DANS LE RÉTRO: Kevin Staut, premier de cordée
GRANDPRIX ressort régulièrement des articles d'archives. Retrouvez une rencontre avec Kevin Staut, datant de mai 2009. // À seulement vingt-huit ans, Kevin Staut caracole en tête du classement de la Fédération française d’équitation. Soutenu par Xavier Marie, directeur du haras de Hus, et fort d’un solide piquet de chevaux, ce jeune cavalier représente aujourd’hui la relève du saut d’obstacles français.
Qui êtes-vous Kevin Staut?
Je suis un jeune homme de vingt-huit ans qui ne vit que pour son sport. Atteindre le plus haut niveau et m’y maintenir est l’objectif que je me suis fixé et j’y consacre toute mon énergie. Cela implique des sacrifices personnels importants mais de mon point de vue, cela en vaut la peine. Aujourd’hui, je considère que je suis encore en phase d’accélération. Dans quelques années, je chercherai plus de stabilité et travaillerai à structurer mon activité plus sereinement.
Quels sont vos facteurs clés de succès sur 2008?
J’ai eu la chance de monter cette année à Palm Beach et à Arezzo. Je suis par ailleurs de près les résultats des autres événements concomitants (tournées portugaises et espagnoles). Je dirais qu’aujourd’hui il y a cent-cinquante à deux cents cavaliers dans le monde capables de gagner de très grosses épreuves tous les week-ends. La concurrence est donc très rude. Il y a de plus en plus d’argent investi et les cavaliers progressent. Les nouveaux pays émergents au niveau équestre proposent maintenant des cavaliers très compétitifs. Ils ont dans un premier temps eu accès aux meilleurs événements en payant leur droit d’entrée mais cela leur a permis une mise à niveau rapide et bien réelle. Tout va donc très vite. Il est indispensable de rester “branché” au haut niveau, de se remettre en question après chaque compétition et d’apprendre un maximum des autres. Les plus grands sont ceux capables, quoiqu’il arrive, de se maintenir entre la première et la quinzième place mondiale. En France, nous avons souvent vu des cavaliers passer telles des étoiles filantes. Il est en effet difficile de valoriser les jeunes chevaux, faire travailler ses élèves et être parmi l’élite mondiale. Mon orientation est de ne travailler que le dernier point.
Que vous manque-t-il pour devenir un cavalier du Top 10?
Il faut que je progresse encore à cheval. Mon équitation est encore très perfectible et je demande beaucoup de conseils pour rester dans cette dynamique d’amélioration. Ensuite, il me manque un ou deux chevaux de Grand Prix. Avec quatre à cinq chevaux, il est possible de courir tous les circuits, la Coupe du monde l’hiver, les Coupes des nations et le Global Champions Tour l’été et d’être prêt pour les grands championnats continentaux. En 2010/2011, j’aurai ces chevaux-là car je compte déjà dans les écuries du haras de Hus de très bons chevaux de sept et huit ans. Le chemin déjà parcouru depuis deux ans me rapproche de ce but et est avant tout une source de motivation complémentaire. Je me sens hyper motivé et loin d’être arrivé.
Depuis combien de temps collaborez-vous avec le Haras de Hus et Xavier Marie? Les objectifs que vous vous êtes fixés ensemble sont-ils atteints?
Cela fait à peu près dix-huit mois que je suis au service du haras de Hus. Ma mission au Haras consiste en la gestion de la cellule de saut d’obstacles. A ce titre, j’encadre les cavaliers de jeunes chevaux. Benjamin Robert et Clément Boulanger sont aujourd’hui les garants de l’évolution des jeunes chevaux du Haras. C’est très important pour moi de pouvoir compter sur une équipe aussi performante et responsable. Nos objectifs sportifs sont non seulement atteints mais également dépassés. Grâce aux bons résultats en compétition, le haras bénéficie d’une vitrine internationale de premier ordre. Commercialement, le contexte économique actuel n’est pas porteur. Nous sommes donc plutôt en deçà des objectifs concernant la vente de chevaux. En revanche, l’activité d’étalonnier a démarré très fort et nous sommes très satisfaits des ventes de saillies réalisées en 2008.
Cette collaboration est-elle appelée à durer?
Xavier Marie est quelqu’un d’ambitieux et de raisonnablement pressé. Cela dit, la progression et la valorisation des chevaux doit respecter des cycles temporels incompressibles. Nous nous sommes donc fixés cinq ans pour atteindre le plus haut niveau sportif et pour que l’activité commerciale soit rentable. Me sentant plus l’âme d’un sportif que d’un commerçant, l’équipe va s’étoffer afin d’avoir les moyens d’atteindre les objectifs de vente du Haras.
Quelles sont vos priorités au moment d’acheter un cheval?
Du point de vue du haras, nous recherchons deux types de chevaux. Des étalons avec un vrai potentiel sportif nous intéressent. Gastronom Z (Carthago Z x Leuthen I) ou For Hero (For Pleasure x Spartan) en sont de bons exemples. Sinon nous cherchons des chevaux présentant un réel intérêt commercial de long terme. Nous avons la possibilité financière d’attendre trois ou quatre ans pour optimiser la valorisation d’un cheval et le revendre quand il est au sommet de sa parabole de performance.
À quoi êtes-vous très attentif pendant un essai?
Au moment de l’essai, je cherche à déceler avant tout de l’intelligence chez le cheval. Quand j’ai essayé Le Prestige St Lois, j’ai juste sauté 1,40m. Je connaissais déjà ses moyens. Nous passons à une phase de consolidation et de construction de long terme. Je prépare Kraque Boom pour les championnats d’Europe 2009. Mais Le Prestige peut être un candidat très sérieux pour un prochain championnat.
Depuis les championnats d’Europe de 2007, vous êtes de toutes les batailles internationales… C’est un objectif?
C’est une satisfaction de répondre présent et de faire partie des plans du sélectionneur. Cela dit, nous n’étions pas aux Jeux olympiques! Mon objectif, si je suis sélectionné pour les championnats d’Europe 2009, est de figurer parmi les huit premiers en individuel. Par équipes, je crois qu’on a les moyens de monter sur le podium. Chaque parcours auquel Kraque Boom prend part depuis son retour à Equita’Lyon est en vue des championnats d’Europe.
Pourquoi n’avoir pas couru le circuit Coupe du monde jusqu’au bout?
Je manque encore d’un ou deux chevaux pour courir tous les circuits. Avant la dernière étape qualificative, il était encore possible de se qualifier pour la finale de Las Vegas. Mais j’aurais très certainement emmené Le Prestige qui ne me semble pas encore tout à fait prêt pour gagner à ce niveau. Accumuler de la fatigue chez le cheval pour ne pas figurer dans le Top 5 final n’a pas un grand intérêt… J’ai donc préféré me concentrer sur la saison en extérieur qui démarre.
Vous considérez-vous comme un des piliers de l’équipe de France?
Pas du tout. Je peux compter aujourd’hui sur un cheval extraordinaire qui est dans la force de l’âge. Cela me donne de la confiance. Je sais que je peux être performant au service de l’équipe. Mon statut a peu d’importance.
Allez-vous donner encore cette année la priorité a l’équipe de France ou allez-vous courir les circuits parallèles comme le Global Champions Tour?
La priorité va aux Coupes des nations. La revalorisation des dotations cette année permet par ailleurs de mieux faire adhérer Xavier Marie à mes choix sportifs. Je courrai à côté le Global Champions Tour dès que possible et je sortirai les plus jeunes dans des concours de niveau intermédiaire pour les faire progresser. L’objectif est de compter sur quatre ou cinq chevaux de Grand Prix en 2010/2011. Cela se construit en ce moment.
Certains cavaliers tels que Steve Guerdat ont une vision très critique du Global Champions Tour. Les comprenez-vous?
Mais ils sont en général présents sur les étapes… Steve, puisque vous en parlez, a mis en place un système proche de la perfection en termes de préparation pour la compétition. Cela dit, il s’est souvent construit par opposition. Il faut être réaliste. Le sponsoring ne suffit pas à financer les concours de très haut niveau. La vente de tables et de loges VIP est une nécessité, tout comme la commercialisation de paycards ou droits d’inscription payants. Quoiqu’on en dise, Jan Tops (organisateur du Global Champions Tour) fait partie de ceux qui assurent le plus de place aux cavaliers bien classés puisque les trente premiers mondiaux sont systématiquement invités. Par ailleurs, son circuit a exercé une pression positive sur la Fédération équestre internationale afin qu’elle revalorise le circuit des Coupes des nations. Il a clairement fait avancer le statut de cavalier et a contribué à ce que plus d’argent soit distribué dans les grandes compétitions.
Les problèmes de dopage sont-ils le revers nécessaire de la médaille dans un sport de plus en plus exigeant où les enjeux financiers deviennent colossaux?
Il n’y a pas de sport médiatisé qui ne connaisse de problèmes de dopage. Le développement de notre sport ira donc de pair avec l’apparition de ce type de problèmes. Il faut les anticiper. Le public sera d’autant plus intransigeant que, dans notre cas, le dopé est le cheval. Il est une victime, otage de l’ambition sportive de son cavalier. J’espère que cette intransigeance incitera les cavaliers à respecter les règles. Pour ma part, j’ai la chance de pouvoir compter sur une équipe nombreuse et compétente. Nous faisons beaucoup de prévention, beaucoup de massages, d’étirements. La casse vient souvent d’une fragilité du cheval. Il faut donc très bien connaître ses chevaux pour adapter leur programme de compétition et les préparer dans les meilleures conditions.
Cet article est paru dans le magazine GRANDPRIX n°6, en mai 2009.