“Je n’ai jamais été aussi comblé qu’aujourd’hui”, Steve Guerdat

Les week-ends se suivent et ne se ressemblent pas toujours pour Steve Guerdat. Quatre jours après son troisième sacre en finale de la Coupe du monde Longines, le 7 avril à Göteborg, le Suisse a débarqué à Kronenberg, dans la province du Limbourg néerlandais. Il est venu lancer ou relancer en CSI 1* et 3* des montures moins expérimentées qu’Alamo, le héros du Scandinavium, qu’on n’imaginait peut-être pas aussi fort, que l’extraterrestre Albführen’s Bianca, Hannah, Corbinian ou encore les Selle Français Vénard de Cerisy et Ulysse des Forêts, qui ont tous permis au trentenaire de redevenir numéro un mondial le 1er janvier 2019. C’est donc début avril sous la véranda du très moderne centre équestre de Peelbergen, aux confins des Pays-Bas, de l’Allemagne et de la Belgique, que GRANDPRIX s’est entretenu avec ce charismatique homme de cheval de trente-six ans, qui assoit un peu plus chaque saison sa stature de légende vivante du saut d’obstacles. Pendant une heure, il a naturellement été question de cette finale de rêve, mais aussi de bien d’autres sujets, le Jurassien n’éludant aucune question. Morceaux choisis de cet entretien paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX.



Même si ce concours de Kronenberg est parfaitement orchestré et que ses infrastructures semblent très confortables, on est loin de l’ambiance et de la tension qui régnaient le week-end dernier au Scandinavium de Göteborg. Dans quel état d’esprit êtes-vous ? 
Je vais être franc, il a fallu qu’on me mette un coup de pied au cul pour que je vienne ! C’est rare mais j’avais vraiment envie de rester à la maison. Pour autant, la vie continue et beaucoup de chevaux ont besoin de concourir. À cette période de l’année, il y a pas mal de CSI comme celui-ci, permettant de remettre des chevaux en route ou d’en tester de nouveaux, donc il faut en profiter. Cela me fait plaisir d’être là et de faire ce que j’aime. Et puis, dès que je suis monté dans l’avion, la motivation est revenue !
 
Vous êtes venu ici avec six chevaux : Diamantina D (SCSL, Diamant de Semilly x Carolus) et Best of Hélio (SF, Sioux du Godion x Lieu de Rampan), âgés de huit ans et engagés dans le CSI 1*, ainsi qu’Albführen’s Maddox (SWB, Cohiba 1198 x Maraton), huit ans également, Cyprian 6 (Holst, Cash H x Cascavelle), Evita (KPWN, Canturano I x Farmer) et Flair (KWPN, Quamikase des Forêts x C-Indoctro I), neuf ans, dans le CSI 3*. Quels sont vos objectifs avec eux ?
Flair (propriété du Mexicain Gerardo Pasquel Méndez, comme Alamo, ndlr), que j’ai déjà engagée dans des épreuves à 1,50 m et même 1,55 m, va sauter le Grand Prix (le couple s’est finalement classé neuvième, concédant un point de temps au tour initial, ndlr). C’est une excellente jument qui va certainement disputer dès cette année des Grands Prix CSI 5* et sûrement une Coupe des nations. Il y a aussi Cyprian 6 (Holst, Cash H x Cascavelle, appartenant à Kevin et Kay Melliger, fils du regretté Willi, ndlr), que j’ai depuis début 2019 (il a été monté en janvier et février par le Français Charles Berron, ndlr). Comme il a été blessé pendant longtemps, je le considère comme un cheval de huit ans. Les autres sont arrivés depuis quelques mois à l’essai, pour rester ou être vendus.
 
Après un peu plus d’un trimestre en 2019, vous avez déjà monté dix-sept chevaux en CSI ! Combien en avez-vous chez vous ? 
Vingt-cinq, ce qui est un peu beaucoup. En principe, vingt et un ou vingt-deux suffiraient. Ce serait même parfait. Il nous est déjà arrivé d’en avoir plus, jusqu’à vingt-huit ou vingt-neuf fin 2018, et puis tout d’un coup, il n’en restait plus que dix-sept ou dix-huit. Cela peut vite aller dans un sens ou dans l’autre, et j’essaie surtout de ne pas laisser passer de bons chevaux. Quand j’en trouve un qui me plaît et en qui je crois, je préfère le prendre et me retrouver en léger sureffectif, quitte à devoir travailler davantage, que regretter plus tard de l’avoir laissé filer. Pour m’aider, je peux compter sur le jeune Suisse Anthony Bourquard, qui travaille avec moi depuis longtemps déjà, ainsi que sur Fanny (Skalli, sa compagne, cavalière de niveau 2*, ndlr), qui est installée à la maison depuis un peu moins d’un an. Elle a ses quatre propres chevaux, dont elle s’occupe exclusivement, et monte aussi certains de mes jeunes. Sans oublier Heidi (Mulari, sa groom, ndlr), qui œuvre à mes côtés depuis des années et qui monte les chevaux sur le plat. 


“Normalement, Alamo devait retrouver son propriétaire après le Top Ten”

Quatre jours après votre exploit de Göteborg, comment vous sentez-vous ? On sait que vous avez la capacité de toujours garder la tête froide, mais cela ne doit pas être évident après une telle victoire ! 
Je me sens super bien et c’est cool d’être ici. J’aime ces concours-là, où j’ai plaisir à retrouver d’autres cavaliers que ceux qui évoluent tous les week-ends en CSI 5*. On discute, on se félicite, c’est agréable (durant cet entretien, plusieurs propriétaires et pilotes, dont l’Italien Piergiorgio Bucci, sont venus congratuler le Suisse pour son triomphe à Göteborg, ndlr). La joie de cette victoire est encore présente. Comme je me suis rapidement qualifié pour la finale (dès le 18 novembre, après la neuvième place d’Alamo à Stuttgart, ndlr), j’ai pu la planifier assez tôt. Après le CHI de Genève, mi-décembre, j’ai vraiment essayé de mettre toutes les chances de mon côté. Du coup, les mois de janvier et février ont été longs car j’ai plutôt concouru au niveau 5* avec des seconds couteaux ou des chevaux moins expérimentés. C’est très bien dans le sens où ils apprennent des choses, mais quand on est numéro un mondial et qu’on part en concours en sachant qu’on risque de ne pas être très compétitif, on entend pas mal de sottises, qu’on finit par croire… Mes résultats n’ont pas été si mauvais, mais pas fabuleux non plus. Les chevaux ont globalement bien sauté et montré de bonnes choses. Cependant, j’ai effectué beaucoup de tours de travail en regardant mes adversaires gagner des Grands Prix et en attendant impatiemment les retours d’Albführen’s Bianca (SWB, Balou du Rouet x Cardento) et Alamo (KWPN, Ukato x Equador) ! En ce sens, après ces longs mois d’attente, gagner la finale a résonné comme un cadeau. Et finalement, je me dis que j’ai bien fait d’agir de cette manière.
 
En arrivant en Suède, à quel point croyiez-vous en vos chances de gagner avec Alamo ?
Je ne sais pas. Je me sentais en confiance, parce qu’Alamo était vraiment agréable à monter, beaucoup mieux que d’habitude. Tout se passait idéalement à l’entraînement, il a très bien sauté dans un concours national, puis j’ai eu un super sentiment aux CSI 5* de Bois-le-Duc et Paris, donc je me sentais vraiment prêt, en synergie avec lui. Je me disais : « Et si je gagnais cette finale ? » Quand je suis arrivé à Göteborg, j’ai retrouvé Alamo comme il était à la maison, donc tout allait bien… Jusqu’au moment de reconnaître les parcours des épreuves, et ce dès le premier jour ! Il y avait un sacré boulot à accomplir et j’étais loin d’être le seul cavalier en forme. J’ai alors essayé de me concentrer et de faire de mon mieux. Alamo avait brillamment gagné la finale du Top Ten Rolex IJRC en décembre à Genève et déjà réussi de belles choses, à l’extérieur comme en indoor, mais de là à remporter une telle compétition… 
 
Compte tenu du résultat final, il est évident que votre choix était le bon, mais pourquoi n’avez-vous pas opté pour Bianca, médaillée de bronze des Jeux équestres mondiaux de Tryon puis sublime deuxième des deux étapes indoor du Grand Chelem Rolex, à Genève puis en mars à Bois-le-Duc ?
Après le CHI de Genève, je me suis engagé à préparer les deux pour cette finale. Normalement, Alamo devait retrouver son propriétaire après la finale du Top Ten. Le lendemain, je lui ai alors dit que je planifierais la finale avec son cheval si cela pouvait lui faire plaisir. Et Gerardo a accepté de me le laisser jusque-là – il a vraiment été très gentil. Pour autant, une finale de Coupe du monde reste un rendez-vous très important auquel je n’allais pas me rendre pour faire de la figuration, mais seulement si j’avais une chance de réussir quelque chose. Bianca n’ayant pas d’objectif majeur immédiatement après le CHI de Bois-le-Duc, je l’ai également préparée en me disant : « Si tout va bien avec Alamo, ce sera lui ; et sinon ce sera Bianca. »Dans les deux jours qui ont suivi le Grand Prix de Bois-le-Duc, vu les performances de Bianca, j’ai hésité. En revanche, après le Saut Hermès, je ne me suis plus posé la moindre question. Alamo a très bien sauté au Grand Palais (se classant aisément quatrième du Grand Prix, ndlr) et nos détentes étaient exactement comme je les voulais. Dès lors, je savais que j’avais une chance avec lui. Sinon, j’aurais choisi Bianca. 
 
La suite de cet entretien est à retrouver dans le magazine GRANDPRIX n°107, disponible en kiosques !