“L’an prochain, je vais vraiment viser les Jeux olympiques”, Darragh Kenny
Actuel numéro sept au classement mondial Longines des cavaliers, Darragh Kenny partage son temps entre les États-Unis et l’Europe. Alors que la pandémie de Covid-19 repart de plus belle dans de nombreuses régions du monde, l’Irlandais n’entend pas remettre en question le système bien rodé qu’il a mis en place depuis quelques années. Darragh Kenny reste tourné vers le sport et le commerce, les yeux rivés vers la saison 2021, qui sera, espérons-le, plus faste que celle qui vient de s’écouler. Et, malgré le récent départ de ses meilleurs chevaux, Balou du Reventon et Classic Dream, le trentenaire n’a rien perdu de sa motivation.
Vous venez de regagner l’Amérique, après une courte saison extérieure passée en Europe. Comment avez-vous vécu cette année particulière, très marquée par la pandémie de Covid-19?
Cette année a évidemment été particulièrement étrange pour tout le monde. Les nouvelles règles, les changements à répétitions et les annulations d’événements l’ont rendue d’autant plus compliquée pour un grand nombre de personnes. Cependant, je pense que le plus important est que nous restions tous en bonne santé et que nous essayions de maintenir le sport en activité. Il est primordial que le sport continue, d’une manière ou d’une autre. Cela n’a pas besoin d’être parfait comme d’habitude, mais il faut garder une continuité. Une fois que tout commencera à revenir à la normale, nous pourrons de nouveau avoir de belles compétitions.
Il y a deux semaines, vous avez pris la troisième place d’un Grand Prix CSI 3* à Tryon avec Carthano (Holst, Cartani x Heraldik, Ps). Que pouvez-vous dire de ce cheval?
Je l’ai acheté l’an dernier et l’ai récupéré après le Grand Prix Coupe du monde Longines de Londres, où il avait très bien sauté (Carthano était alors associé à l’Espagnol Manuel Fernández Saro et avait terminé l’épreuve avec neuf points de pénalité, ndlr). Je l’aime beaucoup. Je pense qu’il est super pour les Grands Prix. Il a déjà eu du succès et il sera un vrai atout pour moi en 2021.
Quid de Con Calle (Holst, Contendro II x Cassini II) et Belo Horizonte (Holst, Baloubet du Rouet x Clearway), que vous avez également présenté en compétition ces dernières semaines?
J’ai monté Con Calle exceptionnellement pour sa propriétaire (Georgy Sarah Maskrey-Segesman, ndlr). En revanche, Belo Horizonte m’appartient et je compte le garder pour moi pour gagner quelques épreuves. C’est un très bon cheval compétitif jusqu’à 1,50m, voire 1,55m. C’est une bonne cartouche dans mon piquet.
Go Easy de Muze (BWP, Vigo d’Arsouilles x For Pleasure) est de retour en compétitions depuis quelque temps. Comment se sent-il?
Pour l’instant, il se sent très bien. Il a été blessé par le passé, donc nous avançons au jour le jour avec lui. S’il est toujours en forme, nous allons continuer, et je l’arrêterai le jour où il ne sera plus à 100%.
“Je ne sais pas ce qu’il adviendra de Balou du Reventon”
Votre partenariat avec votre principale propriétaire, Ann Thompson, s’est récemment terminé. Comment avez-vous accueilli la nouvelle? Savez-vous ce que vont devenir Balou du Reventon (OS, Cornet Obolensky x Continue) et Classic Dream (DSP, Colestus x Inster Graditz), vos deux ex-meilleures montures?
Cela n’a pas été la meilleure nouvelle pour moi car j’avais investi beaucoup de temps dans ces chevaux et qu’ils sont très bons. Cependant, ce sont des choses qui arrivent dans nos vies de cavaliers. Malgré tout, il faut continuer à aller de l’avant. Pour le moment, je ne sais pas ce qu’il adviendra de ces chevaux.
Désormais, quels chevaux peuvent vous permettre de concourir au plus haut niveau ?
J’ai un excellent cheval de neuf ans, Chic Chic (Westph, Comme Il Faut x Contendro I), avec lequel j’ai fini dixième du Grand Prix CSI 5* de Valkenswaard. Je pense qu’il est très spécial. J’ai également une très bonne jument: Scarlett du Sart (Z, Stakkato x First Bride). Je peux aussi compter sur une nouvelle jument de neuf ans, Great-Tikila J (KWPN, Carosso VDL x Nabab de Rêve), qui me semble avoir beaucoup de qualités. Ces trois-là pourront sans aucun doute me permettre de concourir au plus haut niveau. En outre, j’espère qu’on m’en confiera d’autres capables de sauter ces épreuves-là. Parmi les plus jeunes, je peux citer l’excellent Dakota de l’Ardrais (SF, Urlevent du Bary x Élan de la Cour), qui a sept ans, tout comme Chester (Han, Chambers x Cosinhus). Tous deux chevaux me semblent vraiment qualiteux et pouvoir sauter à un bon niveau. Bref, je ne suis pas démuni!
Le circuit de la Coupe du monde s’amenuise de plus en plus en Europe. Comment appréhendez-vous ces annulations en cascade?
Je comprends les difficultés que rencontrent les organisateurs de grands concours. Il est très compliqué de livrer des CSI 5* car il faut pouvoir boucler son budget en assurant les dotations. Sans le support des spectateurs et exposants, cela devient beaucoup plus compliqué. Nous devons travailler ensemble et essayer de maintenir autant que possible les plus beaux concours pour être prêts lorsque la pandémie sera derrière nous.
Habituellement, vous prenez part à quelques très beaux concours indoor en Europe. Pensez-vous revenir sur le Vieux Continent cet hiver? Pour le CHI de Genève, par exemple?
Si Genève est maintenu, alors oui, je reviendrai en Europe. Sinon, je concourrai quelques semaines à Oliva. Ensuite, s’il n’y a pas de concours importants, je resterai en Amérique.
En 2021, deux grands championnats extérieurs devraient avoir lieu si la situation sanitaire le permet. Les Jeux olympiques d’abord, puis les championnats d’Europe, reprogrammés à Riesenbeck. Quel est votre sentiment et quelles seront vos ambitions?
Je trouve cela fantastique pour notre sport. Après l’année de disette que nous traversons, je trouve super d’avoir cette chance. De nombreuses personnes se demandent si c’est la meilleure décision pour notre sport. Moi, je trouve cette nouvelle formidable. Certains cavaliers auront la possibilité d’aller aux Jeux, et d’autres cavaliers – ou d’autres chevaux – pourront participer aux championnats d’Europe. En temps normal, nous avons la finale de la Coupe du monde et un grand championnat. Je ne vois pas de problème à avoir les Jeux olympiques et les championnats d’Europe l’an prochain. Si cela est possible, j’aimerais participer aux deux échéances, mais je vais vraiment viser les Jeux olympiques l’an prochain. J’ai trois chevaux potentiellement capables d’y participer. Et si j’en accueille de nouveaux qui ont le potentiel pour les Jeux, j’aimerais aussi tenter ma chance aux Européens.
La dernière apparition de Darragh Kenny et Balou du Reventon date d’août. © Sportfot
“Je ne crois pas que le sport puisse avoir une influence négative sur le monde”
La crise économique qui pourrait découler de la pandémie vous inquiète-t-elle?
Oui, bien sûr. C’est une situation déroutante pour notre sport, et la crise qui pourrait émaner de ce Corona est forcément une source d’inquiétude. Cependant, si nous parvenons à travailler tous ensemble pour maintenir les compétitions à flot, je pense que cela aidera beaucoup.
Vu la situation changeante du monde, pensez-vous qu’il soit encore pertinent pour un cavalier comme vous de partager son temps entre les États-Unis et l’Europe?
Personnellement, j’ai des affaires importantes sur les deux continents. C’est important pour moi de faire des allers-retours. Une grande part de mon business se trouve en Amérique, et une autre part importante est en Europe. J’ai besoin d’être aux deux endroits. Je sais que certains cavaliers ne fonctionnent pas ainsi, mais pour moi il est préférable d’être présent des deux côtés.
La pandémie que nous traversons encore aujourd’hui vous a-t-elle fait réfléchir sur les conséquences écologiques et économiques qu’imposent les nombreux trajets et le sport aujourd’hui?
Je pense que le sport se développait bien avant la pandémie. Si nous pouvons retourner à cela, ce serait bénéfique. C’est un moment difficile pour tout le monde, dans tous les sports. La meilleure chose à faire serait, pour moi, de reprendre les choses où elles étaient avant. Je ne crois pas que le sport puisse avoir une influence négative sur le monde. Au contraire, il aurait davantage un effet positif.
Entre l’Irlande et les États-Unis, quelles différences avez-vous noté dans la gestion de la pandémie et le ressenti de leurs ressortissants?
Ce sont deux pays diamétralement opposés, de tailles différentes, donc ils ont forcément géré la pandémie chacun à sa manière. Tout le monde a essayé de faire à sa façon. Certains ont pris de très bonnes décisions au début puis se sont relâchés et la situation s’est dégradée. À l’inverse, d’autres ont été plus discrets au début puis ont resserré la vis par la suite. Je pense que personne n’a parfaitement appréhendé cette situation car il n’était pas possible de le faire. Dans chaque pays, chaque endroit, on a tenté de gérer la crise de la meilleure façon, en fonction de ce qu’on voyait.
Que pensez-vous du choix du gouvernement irlandais de reconfiner le pays pour deux semaines?
C’est très difficile. Cette situation est regrettable car on a complètement confiné le saut d’obstacles et le sport en Irlande. Les professionnels ont du mal à aller de l’avant et poursuivre leur travail. Quand on vit de cela et que tout s’arrête, c’est difficile. Je trouve que d’autres pays gèrent la situation d’une meilleure manière au regard du sport.