Pas à pas pour améliorer l'allure

Il n’est pas rare d’entendre qu’un trot se fabrique, qu’un galop se travaille, mais qu’un mauvais pas est voué à le rester. Selon quelle logique un entraînement de qualité, basé sur une gymnastique approfondie rendrait-il possible l’amélioration du trot et du galop, alors que la mécanique du pas serait, elle, immuable? Au contraire, la problématique de cette allure peut être abordée avec des exercices concrets, capables d’engendrer, à plus ou moins courte échéance, au moins une amélioration dans le rythme, l’amplitude et la régularité.



LE PAS, UNE ALLURE DÉLAISSÉE

Contrairement aux idées reçues, le pas aussi se travaille. Dans un premier temps, l’objectif est d’assurer quatre temps égaux dans un cycle respectant les battues suivantes: postérieur droit, antérieur droit, postérieur gauche, antérieur gauche. Pourtant, son entraînement est trop souvent négligé alors même que le cavalier y passe le plus clair de son temps. Échauffement, pauses, récupération… Les occasions de soigner le pas sont paradoxalement nombreuses. Sur le terrain, ces trois phases sont généralement réduites à la simple préparation ou récupération du cavalier. Bien que le pas ait en réalité une importance cruciale dans le développement musculaire et technique du cheval, sans compter son poids mathématique dans le pourcentage final d’une reprise de dressage, les circonstances relèguent souvent cette allure à un rôle sommaire de relaxation ou décontraction pure. La phase numéro une, visant à dégourdir le cheval sortant du box, est couramment consacrée au bavardage ou à la une de l’actualité équestre avec les condisciples cavaliers présents dans le manège. L’idéal serait d’associer à ces discussions sympathiques une marche active, ayant vocation à animer le cheval doucement mais sûrement. La seconde occasion récurrente de marcher au pas se présente lors des pauses. L’intention initiale n’y est pas de perfectionner le pas, mais voici néanmoins une nouvelle chance pour requérir activité, franchise et couverture de terrain avec un cheval correctement orienté, attentif et concentré. La dernière chance involontaire de prêter attention au pas se trouve dans la phase de récupération en fin de séance. Fatigué, le couple va finalement errer de manière insignifiante d’un bout à l’autre de la piste alors qu’un réel profit pourrait être tiré d’un stretching dynamique. En effet, un cavalier appliqué transforme toutes les situations en une opportunité d’apprentissage. Enseigner au cheval à mieux marcher est un effort de chaque instant qui permet de créer un automatisme indispensable : sous la selle, le pas est actif, engagé, distinctement à quatre temps.

LES MULTIPLES VISAGES D’UN PAS DÉFECTUEUX 

Isabelle Judet, juge internationale 5* de dressage, résume les exigences de l’allure: “Un pas doit respecter clairement les quatre temps, être actif, les foulées doivent être de taille mesurée et régulières, dans une rectitude parfaite et une attitude correcte où hauteur de nuque, placement de chanfrein et acceptation du mors sont maîtrisés.” Vitesse, rythme, régularité… Les menaces planant sur la pureté du pas sont nombreuses. La défectuosité la plus manifeste est certainement la latéralisation, qui implique le dérèglement des quatre temps dans un mouvement devenu synchrone des membres antérieur et postérieur d’un même côté. Comme la plupart des quadrupèdes, le cheval est censé marcher par bipèdes diagonaux, mais on dit qu’il “va l’amble” s’il bouge ses deux membres du même côté simultanément. Lorsqu’un manque de clarté dans le rythme est souligné, le juge de dressage attribue une note maximale de six sur dix, sanctionnant encore d’avantage un pas indéniablement altéré. Attention, la complexité du pas est loin de se limiter au rythme. “Toute perte d’activité ou au contraire accélération, voire trottinement, vont impacter la note finale”, poursuit Isabelle Judet. “Un engagement insuffisant de l’arrière-main, un mouvement d’épaule étriqué ou un manque de symétrie sont également pris en compte. Tout problème de mise en main, d’attitude trop basse et/ou fermée, rupture de contact ou résistance, langue remontée ou sortie sera également souligné.” Même au pas rassemblé, la décontraction est la clé. Néanmoins, ce relâchement est parfois l’ennemi d’un pas énergique, d’où l’importance d’un équilibre entre activité et précipitation.



DES EXERCICES PROFITABLES AU RENFORCEMENT DU PAS

À l’intérieur du pas, il existe pléthore d’exercices susceptibles d’améliorer l’allure. Bien sûr, les bénéfices n’apparaîtront qu’après une répétition patiente et minutieuse d’une série d’assouplissements et de mouvements exécutés avec soin. Améliorer la mobilité des épaules et des hanches, affûter davantage le cheval sur les aides, approfondir la qualité de la connexion et du contact sont autant de pistes pour renforcer la justesse du pas. Le travail latéral peut s’avérer extrêmement utile dans l’optique de décomposer les foulées. De longues cessions à la jambe où le cheval se déplace peu de côté, principalement vers l’avant, les épaules devançant nettement les hanches et la flexion étant mesurée, peuvent être intégrées systématiquement. La transformation de cette cession en appuyer permet de mobiliser la ligne vertébrale dans son ensemble. Alterner épaule en dedans, tête au mur et croupe au mur, en maîtrisant parfaitement l’angle et l’incurvation ainsi que la vitesse de l’allure dans le passage d’une figure à l’autre, s’intègre facilement à la gymnastique du pas. Sur un cercle, passer de la hanche en dedans à la hanche en dehors, sans permettre la moindre accélération ou la plus discrète instabilité du contact, élève les exigences au niveau supérieur. 

LE PAS RASSEMBLÉ 

“L’Échelle de Progression” édictée par la Fédération française d’équitation (FFE) définit le rassembler comme “l’équilibre qui permet la plus grande mobilité du cheval”. Il correspond à “la capacité portante, c’est-à-dire la prise en charge de davantage de poids par les postérieurs, liée à un allègement et une plus grande mobilité de l’avant-main. C’est un équilibre montant qui fait passer le cheval du mouvement en avant au mouvement en avant et vers le haut.” Attention, il est indispensable de noter que “les allures rassemblées n’ont pas pour caractéristique d’être ralenties ou raccourcies”. En résumé, le rassembler transforme “la capacité à avancer en capacité à porter. Le cheval passe du mouvement en avant au mouvement en avant et vers le haut. Ceci est obtenu par les assouplissements longitudinaux, notamment les variations d’amplitude et toutes les transitions “aller et revenir”. 

Il est important de noter qu’un cheval ne marche pas de manière rassemblée naturellement. Ainsi, les reprises Jeunes Chevaux éditées par la Société hippique française n’exigent que du pas moyen et allongé, hormis dans la préparation des pirouettes pour la finale des chevaux de six ans en Cycle classique. C’est une allure fabriquée qui s’obtient progressivement à force d’alterner activité des postérieurs et contrôle de l’amplitude. Un cheval en apprentissage agrandit tout naturellement la taille des foulées lorsque le cavalier sollicite l’engagement et l’accélération de l’arrière main, puis à contrario a tendance à ralentir derrière si la couverture de terrain est limitée. Or, le pas rassemblé se résume assez bien ainsi: “petit et vite”, soit foulée raccourcie mais rapidité des postérieurs. “Lorsque les foulées sont raccourcies, l’activité doit être maintenue.” Par conséquent, la première étape vers le rassembler est bel et bien la multiplication de variations qui, de plus en plus rapprochées, permettront d’obtenir des foulées à la fois petites et rapides dans une cadence donnée. “Le rassembler se développe par l’association alternée des aides de propulsion et des aides de retenue, les demi-parades, et par l’utilisation des transitions dans l’allure, les variations d’activité dans une même vitesse.” La FFE rappelle que le but du rassembler est “d’améliorer et de perfectionner l’équilibre du cheval; de développer et d’améliorer la capacité du cheval à prendre plus de poids avec les postérieurs; d’obtenir l’allègement de la mobilité de l’avant-main par l’abaissement des hanches et l’engagement des postérieurs; d’accroître la mobilité du cheval de façon à le rendre plus agréable à monter car plus léger dans son avant-main et plus libre dans ses épaules”.



VERS LE PAS MOYEN ET ALLONGÉ

Au pas rassemblé, l’encolure est relevée et arrondie, la nuque étant le point le plus haut, le chanfrein s’approchant de la verticale. Le contact est stable et moelleux. Au pas moyen, l’encolure s’étend discrètement vers le bas et vers l’avant et l’angle tête/encolure s’ouvre légèrement. Les foulées s’allongent modérément. La vraie différence se fait avec le pas allongé, où liberté d’épaules et couverture de terrain augmentent très nettement. Le cheval gagne en amplitude sans précipiter. On dit qu’il se méjuge s’il pose les postérieurs en avant des empreintes laissées au sol par les antérieurs. L’encolure s’étend considérablement, le cheval suit le mors sans jamais perdre le contact. La distinction doit être clairement faite avec le pas dit “libre”, où le cheval évolue librement rênes longues. Au travail!

Cet article est paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX.