Beezie Madden, itinéraire d'une icône
Elizabeth Madden, c’est une équitation qui fait rêver plus d’un cavalier à travers le monde, des chevaux qui ont marqué l’histoire des sports équestres, et une carrière gérée à la perfection, en tandem avec son mari, John Madden, grand marchand de chevaux. Alors qu'elle célèbre aujourd'hui ses cinquante-sept ans, GRANDPRIX vous fait redécouvrir ce portrait paru dans le magazine GRANDPRIX heroes n°102. Cette femme, timide et comblée, était revenue sur les principales étapes d’une trajectoire d’exception.
Toujours impeccablement coiffée, arborant un sourire timide mais radieux, Elizabeth Madden demeure l’une des meilleures ambassadrices de l’équitation. L’Américaine est née à Milwaukee, dans le Wisconsin, le 20 novembre 1963, deux jours avant l’assassinat du président John Fitzgerald Kennedy. Dès ses premiers pas, celle qu’on surnomme Beezie grandit au milieu des chevaux. “Mes parents, Joe et Cathy Patton, avaient créé une petite entreprise équestre”, explique-t-elle. “Ils achetaient quelques jeunes chevaux pour les revendre à des cavaliers de la région. Au début, ils louaient des boxes et paddocks au centre équestre du coin, puis quand ce dernier a fermé, ils ont construit leur propre écurie.”
Alors qu’elle s’amuse déjà à mettre le pied à l’étrier sur les porte-selles de ses parents, l’enfant monte réellement à poney pour la première fois à quatre ans, dans le club hippique de sa commune. Deux ans plus tard, Beezie et Stewart, son frère, reçoivent un cadeau de Noël dont tous les enfants rêveraient: deux petites ponettes! “Tandis que celle de mon frère était adorable, la mienne était très difficile”, se souvient-elle. “Elle se faufilait sans arrêt sous les clôtures pour aller chez le voisin!” Comme de coutume aux États-Unis, la jeune cavalière débute en hunter, discipline bien différente du saut d’obstacles qui inclut des jugements techniques et esthétiques. Savoir se tenir droite, conserver des chevilles fonctionnelles, garder des mains souples, maintenir des jambes fixes... Tous les mérites que l’on attribue de longue date à la championne résultent de cette excellente formation.
Après plusieurs saisons en hunter, l’Américaine participe à son tout premier concours de saut d’obstacles à dix-sept ans. Parallèlement à ses études au lycée, elle participe à des stages chez Katie Monahan-Prudent, disciple la plus réputée de George Morris. En 1981, un choix s’impose entre un cursus supérieur à l’université de Virginie et un poste de cavalière chez celle qui sera sacrée championne du monde par équipes cinq ans plus tard. Après mûres réflexions, la réponse devient limpide: ce sera l’équitation! Monter, panser et soigner les chevaux, organiser la vie des écuries, et même enseigner, la jeune femme touche à tout. Après quelques mois d’acclimatation, Katie la lance en concours avec son propre cheval, et quelques-uns de Stillmeadow Farm. Il lui faudra redoubler d’efforts pour atteindre le très haut niveau. Elle dispute sa première finale de Coupe du monde en 1987 à Paris, se classant à une honorable dix-huitième place avec le hongre bai Medrano.
John, sa plus belle rencontre
En cette même année, elle rejoint les écuries de John Madden, ancien compagnon de Katie, qui deviendra “l’amour de sa vie”. “J’avais rencontré Beezie une première fois quand elle n’avait que dix-sept ans”, se souvient l’intéressé. “Nous avions quatre ans d’écart, ce qui paraissait énorme à l’époque. Ce n’était pas encore le moment pour moi parce que je montais ma propre affaire, qu’elle était jeune et que j’avais de petites amies.” La cavalière s’installe alors à Cazenovia, dans l’État de New York. Sur le plan sportif, John repère des chevaux, cherche des sponsors et gère l’écurie de commerce, tandis que Beezie arpente les terrains de concours. D’abord professionnelle, leur relation devient peu à peu plus intime, et le couple se mariera en 1998.
Au cours de la dernière décennie de XXe siècle, l’Américaine s’affirme en disputant quatre nouvelles finales de Coupe du monde et plusieurs Coupes des nations, et en accumulant les succès en Grands Prix nationaux et internationaux, essentiellement outre-Atlantique. En 1997, elle est sacrée championne des États-Unis avec Dynamite puis nommée cavalière américaine de l’année par ses pairs. Trois ans plus tard, elle remporte avec Cockney II (Holst, Calando IV x Corso) le Grand Prix de Valkenswaard, sa première grande victoire européenne, avant de se classer troisième du Grand Prix d’Aix-la-Chapelle en 2001.
En 2002, la nouvelle star du jumping intègre enfin l’équipe US dans un grand championnat extérieur, à l’occasion des Jeux équestres mondiaux de Jerez de la Frontera. Associée à l’étalon Judgement (KWPN, Consul x Akteur), elle termine vingt-neuvième en individuel et sixième par équipes. Deux ans plus tard, la consécration intervient lors des Jeux olympiques d’Athènes, où le couple qu’elle forme avec Authentic (ex-Nimrod, KWPN, Guidam x Katell, Ps), l’un des plus grands cracks de sa carrière, contribue activement à une formidable médaille d’or par équipes. Double médaillée d’argent des Jeux équestres mondiaux d’Aix-la-Chapelle, la paire participe au second sacre olympique consécutif des Américains, en 2008 à Hong Kong. Cette fois, Beezie et Authentic s’octroient aussi le bronze individuel, au terme d’un barrage épique remporté face à six concurrents, dont son compatriote McLain Ward et les Allemands Ludger Beerbaum et Meredith Michaels-Beerbaum.
Deux médailles d’or par équipes aux Jeux panaméricains, les Grands Prix d’Aix-la-Chapelle, Hickstead, Calgary, Chantilly, Miami, Saugerties, Del Mar, Coapexpan et Mannheim, entre autres, et une vingtaine de Coupes de nations... Son palmarès s’allonge à une vitesse fulgurante grâce à des cracks tels que Conquest II (KWPN, Concorde x Ulft), Coral Reef Via Volo (BWP, Clinton x Heartbreaker), Authentic bien sûr, mais aussi Simon (KWPN, Mr. Blue x Polydox), et plus récemment Cortes C (BWP, Randel x Darco) et Breitling (ex-Quebracho, SLS, Quintero x Acord II). Ces performances lui permettent d’enraciner un peu plus chaque année son nom dans l’histoire du saut d’obstacles. En 2004, elle devient aussi la toute première femme à intégrer le top trois du classement mondial des cavaliers - il faudra attendre quelques années de plus pour voir Meredith Michaels-Beerbaum s’installer sur le trône de numéro un.
En 2013, à tout juste cinquante ans, Beezie Madden remporte sa plus belle victoire individuelle en s’adjugeant la finale de la Coupe du monde de Göteborg avec son inépuisable Simon, partageant le podium avec le Suisse Steve Guerdat et le Français Kevin Staut, associés à leurs cracks Nino des Buissonnets (SF, Kannan x Narcos II) et Silvana*HDC (KWPN, Corland x Widor). L’année suivante, c’est avec Cortes C qu’elle atteint encore les sommets en décrochant deux médailles de bronze aux Jeux équestres mondiaux de Normandie. Malheureusement, les Jeux olympiques de Rio ne lui ont pas procuré autant de bonheur, une blessure de Cortes C l’ayant contrainte à jeter l’éponge entre les deux manches de l’épreuve par équipes… ce qui ne l’a pas empêchée de repartir avec une médaille d’argent.
Quoi qu'il en soit, encore aujourd'hui, l'amazone américaine n'a pas fini d'écrire sa légende!
Cet article est paru dans le magazine GRANDPRIX heroes n°102.