Le bien-être animal s’invite à l’assemblée générale de la SHF
Si l’on pouvait logiquement envisager une prise de parole des responsables de la Société hippique française, dont l’assemblée générale s’est tenue hier matin à Paris, au sujet de l’angoissante vague de mutilations de chevaux, on s’attendait moins à un débat sur le respect du bien-être animal. Entre le traitement réservé aux Pur-sang Arabes dit de show, les problèmes rencontrés en endurance et ailleurs, les échanges n’ont pas manqué d’intérêt.
L’annonce de la démission d’Yves Chauvin, son président depuis fin 2012, n’a pas été le seul fait marquant ni la seule surprise de l’assemblée générale de la Société hippique française, qui s’est tenue hier matin dans le quatorzième arrondissement de Paris. La question du bien-être animal s’est invitée en fin de réunion, à l’initiative du Dr Richard Corde, président de la Ligue française pour la protection du cheval depuis 2009, et invité à ce titre par la Société hippique française. Le célèbre vétérinaire équin a souhaité attiré l’attention de l’assistance sur le traitement des Pur-sang Arabes, particulièrement ceux dits de show, autrement dit présentés en concours de modèles et allures. Cette discipline n’est pas directement placée sous la responsabilité de la SHF, contrairement à la production de chevaux destinés à l’endurance, mais tout de même sous l’égide de l’Association du cheval Arabe (ACA), reconnue par l’État comme organisme de sélection, au sens du droit européen, depuis mars 2018. “Des personnes m’ont fait remonter des informations à l’occasion de concours de chevaux Arabes, avec des images qui ne sont pas belles. Aujourd’hui, si nous ne sommes pas promoteurs de nos disciplines sportives dans le bien-être, nous allons subir des attaques très sévères de la part d’associations beaucoup plus jusqu’au-boutistes que la nôtre. Je ne connais pas le président de l’ACA (Stéphane Chazel, éleveur, cavalier, marchand, courtier et membre de l’ancien comité technique d’endurance mis en sommeil par la Fédération équestre internationale, ndlr), mais je pense que la SHF et l’ACA ont des rapports étroits (ce qu’a confirmé Yves Chauvin ; du reste, les deux organisations partagent les mêmes locaux, désormais situés à Montreuil, ndlr), alors je vous encourage à attirer son attention à ce sujet. J’ai reçu des photos d’actions sur les chevaux qui ne sont pas bonnes. Lors d’un concours, on a même vu une panthère noire en laisse… On est dans le délire!”
Yves Chauvin a alors répondu en défendant le circuit de formation et de valorisation des chevaux d’endurance, couru par des Pur-sang et Demi-sang Arabes, mais aussi par des Shagyas et Anglo-Arabes notamment. “Nos épreuves d’endurance sont très respectueuses du bien-être animal dans leur conception et leur progressivité (en termes de distances et de vitesses, imposées puis libres, ndlr). Nous traitons ces chevaux comme de jeunes athlètes en devenir. L’ACA est très, très attentive au bien-être animal. Nous avons déjà discuté de la situation et de ce qu’on a pu voir au Moyen-Orient, et l’ACA s’est toujours montrée très vigilante et critique.”
Puis le président sortant de la SHF a passé la parole à Marie-Noëlle Just, qui représentait l’ACA. “Richard Corde parle certainement du concours de Menton (le Menton Arabian Horse Show, organisé les 4 et 5 juillet 2020 dans les Alpes-Maritimes, ndlr), un événement privé sur lequel l’ACA n’a aucun pouvoir. Il est malheureusement organisé par Christianne Chazel, la mère de Stéphane, et il est vrai qu’il y a eu un souci avec une panthère. Christianne elle-même a reconnu que c’était un flop incroyable. Pour autant, elle a pris toutes les garanties nécessaires quant au traitement réservé à cet animal, donc on n’est pas forcément dans la maltraitance. Cette panthère a été récupérée car elle était maltraitée, et son nouveau propriétaire, un dresseur d’animaux pour le cinéma, la sort pour se faire quatre sous… C’est pitoyable, il faut le reconnaître, mais Christianne ne recommencera pas. Concernant le traitement des chevaux, je peux dire qu’ils sont présentés comme ils l’ont toujours été. Il y a un gros travail à faire, c’est clair, mais je pense qu’ils ne sont pas maltraités.”
“Si cela perdure, nous allons dans le mur ”, Richard Corde
Richard Corde reprend la parole: “L’image que nous donnons au public est fondamentale. Même si cela ne concerne que la portion congrue de ce qu’on peut voir sur notre territoire, ce n’est pas bien. Et si cela perdure, nous allons dans le mur. Nous avons la même problématique dans les courses. Les sports équestres sont encore relativement protégés, mais les Pur-sang Arabes de show, c’est du délire. Exciter les chevaux avec des sacs plastiques au bout de grandes cravaches et voir les meneurs leur ramener la tête de façon violente, c’est mal, et cela va nous causer des problèmes à tous. Ailleurs dans notre milieu, on ne voit plus cela. Quand je revois les harnachements qu’on imposait autrefois aux Trotteurs, je me demande comment on a pu laisser faire ça… Là, je tiens simplement à vous alerter.” “Les sacs sont interdits depuis deux ans”, répond Marie-Noëlle Just. “Toutes ces informations vont remonter jusqu’à Stéphane Chazel, qui y est très attentif, d’autant qu’il a lui-même été présentateur de show.”
Gérard Rameix, trésorier de la SHF, prend le relais. “Je ne connais rien au cheval Arabe et à l’endurance. En revanche, la SHF est dotée d’une commission de discipline, à laquelle j’ai l’honneur de participer, qui a prononcé, à ma connaissance, deux récentes sanctions: une concernant un propriétaire d’endurance à l’attitude incorrecte et une autre concernant un incident extrêmement regrettable survenu en saut d’obstacles (il s’agit du cas concernant Pierre Cimolaï et la mort en piste de Funny Boy du Golfe le 14 juillet au Lion-d’Angers, ndlr), qui a fait l’objet d’une suspension du cavalier de deux ans, dont six mois fermes. Par ailleurs, à la demande de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) et avec l’assistance de Guillaume Blanc, je préside le comité de filière, qui rassemble toutes ses composantes, au sein duquel nous discutons et agissons de façon importante à ce sujet. Toutes les activités équestres, même si le sport n’est pas en première ligne, peuvent être menacées par les plus extrêmes animalistes, refusant que l’homme influe sur l’animal de quelque manière que ce soit. Nous devons donc être irréprochables, et je crois que la SHF l’est. La culture change, c’est clair. Quand j’ai débuté en saut d’obstacles, des cavaliers, y compris de très bons, utilisaient des guêtres à clous, et personne ne les stigmatisait. Aujourd’hui, cela ne se fait plus, et heureusement.”
Jean-Baptiste Thiébot, éleveur expérimenté sous l’affixe de B’Neville et président de Cheval Normandie, a également souhaité apporter sa pierre à l’édifice, sans mâcher ses mots. “Je remercie Richard Corde pour son intervention. Je ne suis pas un sensible. Cela va peut-être vous choquer, mais mes vieilles poulinières, je ne veux pas les voir finir à l’équarrissage, alors elles partent à la boucherie, même si je les aime beaucoup. Je n’ai pas honte de le dire. Notre filière a du travail, pas tant dans le sport, même si… Je n’ai rien contre l’endurance, discipline que mon père a pratiquée entre les deux Guerres mondiales quand il faisait partie des Hussards. À cette époque, le respect des chevaux était bien plus important que ce qu’on peut voir aujourd’hui dans les courses d’endurance. Même s’il y a deux vétérinaires à côté, je trouve choquant d’arroser un cheval des pieds à la tête avec une lance à incendie. Même s’il y a de grands débouchés commerciaux pour nos chevaux dans les pays du Golfe, il faudrait quand même se pencher sérieusement là-dessus… Heureusement, le concours complet est devenu si soft qu’il n’y a plus de problèmes. A priori, il n’y en a plus vraiment non plus en saut d’obstacles, et pas trop en dressage. En revanche, on peut parler des courses… Je pourrais vous montrer des photos de chevaux entraînés encore aujourd’hui avec quasiment des fils de fer barbelé dans la bouche…”
Les temps changent, et il faut savoir s’en féliciter, mais il reste tant à faire…
“Laisser telles quelles les scènes de chevaux mutilés”
Concernant la terrible vague de mutilations de chevaux, Yves Chauvin a de nouveau donné la parole au président de la Ligue française pour la protection du cheval, partenaire de la SHF mais aussi de la Fédération française d’équitation à ce sujet. “Aujourd’hui, l’État a pris conscience, un peu tardivement, de la gravité de la situation. Désormais, les vétérinaires et gendarmes demandent à ce que les scènes de cruauté soient préservées, laissées telle quelles, afin de pouvoir tirer des conclusions fiables et récolter des indices. En effet, il n’est pas rare que des chevaux meurent de façon naturelle et soient ensuite mutilés par des charognards, ce qui peut occasionner des blessures similaires. Il y a eu des études à ce sujet menées en Grande-Bretagne. Pour le reste, il faut surveiller les chevaux autant que chacun le peut, appeler les forces de l’ordre à la moindre alerte, et surtout ne pas se substituer à elles pour ne pas ajouter un malheur au malheur.”
Pour conclure sur ce sujet, Jean-Roch Gaillet, directeur général de l’IFCE, a pris le micro à son tour. “Un numéro vert (0800.738.908, ndlr) a été lancé, non pour concurrencer mais pour compléter le numéro habituel de la Gendarmerie et de la Police. Il s’agit de répondre aux questions générales du grand public mais aussi des personnes faisant face à ces problèmes. L’État prend cela au sérieux. Lundi, les procureurs de l’Oise, qui étaient présents quand nous nous y sommes rendus avec les ministres de l’Intérieur et de l’Agriculture, Gérald Darmanin et Julien Denormandie, ont assuré que la réponse judiciaire serait à la hauteur de la gravité de ces faits, pour lesquels on peut encourir deux ans d’emprisonnement. Actuellement, il y a cent cinquante-trois plaintes instruites, dont vingt-sept graves. Le nombre de faits demeure donc faible. En revanche, il y a beaucoup de choses répétées et de rumeurs. Nous faisons notre possible pour des autopsies puissent être menées afin de distinguer les cas de mutilations humaines de celles causées par des animaux prédateurs, mais aussi de mettre en évidence l’utilisation éventuelles de flèches pour endormir les chevaux. Trouver les auteurs n’est pas simple, comme on l’a déjà constaté dans d’autres pays, mais nous espérons parvenir à en arrêter au plus vite.”