L'album photo de Patrick Caron
Alors que son portrait est paru hier sur GRANDPRIX.info, retrouvez aujourd'hui l'album photo de Patrick Caron. Ancien membre de l'équipe de France puis sélectionneur des Bleus, le septuagénaire est revenu sur les moments les plus marquants de sa longue carrière.
PHOTO À DROITE.
Issu d’une famille étrangère au monde du cheval, Patrick Caron a débuté l’équitation par hasard, aux côtés de ses camarades d’école.
“De huit à treize ans, j’aimais bien découvrir toutes sortes de choses avec mes copains. Un jour, nous sommes allés dans un club hippique, et le moniteur, qui avait la réputation de rater ses cours à force de trop picoler, était absent. Le propriétaire, instructeur et magnifique cavalier, a décidé de nous donner un cours. Avant cela, il nous a offert une petite démonstration. Je me revois encore admirer ses épaules en dedans avec des yeux ébahis ! Le cheval était comme une danseuse sous ses jambes. Puis j’ai mis le pied à l’étrier pour la première fois, alors que je portais un jean et des tennis. Une heure plus tard, je galopais au milieu du manège, même si j’avais un peu peur, alors que mes camarades n’arrivaient même pas à trotter ! Pourtant, je n’étais pas très doué naturellement et j’ai dû beaucoup travailler pour réussir à enchaîner mon premier parcours sans faute. Le soir, quand je suis revenu à la maison, j’ai dit à ma mère que je voulais me lancer dans le cheval. Elle était un peu éberluée et voulait que je continue mes études, me répétant que j’étais très doué en mathématiques. Mais l’équitation et le contact des chevaux m’ont plus dès le début. La compétition est arrivée un peu plus tard. Avant mon premier concours, je me sou - viens avoir arrêté de manger pendant huit jours tellement j’étais stressé (rires)!”
PHOTO CI-DESSOUS.
En 1978, Patrick Caron a remporté son premier Grand Prix de haut niveau au CSI-A de Paris, au Parc des expositions de la Porte de Versailles, et a eu l’honneur d’être félicité par Pierre Jonquères d’Oriola, légende de l’équitation, qui lui a donné l’envie de devenir cavalier professionnel.
“La première rencontre importante de ma vie remonte à 1964. J’étais devant mon petit écran de télévision en noir et blanc, regardant les Jeux olympiques de Tokyo. Je viens d’une famille française ayant connu les deux Guerres mondiales donc je suis assez patriotique. Là, j’assistais à l’humiliation de la France (qui pointait au dixième rang du tableau des médailles et n’en avait toujours pas décroché la moindre en or, ndlr), jusqu’à la toute dernière épreuve avant la cérémonie de clôture : la finale individuelle de saut d’obstacles. Pierre Jonquères d’Oriola a alors sauvé l’honneur de la France en remportant sa seule médaille d’or. Il a fait la couverture de tous les magazines et a même été reçu par le général de Gaulle (alors Président de la République, ndlr)! Quelque chose s’est gravé en moi à ce moment-là. À partir de là, j’ai rêvé d’atteindre le sommet de l’Olympe, qui est le rêve de tout cavalier. Par la suite, j’ai eu la chance de rencontrer de grands noms de l’équitation qui m’ont aidé à me perfectionner, notamment Yves Lemaire, qui était un formidable cavalier et l’un des deux plus grands connaisseurs de chevaux de l’époque avec Alfred Lefèvre, qui était un peu l’Albert Einstein de l’élevage. Yves était un agriculteur passionné. Il m’a beaucoup aidé dans ma vie et m’a accompagné durant mes huit dernières années d’éducation équestre avant de commencer la compétition.”
PHOTO À DROITE.
En 1982, aux côtés de Michel Robert, Frédéric Cottier et Gilles Bertran de Balanda, Patrick Caron a fait partie de l’équipe de France qui a obtenu l’or par équipes aux championnats du monde de Dublin, toujours avec Éole IV.
“J’ai vécu un championnat horrible car mes scores n’ont pas compté, mais j’étais tout de même très heureux de cette médaille d’or. C’est un super souvenir. C’était incroyable d’atteindre le podium avec Éole, qui était extrêmement atypique. Il était même bizarre... Un jour, lors d’une épreuve intermédiaire au CSIO de Rome, il s’est mis à zigzaguer devant un obstacle et a commencé à galoper à quatre temps. Tout d’un coup, il s’est écroulé contre les chandeliers. Il était allongé, comme mort. Tout le monde est arrivé en courant sur la piste, affolé. J’ai commencé à desserrer la sangle en panique, et il a rouvert un œil, puis deux, et s’est relevé. J’étais scotché. Après l’avoir ramené aux écuries, les vétérinaires ont effectué tout un tas d’examens et n’ont rien trouvé… Le lendemain, il était en forme, bien que complètement dingo, et a signé un super double sans-faute dans la Coupe des nations ! Il m’a refait le coup plusieurs fois, notamment dans le barrage du Grand Prix de Bordeaux et lors du CSIO d’Hickstead. Les spectateurs devaient nous prendre pour des fous... Nous n’avons jamais trouvé ce qu’il avait. Peut-être un dérèglement de la pendule interne, quelque chose de ce genre. De fait, personne ne nous a jamais proposé de l’acheter, alors qu’il a toujours été à vendre (rires)!”
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En 1988, Patrick Caron a accompli son rêve olympique à Séoul, où l’équipe de France a arraché le bronze et Pierre Durand a été sacré avec Jappeloup. Ce dernier couple a évidemment marqué Patrick Caron de manière indélébile.
“Ramener deux médailles de Séoul a été incroyable... Elles ont été le fruit de dures années de travail, d’une politique sportive précisément mise en place, de la sécurisation de nombreux chevaux, d’investissements de la fédération, etc. Nous avons ramené une fabuleuse médaille de bronze par équipes, alors que nous étions mal embarqués après la première manche et que le niveau était extrêmement élevé, puis Pierre a enfin décroché sa médaille d’or… Il avait tellement voulu ce titre olympique, après lequel il courait depuis des années! Pour atteindre son objectif, il avait établi un véritable programme. Après avoir vécu une descente aux enfers après les Jeux de Los Angeles (où il avait chuté), il a réussi à remonter la pente grâce à sa volonté et sa passion. Peu de sportifs en auraient été capables. C’était un couple d’artistes. Jappeloup était comme Éole, en dehors des normes génétiques, mais il est tombé sur le cavalier qui lui fallait. J’adorais ce cheval. Le plus drôle, et ce que peu de gens savent, c’est que j’ai failli l’acheter à six ans lors d’un concours dans le Nord de la France. Je trouvais qu’il sautait bien ! Malheureusement pour moi, Pierre voulait le garder parce qu’il croyait déjà beaucoup en lui. De par sa morphologie et son comportement, il sortait du lot. Selon moi, Jappeloup a davantage marqué l’histoire que Milton (le grand crack gris du Britannique John Whitaker, rival permanent du petit étalon noir, ndlr). D’ailleurs, courant octobre, je passerai un peu de temps chez Pierre, en Gironde. Nous sommes amis, et nous nous ressemblons un peu. C’est un passionné, amoureux des chevaux, qui a voulu faire évoluer son sport.”
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Patrick Caron a souvent fait preuve d’un coup d’œil remarquable pour repérer les bons chevaux comme les cavaliers d’avenir. Par exemple, il a su faire confiance à Thierry Pomel, alors en pleine ascension avec Thor des Chaînes.
“En milieu d’année 1996, j’ai remarqué qu’un cavalier devenait de plus en plus régulier en concours nationaux. Quelques mois plus tard, en bon dictateur, j’ai réussi à obtenir vingt-trois places pour les cavaliers français au CSIO de La Baule (contre une quinzaine en moyenne ces dernières années, ndlr). Chaque année, nous recevions une quarantaine de demandes de sélection, et tous les cavaliers pensaient avoir la primeur (rires)! Cette année-là, au bout de ma liste de vingt-trois cavaliers, il y avait écrit Thierry Pomel... Tous ceux qui n’étaient pas retenus sont directement venus rouspéter en disant que Thierry était un looser et que Thor des Chaînes était planté, qu’il ne franchissait même pas les rivières! De fait, j’avais conseillé à Thierry de bien travailler sur les rivières avant de venir, mais il a quand même péché dessus... Quelques mois plus tard, ce couple est devenu si régulier que nous l’appelions tous le métronome (il a notamment décroché l’argent individuel et par équipes aux Jeux équestres mondiaux de Rome en 1998, ndlr)! Je suis heureux pour Thierry. Son accession au poste de sélectionneur de l’équipe de France est la finalité très méritée d’une belle carrière sportive.”
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Depuis un peu plus de deux ans, Karim Laghouag, champion olympique par équipes de concours complet, profite des conseils de Patrick Caron afin de continuer à progresser à l’hippique.
“Avant même de sauter des obstacles, j’étais passionné par le dressage. Enfant, j’ai lu tous les livres possibles et inimaginables sur le sujet! Lorsque j’ai commencé la compétition, on m’a confié toutes sortes de chevaux, dont certains de concours complet, donc je m’y suis essayé. J’ai même participé à de belles épreuves! J’ai toujours eu beaucoup d’admiration et de respect pour les cavaliers de cette discipline. Quand j’étais manager général du haut niveau, nous avons d’ailleurs été les premiers à organiser un concours complet sans routier ni steeple-chase, avec et grâce à François de La Béraudière, organisateur de l’international du complet de Chantilly, pour ne garder que le dressage, le cross et l’hippique. Je suis sûr qu’on a sauvé des tas de cavaliers et chevaux en adoptant cette formule… Quand Karim (Laghouag) m’a sollicité pour l’encadrer en saut d’obstacles, je n’ai pas hésité une seconde. C’est quelqu’un de très fort. Il a, tout comme son épouse (Camille Laffite, fille du célèbre pilote de Formule 1 Jacques Laffite, ndlr), la passion et la méthodologie du sport de haut niveau dans le sang ! Le complet a beaucoup évolué et l’hippique devient de plus en plus important pour faire la différence. En deux ans, Karim a beaucoup progressé et concourt maintenant en CSI 2* avec aisance! Je suis très heureux et fier de ce qu’il réussit à accomplir.”
Cet article est paru dans le magazine GRANDPRIX heroes n°113.