“Nous avons décidé d’avancer, pour le bien de ce sport que nous aimons tant”, Sophie Mottu-Morel
Dans le climat incertain et morose de ce début d’automne, toutes les bonnes nouvelles sont bonnes à prendre. Alors que la plupart des grands concours indoor n’auront pas lieu en 2020, pour des raisons sanitaires et financières évidemment compréhensibles, on ne peut que se réjouir de voir ceux du CHI de Genève (CHIG), comme d’ailleurs ceux d’Equita Lyon et de Fiera Cavalli à Vérone, de tenir bon et de “vouloir y croire”, pour le bien du sport, de toute la filière équestre et du secteur de l’événementiel, frappé de plein fouet par les conséquences de la pandémie de Covid-19. Peu après l’annonce du maintien de l’étape suisse du Grand Chelem Rolex, Sophie Mottu-Morel, directrice générale du concours, a esquissé les grandes lignes d’une soixantième édition qui s’annonce en tout point exceptionnelle.
Dans quel état d’esprit s’inscrit votre annonce d’aujourd’hui?
Nous attendions des garanties financières avant de nous lancer dans la phase opérationnelle de l’organisation du CHI de Genève. Les dernières nous ont été apportées vendredi par nos partenaires, que je remercie du fond du cœur pour leur fidélité et leur confiance. Nous avons donc décidé d’avancer, pour le bien de ce sport que nous aimons tant. Pour l’heure, la situation sanitaire n’est pas aussi défavorable en Suisse et dans le canton de Genève qu’en France, par exemple. Cela peut évoluer très vite – nous ne pouvons pas le maîtriser – mais le cadre fixé par les autorités pour la période débutant le 1er octobre nous permet d’avancer. Ainsi, les tribunes des stades de football et des patinoires comptant plus de mille places vont de nouveau pouvoir se remplir aux deux tiers, voire plus, avec de strictes mesures sanitaires, dont le port du masques et des contrôles. L’industrie sportive redémarre, ce qui nous encourage évidemment. Après tout, les autres sports le font, alors pourquoi pas nous? Si la situation se dégradait brusquement au point que de nouvelles mesures nous contraignaient à annuler notre concours, ce serait terrible.
Avant de nous lancer, nous avions donc besoin que nos partenaires soient prêts à vivre cela et à nous soutenir quoi qu’il arrive. En effet, plus l’événement approche, plus nous engageons de dépenses et plus les pertes potentielles sont importantes. Tous ont accepté de relever ce défi à nos côtés, parce qu’ils ont envie que le grand sport redémarre. Cela représente une grande marque de confiance et valide aussi notre philosophie consistant à privilégier des relations de long terme. Bien se connaître, cela aide dans les moments difficiles. Et leur soutien nous fait chaud au cœur.
Au-delà du public, des cavaliers et de nos partenaires, je pense aussi à tous nos prestataires. La tenue du CHIG constitue à leurs yeux une bouffée d’air dans une année extrêmement difficile pour tout le secteur de l’événementiel. Par exemple, nous serons l’un des rares rendez-vous maintenus à Palexpo cette année…
La volonté affichée par Sylvie Robert, présidente de la société GL events Equestrian Sport, organisatrice d’Equita Lyon, et les organisateurs italiens de Fiera Cavalli, le grand rendez-vous de Vérone, vous ont-ils encouragé à relever ce défi?
Bien sûr. Nous sommes toujours très attentifs à ce qui se passe ailleurs, particulièrement en cette année si spéciale. Naturellement, pour le bien du sport, nous sommes heureux de voir que nous ne sommes pas les seuls à essayer de nous maintenir. Pour autant, nous comprenons aussi les organisateurs qui ont décidé d’annuler leur événement, même si cela nous rend tous tristes. Les conditions sanitaires et contraintes réglementaires sont tellement différentes d’un pays à l’autre, ne serait-ce qu’entre la Suisse et la France… Nous espérons que les chevaux auront pu sauter un peu en indoor avant d’arriver à Genève, mais dans le cas contraire, la grandeur de notre piste (95 x 56m, ndlr) leur permettrait normalement de bien se comporter, comme toujours.
“Nous souhaitons que notre événement reste populaire et accessible”
À quoi ressemblera le protocole sanitaire qui s’appliquera au public et parties prenantes de l’événement?
Tout sera mis en place pour accueillir tout le monde dans les meilleures conditions: les spectateurs en tribunes et dans les espaces d’hospitalité, mais aussi les concurrents, exposants, accrédités, prestataires et bénévoles. Nous voulons que chacun se sente à son aise et vienne à Palexpo sans peur. C’est le plus important. Nous lancerons la billetterie le 15 octobre. Nous travaillons actuellement sur notre plan de protection en collaboration avec les services du canton de Genève, dont les responsables nous ont d’ailleurs encouragés à avancer. Il y aura des contraintes, à commencer par le port du masque, mais je crois que nous nous y sommes tous bien habitués depuis quelques mois. Évidemment, les soirées qui ponctuent habituellement les journées de compétition n’auront pas lieu cette année. En revanche, il y aura bien des espaces de restauration, dans lesquels s’appliqueront les mêmes consignes que dans tout restaurant. Il y a aura naturellement du gel de désinfection partout, des marquages au sol et une signalétique adaptée.
Quid des festivités que vous aviez imaginées pour la soixantième édition du concours?
Nous avions envie de proposer un très beau spectacle, mais les artistes que nous avons choisis ne pourront pas être là, en raison de la crise sanitaire. Cependant, nous les attendons de pied ferme en 2021. Cette année, le CHIG sera concentré sur le sport, sa première raison d’être. Il y aura des animations sur les carrières annexes, mais en dehors de quelques clins d’œil, le sport primera sur la principale. Cela étant, compte tenu de ce que nous traversons, le simple fait d’exister, dans les respect des consignes sanitaires, constituera déjà une grande fête.
Entre l’application des mesures sanitaires et l’annulation du Supercross de moto de Genève, événement avec lequel vous partagiez les frais de location et d’installation des tribunes, des lumières et du son, comment comptez-vous équilibrer votre budget? Les dotations des épreuves seront-elles moins élevées? Les tickets d’entrée plus chers?
Effectivement, tout cela représente des surcoûts très conséquents, que nous devons couvrir. Nous sommes encore en train de travailler à l’équilibrage de notre budget. Effectivement, les dotations devraient être revues à la baisse, mais pas de manière drastique, juste de façon à réduire un peu nos dépenses. Je pense que les cavaliers le comprendront. En revanche, il est exclu d’augmenter le prix des billets. Nous souhaitons que notre événement reste populaire et accessible. Les autres économies seront réalisées sur les infrastructures et le décor. Il s’agit d’éléments non essentiels, dont le public ne se rendra peut-être pas compte, mais qui nous coûtent. Il est hors de question de proposer un événement au rabais, car nous voulons que le CHI de Genève reste une belle fête. Nous réduirons simplement quelques coûts de façon à assurer sa pérennité, grâce au soutien de nos partenaires. À ce titre, les deux mois et demi à venir s’annoncent trépidants mais passionnants à vivre.