Faire sauter son cheval en longe

Si le travail à la longe est souvent abordé pour le plat et la décontraction du dos, notamment, force est de constater qu’il peut également être intéressant sur les barres. Ici, pas question de franchir des hauteurs faramineuses, mais plutôt d’améliorer la qualité du mouvement et la confiance du cheval. Le point avec Michel Robert.



Un petit rappel s’impose pour les lecteurs de cette rubrique. En effet, il n’est pas question de faire sauter à la longe un cheval alors que cette technique de travail n’est pas totalement assimilée sur le plat et les barres au sol, pour l’animal comme pour le cavalier. On ne fait pas sauter son cheval lors de sa première séance de longe, ni même de la seconde. C’est l’aboutissement d’un travail à pied, et d’une confiance mutuelle entre le cheval et son longeur. Cet article est donc à prendre comme la suite du Technique jumping de l'avant-dernier numéro de GRANDPRIX (n°117). Une fois ce postulat pris en compte, le temps est maintenant venu de voir concrètement comment et pourquoi faire sauter son cheval en longe, sous les conseils avisés du maître Michel Robert. 

DES BIENFAITS DU SAUT EN LONGE 

C’est un fait, comme pour le travail sur le plat, le saut en longe permet au cheval de se déplacer et d’évoluer en toute liberté. Il est en effet libéré de la contrainte du poids du cavalier, de la selle et de la sangle, des éventuels défauts d’équilibre de son pilote et de ses mauvaises actions. “Sans la contrainte du cavalier, il peut, en effet, jouer librement avec son corps pour améliorer son style et développer sa propulsion. En portant son attention en priorité sur lui-même, il peut également corriger plus rapidement ses erreurs”, explique Michel Robert. Outre cette liberté acquise dans le travail par la longe, cette dernière peut également être un bon moyen de déverrouiller des douleurs ou des blocages, physiques ou psychologiques, résultats de sauts difficiles montés, de maladresses de cavaliers… C’est donc un bien-être tant physique que psychique que le cheval peut retrouver grâce à ce type de travail. “Il suffit parfois d’un ou deux sauts bien ronds sur des obstacles très larges pour les libérer de certains blocages qu’il était difficile de faire disparaître dans un travail monté”, explique le coach. “Un très bon saut en longe peut faire à nouveau fonctionner des articulations bloquées, notamment celles des vertèbres. En sautant, les chevaux parviennent à se manipuler eux-mêmes.” C’est la raison pour laquelle on peut régulièrement les observer réaliser quelques sauts de mouton à la réception d’un obstacle, se sentant totalement libres dans leurs mouvements et bien dans leur corps! Ainsi, Michel Robert va plus loin en préconisant le travail du saut à la longe non seulement pour les chevaux de jumping, mais également pour tous les autres, toutes disciplines et races confondues : dressage, loisir, western ou autres. “Je suis convaincu de l’action thérapeutique du saut d’obstacles, à condition d’effectuer ce travail dans de bonnes conditions et sur des dispositifs adaptés à leur niveau”, rappelle-t-il néanmoins. “Lorsque je sens un cheval bloqué dans le dos, je lui fais sauter cinq ou six fois un obstacle bas et large comme une rivière. Généralement, je constate directement l’amélioration au niveau des allures. Les chevaux se remettent à trotter ou à galoper avec des mouvements déliés et amples qu’on ne leur connaissait pas… ou plus.”

Mais pour parvenir à une telle décontraction de la part du cheval, le longeur doit se faire le plus discret possible dans ses actions. Pas question en effet de lever la main tenant la longe au moment de la phase d’appel ou du planer pour “accompagner” le cheval. Cela aurait le résultat inverse de celui escompté : le longeur risquerait alors d’effrayer le cheval et de gêner sa libération de mouvement. “La moindre tension sur sa bouche peut, en effet, l’inciter à lever la tête et à creuser son dos…”



DE LA PROGRESSIVITÉ DANS LE TRAVAIL

Avant d’aborder des exercices restreints au seul cercle de longe, il faut laisser un maximum de liberté au cheval dans ses mouvements et donc apprendre à bouger et accompagner le cheval le plus rapidement, mais le plus discrètement possible. Ainsi, pour les premiers sauts et les premiers exercices, il n’est pas conseillé de rester sur un strict cercle, mais plutôt de faire évoluer le cheval sur un ovale, lui permettant de galoper quelques foulées en ligne droite à la réception du saut. Ainsi, le longeur peut se préparer en combinant courbes et lignes droites. À savoir: réalisation d’un cercle en longe puis déplacement sur plusieurs mètres en ligne droite puis à nouveau mise en cercle, etc. Cet enchaînement permettra de démarrer les premiers exercices de cavaletti. 

Le cavalier doit prendre en compte que plus la hauteur de l’obstacle s’élèvera, plus il sera nécessaire d’allonger la ligne droite à la réception, mais également à l’abord de l’obstacle. Il devra donc se déplacer très vite, quitte à courir pour rester au juste niveau par rapport à l’évolution du cheval et ne pas risquer de tirer sur la longe au moment du saut. Une fois entraîné à évoluer sans obstacle en courbes et lignes droites, le cavalier pourra installer des barres au sol avant d’envisager un cavaletto puis des cavaletti (20 à 50cm de hauteur) et, enfin, de monter très progressivement les barres. “Prévoyez plutôt votre programme de travail sur plusieurs séances, sans brûler les étapes, quitte à avoir l’impression de vous satisfaire de peu”, rappelle Michel Robert, insistant sur la progressivité des demandes. Pour sa part, le maître affirme n’aller que très rarement au-delà d’1,20m sur les obstacles franchis en longe. En effet, le travail à la longe ne sert pas à la réalisation de performance, mais bien à améliorer le style. Pour faire sauter un cheval sur le cercle, davantage d’efforts lui seront demandés, mais le longeur devra également être encore plus précis que sur l’ovale et la succession de courbes et lignes droites. Sur le strict cercle, Michel Robert conseille alors de rester sur des hauteurs de cavaletti et ne de pas monter les barres. 

“Encore une fois, le cheval a besoin de comprendre et d’être fier de son travail. Gardez toujours à l’esprit que la perfection n’existe pas, alors n’oubliez pas de le récompenser pour ses efforts.” Et pour s’assurer un bon fonctionnement dès le début du travail dans les meilleures conditions possibles, Michel Robert rappelle que la séance doit toujours commencer à la main la plus confortable pour le cheval. Ensuite, le longeur doit bien analyser chaque passage et se poser les bonnes questions : “Le cheval at-il respecté le tracé ? A-t-il changé de cadence à l’abord ou à la réception ? Est-il décontracté et délié dans ses mouvements ? A-t-il besoin de motivation ?” “L’objectif est d’améliorer chaque paramètre au fur et à mesure des passages. N’hésitez pas à conforter le résultat obtenu sur plusieurs petits obstacles avant d’envisager de monter les barres. Bien acquis profite toujours !”, conclut le coach.



DE L’ANTICIPATION DES « CINQ ZONES » (voir schéma ci-dessous)

“Il y a cinq zones distinctes à l’abord et à la réception d’un obstacle”, rappelle Michel Robert. Le rôle du longeur est donc de bien adapter son comportement en fonction de chacune d’elles et de les anticiper. Pour cela, le maître conseille avant la séance d’imaginer la scène dans sa tête plusieurs fois de suite : abord, saut, réception… L’idée? Réagir instinctivement en situation et improviser le moins possible. Ainsi, Michel Robert décortique le saut en longe suivant cinq zones spatiales. 

• Zone 1 : le cheval va apercevoir l’obstacle. Il peut alors montrer de l’étonnement et se poser des questions. “Je commence souvent par faire un ou deux cercles préparatoires en évitant les barres. Cela permet au cheval de découvrir tranquillement le dispositif en passant à côté. On évite ainsi l’effet de surprise et les risques de refus.”

• Zone 2 : dans cette zone, le rôle du longeur consiste à rassurer le cheval en l’incitant à respecter le tracé et la vitesse programmés. 

• Zone 3 : il s’agit de la zone d’abord à proprement parler. Le cheval doit être le plus libre possible pour disposer de sa liberté de mouvement et plus particulièrement du balancier de son encolure. En cas de refus, pas de panique. Il ne faut pas s’énerver, cela ne servirait à rien. “C’est qu’il y a une incompréhension. Analysez plutôt la situation en vous remémorant les événements avant le refus : votre position par rapport au cheval, vos actions, le tracé, la vitesse, le saut précédent… Baissez l’obstacle et refaites plusieurs passages pour retrouver les bonnes conditions avant de le remonter.” 

• Zone 4 : ici, le longeur accompagne le saut et doit récupérer le contrôle à la réception. Une bonne mobilité sur les pieds permettra au longeur d’être le plus en place. “La réception doit être bien préparée, car c’est la phase durant laquelle le longeur peut facilement se laisser déborder s’il n’est pas suffisamment déterminé sur ses objectifs après l’obstacle. Pour cela, il faut, une fois encore, avoir une idée très précise de la vitesse et du tracé que l’on souhaite obtenir après le saut.” 

• Zone 5 : sur cette zone, le longeur doit simplement maintenir le contrôle et l’ordre du tracé et de la vitesse.

Cet article est paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX.