L'album photo de Beezie Madden
Elizabeth Madden, c’est une équitation qui fait rêver plus d’un cavalier à travers le monde, des chevaux qui ont marqué l’histoire des sports équestres, et une carrière gérée à la perfection, en tandem avec son mari, John Madden, grand marchand de chevaux. Cette femme timide et comblée, qui a célébré ses cinquante-sept ans hier, était revenue sur les principales étapes d’une trajectoire d’exception dans un Focus paru dans le magazine GRANDPRIX heroes n°103.
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Comme presque tous les cavaliers américains, Beezie Madden a commencé en pratiquant l’equitation - à prononcer à l’américaine - et le hunter, deux disciplines très formatrices mêlant technique et style.
“Le système américain fonctionne essentiellement ainsi. De plus, là où j’ai grandi, il n’y avait pas beaucoup d’épreuves de saut d’obstacles inférieures à celles du circuit Juniors, qui étaient cotées à 1,40m. Avant, il me fallait donc apprendre à monter correctement! J’ai commencé à poney. Le hunter est une très bonne école. Les moniteurs enseignent vraiment les bases d’une bonne position. Ce n’est pas qu’une question d’esthétique, il s’agit aussi d’être efficace! On part du constat qu’en adoptant cette position parfaite, le cheval et le cavalier seront beaucoup plus efficients, car ils communiqueront de la meilleure manière. Le hunter est encore plus important pour nous, cavalières, qui devons apprendre à compenser notre manque de force physique. Jeune, je n’ai pas eu de victoire mémorable ou de souvenir spectaculaire. J’ai grandi dans le Midwest, où il n’y avait pas énormément de concours, donc je me concentrais sur mon apprentissage. J’en retiens surtout que j’ai dû apprendre très tôt à me débrouiller seule. Comme je groomais mes poneys moi-même, je devais m’occuper de tout, y compris des pions sur leur crinière… Désormais, même si d’autres le font à ma place, je trouve essentiel d’avoir appris tout ça. Cela me permet aussi d’être reconnaissante envers ceux qui œuvrent à mes côtés, car je sais à quel point leur travail est dur!”
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En 2002, Beezie Madden a participé à ses tout premiers grands championnats Seniors en extérieur avec Judgement, à l’occasion des Jeux équestres mondiaux de Jerez de la Frontera. Le couple avait terminé vingt-neuvième, tandis que l’équipe américaine avait dû se contenter de la sixième place.
“C’était très excitant! Par équipes, nous étions très déçus parce que nous n’avions pas été à la hauteur de nos espérances. Cependant, Peter Wylde avait décroché le bronze en individuel avec Fein Cera (Holst, Landadel x Cor de la Bryère). C’était une expérience incroyable! Judgement était extraordinaire, il avait des moyens démesurés! J’avais un sentiment incroyable en selle, l’impression de voler! Je n’avais jamais monté un cheval aussi puissant. (rires) Il était un peu lent, mais cela s’était amélioré avec le temps. Nous arrivions même à être compétitifs dans des épreuves de vitesse! Il était très à l’aise sur les grandes pistes à l’ancienne, comme celle de Calgary, où il s’est classé je ne sais combien de fois! Il m’a permis d’y gagner le Grand Prix du Masters, en 2005. Il aimait tant ce stade que nous l’avions surnommé “le roi de Spruce Meadows”! Il pouvait gagner aussi bien des Coupes des nations que des Grands Prix ou des épreuves de Puissance... C’était un cheval génial!”
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En 2004 à Athènes, Authentic a permis à l’Américaine de décrocher sa première médaille olympique, l’or par équipes, conquise aux côtés de Chris Kappler avec Royal Kaliber (KWPN, Ramiro x Voltaire), McLain Ward avec Sapphire (ex-Safari van’t Merelsnest, BWP, Darco x Hedjaz), et Peter Wylde avec Fein Cera. En individuel, le couple avait terminé vingt-huitième.
“Participer aux Jeux olympiques était déjà incroyable, alors gagner cette médaille d’or… Auparavant, j’avais essayé plusieurs fois d’être sélectionnée, et Athènes a été la bonne. Authentic avait neuf ans. Nous l’avions acheté trois ans plus tôt au Néerlandais Johan Heins. Je trouvais très gratifiant d’avoir réussi à l’amener à ce niveau. Nous étions vraiment une toute jeune équipe, surtout avec McLain et moi, qui montions deux chevaux de neuf ans. Nous étions peut-être un peu naïfs, mais tous très professionnels. Athènes a marqué le début d’une belle ère pour McLain et moi. Les JO m’ont beaucoup impressionnée. Alors que notre milieu est très confiné, aux Jeux on se retrouve avec tous les athlètes des autres disciplines et on ressent vraiment l’appartenance à une délégation nationale. On représente toujours son pays en compétition, mais tout le monde est plus impliqué aux JO! Hélas, je n’avais pas participé à la cérémonie d’ouverture. De fait, je n’y suis jamais allée. À chaque fois, nous arrivons quelques jours plus tard. J’irai peut-être à celle de Tokyo! (rires) Authentic va très bien, il est toujours dans nos écuries. Il vit dans un grand pré, dont une partie est abritée. En été, il profite de sa retraite avec les petits poulains de l’année. Il adore ça!”
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En individuel, Beezie Madden a accompli son plus grand exploit en remportant la finale de la Coupe du monde avec son inoxydable Simon, en 2013 à Göteborg.
“Je savais que nous avions de bonnes chances avec Simon, qui a toujours été à l’aise en indoor. Deux ans plus tôt, il avait terminé troisième de la finale de Leipzig avec Jeroen Dubbeldam, son ancien cavalier. Et je le connaissais suffisamment pour être compétitive. J’avais été très surprise de gagner la Chasse, car la vitesse n’est normalement pas notre point fort. Le parcours avait été parfait pour lui, j’avais pu serrer tous nos virages. Steve étaitrepassé en tête le lendemain, carj’avais commis une faute bête surle dernier obstacle du barrage. Le troisième jour avait été très difficile, je m’en souviens encore! J’avais lâché quatre points dans les deux manches. Je doutais beaucoup avant le barrage, car Steve Guerdat et Nino des Buissonnets étaient intrinsèquement plus rapides que nous. Heureusement, ils sont passés avant nous et ont commis deux fautes. J’avais la victoire entre les mains! En 2012, comme nous avions rapidement obtenu de bons résultats, j’avais songé aux JO de Londres, mais c’était trop tôt. Notre saison avait été si bonne que j’avais été un peu déçue de ce mauvais timing. J’y avais participé avec Via Volo, mais ce n’était pas pareil (le couple avait été éliminé lors de la première qualificative, ndlr)… Simon est un guerrier en piste, mais il est beaucoup plus facile à la maison! Son incroyable longévité me rend fière. À dix-huit ans, il est toujours aussirespectueux et énergique! L’an passé, il s’est blessé au niveau d’un muscle abdominal. Aujourd’hui, il a l’air de s’en être bien remis et devraitreprendre prochainement les Grands Prix. Honnêtement, c’est lui qui décidera quand nous devrons le mettre à la retraite. S’il n’a plus envie ou s’il n’est plus capable de sauter à très haut niveau, nous ne prendrons aucun risque. Ce sera son choix!”
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Au terme d’une intense semaine de compétition, en 2014 à Caen, la jeune quinquagénaire avait décroché la médaille de bronze individuelle des Jeux équestres mondiaux de Normandie. Lors de la finale tournante, elle avait monté son fidèle Cortes C, ainsi que Casall Ask (Holst, Caretino x Lavall), le crack du Suédois Rolf-Göran Bengtsson, SFN Zenith (KWPN, Rash R x Fuego du Prelet), le délicat champion du Néerlandais Jeroen Dubbeldam, et ici Orient Express*HDC (SF, Quick Star x Le Tot de Semilly), double médaillé d’argent avec le Français Patrice Delaveau.
“Tout était fantastique: l’accueil, le public et les infrastructures. La compétition a été rude! Même si notre équipe n’a pu décrocher que le bronze, c’était quand même satisfaisant. Il y avait une très bonne ambiance entre nous. Et je suis finalementrepartie avec deux médailles! Pourtant, l’abord de ces championnats n’avait pas été idéal, car je m’étais cassé la clavicule en mai, ce qui m’avait contrainte au repos pendant deux mois. Je n’avais repris qu’à Hickstead, fin juillet! J’avais veillé à ne pas accélérer mon retour, préférant m’assurer d’être bien remise. J’ai été chanceuse de pouvoir compter sur Cortes et Simon, qui n’ont pas eu besoin de beaucoup de préparation compte tenu de leur expérience. Nous avons choisi Cortes, qui était en meilleure forme. La finale à quatre était intéressante, même si monter des chevaux que je ne connais pas n’est pas mon exercice préféré. On a un peu peur de mal faire… Nous avons eu de la chance parce que cette finale a opposé quatre bons cavaliers et quatre bons chevaux. Je redoutais un peu de monter Zenith, que j’estimais être le plus compliqué. Finalement, même si le franchissement du triple n’a pas été simple, j’ai quand même pris du plaisir. En fait, je n’aurais pas dû m’inquiéter autant! Casall aussi a été fantastique, mais Orient Express a assurément été mon favori! J’aurais évidemment préféré gagner l’or, mais cette semaine a été fabuleuse, et ces chevaux m’ont tout donné.”
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Mariés depuis 1998, Elizabeth et John Madden sont aussi inséparables à la ville qu’à la scène.
“Je ne peux pas dire à quel point je suis chanceuse d’avoir un homme comme lui à mes côtés. Il gère les écuries, entraîne de jeunes cavaliers, s’occupe des relations avec les sponsors et propriétaires, etc. Même en compétition, il m’est d’une grande aide. Il repère aussi de nouveaux chevaux – il a un très bon œil pour ça! Je me sens privilégiée d’avoir cette relation avec lui. Outre nos écuries personnelles et nos activités de coaching et de commerce, l’an dernier, nous avons aménagé un espace pour accueillir des chevaux retraités. Désormais, notre propriété s’étend sur plusieurs centaines d’hectares. Quant au travail de John au sein de la FEI (dont il est le premier viceprésident, ndlr), je sais qu’il suscite des débats. Pour l’instant, peu de gens ont l’air satisfaits de la réforme du règlement des Jeux olympiques. Évidemment, en tant que cavaliers, nous aimerions tous pouvoir y conserver des équipes de quatre couples et pouvoir biffer le moins bon score… Je comprends les points de vue et arguments de cavaliers comme Steve Guerdat ou Kevin Staut, mais ils devraient aussi tenir compte des arguments qui leur sont opposés! Mon mari connaît notre industrie et les raisons qui ont motivé cette réforme. Pour les télévisions, les sponsors et d’autres secteurs, ce sera bénéfique. Cela va être intéressant et médiatisera davantage les sports équestres. Il est essentiel que l’équitation reste un sport olympique.”
Cet article est paru dans le magazine GRANDPRIX heroes n°103.