animale et secrétaire de celui dédié au cheval à l’Assemblée nationale, a quant à elle annoncé avoir interpellé le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
Les brigades locales sont sur le pont, de même que l’OCLAESP. La Gendarmerie nationale a par ailleurs diffusé une série de recommandations. “Effectuez une surveillance quotidienne des chevaux aux prés; évitez de laisser un licol quand l’animal est au pré; si vous en avez la possibilité, la pose de petite caméra de chasse peut être envisagée; signalez aux unités de gendarmerie en appelant le 17 tout comportement suspect à proximité des pâtures (stationnement de véhicules ou présence inhabituelle d’individus); si vous êtes concernés par les faits décrits, appelez le 17 également, ne procédez à aucune modification des lieux, portez plainte le plus rapidement possible.” Une note a aussi été adressée par courriel à tous les propriétaires de chevaux référencés comme tel par le système d’information relatif aux équidés (SIRE) contenant des préconisations de nature à éviter que leurs chevaux se retrouvent victime de telles violences.
Blanche de Granvilliers, avocat à la Cour et membre de l’Institut du droit équin et de l’association Avocats et droit de l’animal, a publié un article très complet dans Jour de Galop. Elle y rappelle que les sévices et actes de cruauté sont régis par le même article du code pénal (L521-1) qui prévoit que “le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende. Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires d’interdiction, à titre définitif ou non, de détenir un animal...” À noter qu’une pétition circule actuellement pour demander le durcissement des peines encourues par les coupables. “Outre la peine pénale à l’encontre des prévenus, prononcée par le tribunal judiciaire”, précise Blanche de Granvilliers, “les victimes peuvent se constituer partie civile et réclamer des dommages et intérêts”… à condition de trouver les coupables! “Les victimes peuvent déposer plainte directement auprès de la Gendarmerie ou bien en écrivant en recommandé avec accusé de réception au procureur de la République.” Il n’en demeure pas moins que la difficulté majeure est d’identifier les coupables, et que la priorité reste de faire cesser coûte que coûte cet affreux cauchemar…