Béatrice Mertens, propriétaire passionnée au service de la belle équitation
Ancienne cavalière belge de haut niveau et ex-collaboratrice de l'illustre Nelson Pessoa, Béatrice Mertens brille aujourd'hui en tant que propriétaire de chevaux de saut d'obstacles. Participant à la réussite du fin cavalier nordiste Nicolas Delmotte, dont elle loue les qualités sportives et humaines, ainsi que son respect du cheval, et de fait à l'équipe de France également, la sympathique et authentique femme de soixante et onze ans mérite d'être mise en lumière. Portrait.
Parce que les propriétaires, de même que les éleveurs, les grooms, les chefs de piste, les vétérinaires ou les maréchaux-ferrants, sont indispensables au bon fonctionnement de notre sport, ils doivent être mis en lumière. Œuvrant dans l’ombre, ces derniers font partie intégrante d’une équipe et participent à la recette du succès au plus haut niveau, au même titre que les cavaliers et chevaux, habituellement les premiers à récolter les lauriers. Discrète et passionnée, Béatrice Mertens fait aujourd’hui partie des principales propriétaires servant l’équipe de France de saut d’obstacles. Engagée dans le milieu du saut d’obstacles depuis toujours, ayant mis le pied à l’étrier pour la première fois à l’âge de sept ans, cette Belge est une véritable femme de cheval. “Mon père était un grand industriel”, relate Béatrice. “Il pratiquait lui-même l’équitation comme loisir. Il m’avait même raconté que pendant la Seconde guerre mondiale, lorsque les Allemands étaient arrivés en Belgique, ils avaient réquisitionné de nombreuses montures, dont les siennes...”
Si les plus jeunes passionnés l’auraient oublié, Béatrice Mertens a brillé au plus haut niveau en tant que cavalière, sur le circuit Jeunes puis chez les Seniors, et a même représenté le “plat pays” sur le circuit des Coupes des nations notamment! L’amazone a fait ses armes aux côtés notamment de Nelson Pessoa, avec qui elle a travaillé de nombreuses années. “Le sorcier brésilien !”, s’amuse-t-elle. “Neco m’a tout apporté. Quand j’étais jeune, j’ai habité trois ans dans ses écuries à Chantilly, aux côtes de Janou Lefèvre et Adeline Wirth notamment, et il m’avait un peu pris sous son aile. C’est en partie grâce à lui et au travail que nous avons effectué ensemble que j’ai intégré l’équipe belge.”
Au cours de son ascension sportive, Béatrice Mertens a aussi pu compter sur ses deux parents, qui l’ont beaucoup aidée. “Ma mère m’a beaucoup accompagnée et soutenue dans ma carrière sportive. Mon père aussi, mais lui n’aimait pas tellement ce sport car il le jugeait trop dépendant à l’argent. Il me disait constamment qu’un athlète doit simplement bien courir ou qu’un joueur de tennis a juste besoin d’une bonne raquette, contrairement à l’équitation, où un cavalier est dépendant de la qualité de sa monture. Moi, je trouve que malgré l’évolution du sport, l’argent ne fait pas tout. Un cavalier ne va pas gagner un Grand Prix 5* juste parce qu’il a de l’argent, et inversement, le meilleur cavalier du monde ne performera pas s’il monte une “chèvre”. Ce n’est pas l’argent qui paie, c’est le travail. Et le classement mondial, par exemple, le montre bien, puisque les mieux classés ne sont pas forcément les plus riches, loin de là!”
De la scène sportive internationale aux coulisses
Après un long parcours sportif, l’amazone a décidé de raccrocher les bottes dans les années 1980. En effet, cette dernière ne disposait à l'époque plus de chevaux capables d’évoluer à haut niveau et souhaitait passer à un nouveau chapitre professionnel. “Je n’ai évidemment jamais quitté le monde des chevaux, ils représentent toute ma vie!”, raconte l’intéressée. “Quand j’ai arrêté de monter en compétition, j’ai quand même d’abord travaillé dans un cabinet d’architecte. Puis lorsque Nelson Pessoa a décidé de venir s’installer en Belgique, j’ai décidé de rejoindre son équipe et j’ai été sa secrétaire durant de nombreuses années. Je gérais son planning, l’organisation de ses concours, ses stages, ses voyages, etc. C'était chouette!”
Quelques années plus tard, au début des années 2000, Béatrice Mertens se met progressivement à collaborer avec l’illustre cavalier britannique Michael Whitaker, installé en Grande-Bretagne, en lui confiant des chevaux capables d’évoluer au plus haut niveau. Un jour de 2007, la cavalière, reconvertie en propriétaire, fait la rencontre d’un cheval qui lui offrira de nombreux et intenses moments de bonheur. Il s’appelle Amai et est âgé de sept ans. “Un jour, François Mathy (illustre marchand de chevaux belge, ndlr) m’a conseillé de venir voir un cheval qui semblait avoir de belles qualités, avec qui je suis très amie“, relate-t-elle. “Lors de l’essai, j’avais honnêtement trouvé le cheval plutôt moyen, en tout cas quelconque, et il ne sautait pas de manière terrible. François Mathy, qui avait l’œil, m’a dit d’attendre de voir ce qu’il valait et qu’il serait capable de gagner le Grand Prix d’Aix-la-Chapelle!” Défi accepté!
Et le fin connaisseur ne croyait pas si bien dire… Le 8 juillet 2012, sous les yeux de sa propriétaire, l’atypique et brillant Amai a remporté, à la surprise générale, le mythique épreuve individuelle du CHIO allemand, rentrant dans la grande histoire du saut d’obstacles, sous la selle de Michael Whitaker. “C’est à ce jour mon meilleur souvenir sportif. Avoir son cheval qui gagne un Grand Prix aussi mythique, c’était énorme!”
Nicolas Delmotte, le juste choix
Quelques années plus tard, en 2015, par le biais de Véronique Whitaker, ancienne cavalière belge et ex-épouse de Michael Whitaker, Béatrice Mertens fait la rencontre de Nicolas Delmotte, cavalier français installé dans le Nord. Traversant un petit creux sportif à haut niveau après le départ de son élégant Luccianno, ce dernier va vite devenir le cavalier principal de Béatrice Mertens, qui accepte de l’équiper de cracks. “Nicolas est un garçon formidable, très humain, et un excellent cavalier”, confie la propriétaire. “Le plus important pour moi, et sa plus grande qualité, c’est qu’il est extrêmement respectueux de ses chevaux. En plus de très bien les dresser et les former, il ne va jamais les mettre dans le rouge ou aller trop vite. Notre rencontre a été une découverte géniale. Toutefois, à l’époque, on m’a beaucoup reproché d’avoir choisi Nicolas, tout comme cela avait été le cas lorsque j’œuvrais aux côtés de Michael Whitaker. Les gens auraient préféré que je soutienne un cavalier belge, puisque c’est mon pays. Honnêtement, je dois dire que je ne fais pas mes choix en fonction d’un drapeau. Je me fiche qu’il s’agisse d’un cavalier britannique ou français. Ce qui m’importe, c’est la qualité de l’équitation de mon cavalier et le respect qu’il a envers mes chevaux. Tant mieux pour la France aujourd’hui, mais j’ai choisi Nicolas pour ses qualités de cavalier, pas pour son pays! Quand j’ai entendu God Save The Queen à Aix-la-Chapelle ou désormais la Marseillaise, ce ne sont pas les hymnes nationaux qui m’émeuvent, mais la prouesse sportive. En revanche, je suis une vraie supportrice du circuit des Coupes des nations car j'adore l'ambiance et l'esprit d'équipe qui y règnent!”
En plus de Nicolas Delmotte, c’est également un certain Ilex VP, alors âgé de sept ans et propriété de Véronique Whitaker, qui fait son arrivée dans son quotidien. “J’ai proposé à Véronique de racheter la moitié de ce cheval, qui me plaisait beaucoup. En voyant que Nicolas réussissait à faire ressortir tout son potentiel, j’ai décidé de le garder et de racheter les 50% des parts restants. Et je l’ai conservé coute que coute, alors que j’ai reçu des offres très intéressantes.” Un choix judicieux puisque le couple a depuis brillé au plus haut niveau, ayant notamment remporté le Grand Prix 5* de Dinard, le CSI 3* de Liège et la Coupe des nations du CSIO 5* de Gijón en 2017, ainsi qu’un Grand Prix 4* à Grimaud cet été. Fort de ces performances, il a même été sélectionné pour les Jeux équestres mondiaux de Tryon en 2018 sous les couleurs de l’équipe de France. Il s’agissait des tous premiers grands championnats du cheval, et du cavalier. Malheureusement, le résultat n’a pas forcément été au rendez-vous, ayant fini neuvièmes par équipes et cinquante et unièmes en individuel, mais l’avenir promet de belles choses. “Ilex revient en grande forme cette année!”, reconnaît-elle. “Il s’est malheureusement blessé l’an dernier après la Coupe des nations du CSIO 5* de La Baule et a été arrêté pendant plusieurs mois, mais il est revenu en pleine forme! C’est encore quelque chose que j’apprécie beaucoup chez Nicolas : il a pris le temps nécessaire pour le ramener en forme physiquement et mentalement et n’a pas précipité son retour.”
Désormais partagée entre son rôle auprès de Nicolas Delmotte et un peu d’élevage, Béatrice Mertens a un bel avenir devant elle. “Mon seul souhait, c’est de rester en bonne santé, ainsi que mes proches, et que notre aventure sportive auprès de Nicolas continue comme ça! J’espère aussi que les professionnels de notre secteur puissent continuer à vivre convenablement de leurs activités en dépit de la crise liée à la Covid-19, qui est dure pour beaucoup de gens. Je vis au jour le jour!”