DANS LE RÉTRO: Pénélope Leprevost raconte ses premiers pas et son ascension vers le plus haut niveau

GRANDPRIX vous propose de replonger dans ses archives et vous fait redécouvrir un entretien avec Pénélope Leprevost, qui était en pleine phase d'ascension avec son formidable Mylord Carthago*HN. // Si l’équipe de France rencontre actuellement des difficultés en Coupe des nations, Pénélope Leprevost continue son ascension et confirme ses belles performances. Deuxième à La Baule avec Mylord Carthago*HN, celle qui s’est imposée comme l’un des piliers tricolores en moins de quatre ans, peut aujourd’hui se satisfaire d’un piquet de chevaux de grande qualité dans l’objectif des championnats d’Europe de Madrid mais surtout des Jeux olympiques de Londres en 2012.



Vous avez commencé l’équitation en club sans venir d’une famille de cavaliers. Quelle a été votre évolution jusqu’au milieu professionnel? 

À la base, je ne voulais pas en faire mon métier et mes parents m’avaient briefée pour que cela reste un loisir. J’ai d’abord débuté au poney-club de Bois-Guillaume, puis je suis allée dans le club du papa de Timothée Anciaume. À onze ans, je suis arrivée dans les écuries de Francis Mas, cavalier de première catégorie près de Rouen. J’y suis restée jusqu’à l’âge de dix-huit ans. Il a beaucoup cru en moi dès le début et m’a permis de monter beaucoup de chevaux différents. Chez lui, je travaillais mon propre cheval mais aussi les siens avec lesquels j’ai débuté sur le niveau C2. À dix-huit ans, j’ai obtenu mon bac S et à cette époque, je connaissais déjà Guillaume Lebreton, mon ex-mari et père de ma fille Eden, qui était cavalier de première catégorie. Je ne savais alors pas trop quoi faire et me suis inscrite en école d’architecture à Rouen. Quinze jours avant le début des cours, ma mère m’a demandé si je voulais devenir cavalière professionnelle. C’était la grande question mais je n’ai pas hésité trop longtemps. Le tout premier éleveur à m’avoir fait confiance et qui m’a fait passer un cap est Jean-Pierre Vilault de l’élevage de la Vallée. En 2003, je participais pour la première fois aux finales de la Grande semaine à Fontainebleau avec neuf chevaux. À l’époque, je montais en classe B avec deux ou trois chevaux de propriétaires ou de Jean-Pierre Vilault. C’est un peu lui qui m’a lancée dans le grand bain. Puis, j’ai eu la chance de rencontrer l’éleveur de Jalisca Solier, Christophe Miller.J’ai pu monter les chevaux Solier dont Jalisca qui m’a permis d’être troisième du championnat de France des cavalières en 2005. C’est la première grande jument que j’ai montée. Christophe Millier m’a ensuite proposé de choisir un autre cheval, Karatina, avec laquelle j’ai gagné mes premiers Grands Prix nationaux, puis en trois étoiles et enfin participé à mes premières Coupe des nations en seconde ligue. Cette jument a vraiment énormément compté pour moi. C’était aussi le premier cheval que je choisissais et j’avais une pression énorme. Puis évidemment après, il y a eu l’arrivée de Jubilée d’Ouilly avec laquelle j’ai vraiment découvert le très haut niveau, les premières Coupe des nations en Super League, les CSI 5*…et plus tard, Mylord Carthago*HN. 

Votre ascension a finalement été très rapide?

Pour me lancer dans le grand bain, j’ai eu la chance de tomber sur une jument d’exception (Jubilée d’Ouilly, ndlr), qui était livrée clé en main. Mais j’ai surtout rencontré Michel Robert qui m’a mise sur la bonne voie. 

Quels sont les personnages clés qui vous ont permis d’en arriver là?

Francis Mas c’est certain! Il m’a appris ce qu’était le vrai métier du cheval. J’ai vraiment pris de l’expérience avec lui en montant beaucoup de chevaux différents. Il m’a amené une hargne que j’avais peut-être déjà mais en tout cas il m’a appris à me battre. Professionnellement, ma rencontre avec Jean-Pierre Vilault m’a permis de me lancer dans le circuit des jeunes chevaux et de me faire connaitre. Et ensuite c’est Michel Robert, sans qui ma carrière n’en serait pas là aujourd’hui. 

Et les chevaux qui vous ont le plus marquée? 

Karatina et Jubilée. Ce sont vraiment les deux caps de ma vie. Avec Karatina le cap de la B1 aux Grands Prix nationaux et aux trois étoiles, et le cap vers le haut niveau avec Jubilée. J’ai eu un autre cap avec Mylord Carthago car c’est un cheval que j’ai formé moi-même. Il est vraiment le fruit de mon travail. 



Pénélope Leprevost et le brillant Topinambour.

Pénélope Leprevost et le brillant Topinambour.

© Scoopdyga

Êtes-vous très exigeante avec vous-même?

Oui, je pense que je suis un peu une éternelle insatisfaite, mais je suis ravie et j’ai conscience que ce qui m’arrive est fantastique. Mais en même temps, j’en veux plus (rires)

Aujourd’hui, quel est votre piquet de chevaux? 

Mylord et Topinambour. Il y a Myss Valette et deux fantastiques neuf ans: Oscar des Fontaines et Sisley de laTour. Je pense que ce sont deux chevaux pour faire le top niveau et les gros circuits. L’année prochaine, ils seront vraiment au niveau pour épauler les autres. Puis j’ai rencontré un cheval vraiment étonnant, Maestro de la Loge, qui, avec très peu d’expérience, est assez vite rentré dans le bain.

De nombreux propriétaires vous font confiance et vous confient leurs meilleurs chevaux. Quelle est votre politique par rapport à cela? 

Si les propriétaires m’appellent, c’est je pense parce qu’ils ont envie que je monte leurs chevaux, donc ils me font confiance. Mes relations avec tous les propriétaires et même les Haras nationaux sont très simples, c’est vraiment très agréable. 

Et comment choisissez-vous entre toutes les demandes que vous recevez? 

C’est vrai que j’ai beaucoup de demandes pour travailler avec des chevaux.Tout passe d’abord par des essais. Depuis un an, je me suis organisée avec un cavalier qui monte au niveau national et en Jeunes Chevaux. Il est là pour former les chevaux et les sortir en épreuves. Ensuite, s’ils sont prêts, je les sors sur de plus grosses épreuves. J’aimerais vraiment pouvoir former des chevaux dès le début, ce qui est plus confortable pour la suite aussi bien pour le cavalier que pour le cheval. Je pense que l’on gagne du temps. 

Vous avez aussi récupéré des chevaux qui évoluaient avec d’autres cavaliers comme Jubilée d’Ouilly, Topinambour ou Nénuphar’ Jac. Cela ralentit parfois aussi l’ascension vers le haut niveau de leurs cavaliers? 

C’est vrai que lorsque les propriétaires voient leur cheval atteindre un certain niveau et que le cavalier n’a pas forcément les écuries et l’expérience qui permettent de tourner plus haut, c’est plus simple pour eux de les confier à des cavaliers qui sont déjà dans les trente meilleurs mondiaux. C’est évidemment très frustrant pour les cavaliers qui forment ces chevaux de les voir partir lorsqu’ils sont prêts pour plus. En revanche, en Belgique par exemple, cette politique est plus simple et chaque cavalier a un rôle. Il y a ceux qui sortent les jeunes chevaux puis les cavaliers qui les forment à sept et huit ans sur les nationaux. Les chevaux partent ensuite chez Jos Lansink ou chez Ludo Philippaerts. Je pense qu’en Belgique, les cavaliers sont fiers d’avoir formé ces chevaux-là dans la partie qui leur correspondait. Chez nous, les cavaliers font beaucoup de concessions pour garder leurs chevaux, ils font presque partie de la famille. C’est “moins professionnel” et plus “émotionnel”. Je ne dis pas que le système belge est meilleur mais ça évite les frustrations car les rôles sont définis dès le départ. 

Votre objectif est-il de devenir une référence en matière d’équitation comme le souhaite Kevin Staut? 

Oui bien sûr! J’aspire évidemment à des performances mais surtout à une équitation complète. J’ai vraiment envie de m’adapter à chaque cheval et d’être à leur écoute. Les résultats sont importants et ça fait du bien au moral, mais avec la manière c’est encore mieux. Par exemple l’année dernière, je suis deuxième à Chantilly dans le Global Champions Tour et je n’étais pas satisfaite de moi alors que le cheval avait très bien sauté. Je suis bien plus satisfaite de la manière dont je me suis classée deuxième à La Baule et d’ailleurs, si j’avais monté parfaitement mon barrage, j’aurais été devant Eric Lamaze (rires)

Vous avez l’image d’une cavalière travailleuse et acharnée. Vous en rendez-vous compte? 

C’est surtout qu’on a rien sans rien! C’est un choix de vie que j’ai fait, je suis en concours presque trois-quatre jours par semaine alors que j’ai une petite fille, donc c’est sûr que ça fait partie de ma vie. Il faut en vouloir, il y a des moments où c’est un peu plus dur mais il faut savoir rebondir et ne pas baisser les bras.



En 2010 vous aviez intégré leTop 10 et cette année vous êtes classée dans leTop 20. Comment expliquez-vous cette chute? 

Mes deux chevaux de tête qui avaient de l’expérience l’année dernière n’ont pas sauté pendant trois-quatre mois car Topinambour faisait la monte et Mylord était en vacances, ce qui m’a fait perdre un peu de points. Mais cela m’a permis de faire prendre de l’expérience à mes autres chevaux comme Myss Valette qui a remporté un Grand Prix 5* à Londres. J’ai récupéré Nénuphar un peu au dernier moment et même si nous faisons encore une faute en épreuve, je pense que nous ne sommes vraiment pas loin de la vérité. Je pense que tout cela explique la chute dans le classement. 

À un peu plus d’un an des Jeux olympiques, le marché des chevaux est très actif. Comment faire pour que les bons chevaux restent en France? 

Malheureusement, c’est la loi du sport. En France, nous avons peu d’investisseurs pour le haut niveau. Je pense que si l’on arrive un tout petit peu à médiatiser notre sport, on aura plus de soutien de sponsors et peut-être que cela permettra aux propriétaires d’être un peu soulagés et de garder les meilleurs chevaux jusqu’aux belles échéances. 

Votre palmarès individuel est déjà bien étoffé avec de très belles performances et pourtant on aimerait y trouver une victoire en Coupe du monde ou dans le Global Champions Tour...

Oui je sais! Mais mes chevaux prennent de l’expérience et je me dis que s’ils évoluent encore et bien ça devrait arriver tout seul. 

Et l’équipe de France est-elle importante pour vous?

Ah oui! Pour moi, ce sont vraiment les épreuves qui sont les plus fortes en émotion et en pression. Ce sont pour moi les plus belles épreuves. 

Les championnats d’Europe et les Jeux olympiques, vous y pensez déjà? 

Oui, oui, oui, bien sûr. Cela fait partie du programme! Le programme pour les championnats d’Europe est déjà établi et les Jeux sont vraiment un objectif. 

Vous admirez tout particulièrement Marcus Ehning. Pourquoi?

C’est unanime, tout le monde dit ça (rires). Je trouve qu’il domine vraiment le sport de haut niveau. Je pense que c’est bon d’être cheval pendant un parcours de Marcus Ehning. 

Quel est le plus beau souvenir de votre carrière? 

Les championnats du monde ont été vraiment quelque chose de fort, avec un esprit d’équipe fantastique. Il y a aussi les doubles sans-faute dans les Coupes des nations d’Aix-la-Chapelle, surtout l’année où l’on gagne en terminant à zéro, c’était formidable. Mais aussi, à l’époque de Jubilée, à Rotterdam lorsque j’ai barré contre McLain Ward pour la victoire. Je le bats de quelques centièmes alors que tout le monde pensait qu’il avait gagné et qu’il était imbattable. Pour moi, ça c’était un vrai beau moment.

Cet article d'archive est paru dans le magazine GRANDPRIX International n°64, en juin 2011.