Jumpy de Kreisker, la bien nommée à la bondissante descendance
Née le 5 mars 1997 chez la famille Ansquer, à Plozevet dans le Finistère, Jumpy de Kreisker est une fille de Quito de Baussy et Betty de Kreisker par Muguet du Manoir. Autant dire qu’elle fut bien nommée, puisque la Selle Français savait déjà “déjà tout faire” avant même ses six ans. Après… et avant de se consacrer à la reproduction, la fantastique alezane a concouru jusqu’en CSI 4*, obtenant un ISO 164, tout comme Quito de Kerglenn, son meilleur fils. Aujourd’hui, ses filles, à commencer par les toutes bonnes Qaresse de Kreisker (ISO 145) et Shana de Kerglenn (ISO 153), ont pris le relais à l’élevage.
Notre galerie de portraits intitulée “Trésors de championnes” s’intéresse aujourd’hui à Jumpy de Kreisker. Pour rappel, GRANDPRIX s’est appuyé sur une sélection de juments nées après 1995, ayant obtenu d’excellents résultats sportifs, matérialisés par l’obtention d’un indice de performances supérieur à 160, et ayant engendré au moins deux produits eux-mêmes indicés à 140 et plus. Née le 5 mars 1997 à l’élevage de Kreisker, installé à Plozevet, dans le sud-ouest du Finistère, Jumpy de Kreisker est une fille de Quito de Baussy, le premier crack d’Éric Navet, double médaillé d’or des Jeux équestres mondiaux de Stockholm en 1990, puis sacré champion d’Europe individuel en 1991 à La Baule, médaillé de bronze par équipes aux Jeux olympiques de Barcelone en 1992 et aux Européens de Gijón en 1993 et enfin d’argent par équipes aux Mondiaux de La Haye en 1994! Betty de Kreisker, mère de Jumpy, est issue du croisement de Muguet du Manoir et Danaé (SF, Starter x Fra Diavolo, Ps).
“Jumpy provient de l’une des meilleures souches d’Europe”, rappelle à raison Guillaume, fils de Marie-Antoinette Ansquer, la naisseuse de Jumpy, “qui nous a donné notre étalon olympique Quickly de Kreisker (ISO 183, SF, Diamant de Semilly x Laudanum, Ps, très grand gagnant en CSI 5* avec le Marocain Abdelkebir Ouaddar, ndlr), ainsi que les propres frères Kirfa (ISO 171 avec le Néerlandais Henk van de Pol, SF, Papillon Rouge x Muguet du Manoir)et Once de Kreisker (ISO 171 avec le Belge Philippe Le Jeune). Elle produit beaucoup de gagnants à 1,40m et plus et des chevaux taillés pour la compétition, même s’ils ne sont pas dotés des plus beaux modèles. C’est une vieille souche (remontant à Son Altesse et développée notamment par Michel Lebourgeois via Magali, mère de Danaé, puis l’élevage de Thurin via Kavala, sœur de Magali, ndlr) et dont sont issus de nombreux gagnants, dont Ratina d’la Rousserie (ISO 168 avec Pénélope Leprevost, SF, Quincy x Apache d’Adriers) et son propre frère Viking (ISO 170 avec Kevin Staut, SF)”, mais aussi les étalons SF Leprince de Thurin (Uriel x Rantzau, Ps), Hurlevent de Brekka (Quidam de Revel x Quat’Sous), Guépard de Brekka (ISO 165, Papillon Rouge x Quat’Sous), Hastings (ISO 172, Laudanum, Ps x Quastor), grand gagnant avec Bruno Rocuet, Labrador de Brekka (ISO 172, Olisco x Paladin des Ifs), excellent avec Julien Épaillard, Javelot d’Helby (ISO 173, Vas y Donc Longane x Laudanum, Ps), très performant avec Florian Angot, et First de Launay (ISO 189, Laudanum, Ps x Quastor), olympique avec le même Florian Angot, ou encore les performeurs SF Nokia de Brekka (ISO 176, Quick Star x Apache d’Adriers), fort bien valorisé par Michel Hécart, Ionesco de Brekka (ISO 171, Dollar du Mûrier x Quat’Sous), excellent avec Olivier Guillon, Saura de Fondcombe (ISO 168, SF, Balou du Rouet x Paladin des Ifs), brillante avec la Suissesse Nadja Peter Steiner et le Canadien Éric Lamaze, ou encore Valdocco des Caps (ISO 168, SF, Number One d’Iso x Quidam de Revel), très prometteur en équipe de France avec Guillaume Foutrier, avant de poursuivre sa carrière avec l’Irlandais Cian O’Connor et l’Espagnol Sergio Álvarez Moya.
À dix-huit mois, la jument est vendue à Alain Richard, fondateur l’élevage de Kerglenn, implanté à Plougonvelin, à vingt kilomètres à l’ouest de Brest, tout près de la fameuse pointe Saint-Mathieu. Après avoir débuté avec des poneys Connemara, ce Breton s’est peu à peu réorienté vers le Selle Français. “J’ai fouillé partout à la recherche d’une bonne jument”, se souvient-il. “À cette époque, Ronan, mon fils ainé, était en stage chez Hubert et Bertrand Pignolet, au haras d’Elle, afin d’apprendre auprès des meilleurs. Nous nous sommes alors rendus dans les plus fameux élevages de Normandie, mais n’avons pas trouvé notre bonheur. Puis, j’ai découvert Jumpy à l’occasion d’un concours de poulinières suitées. Pouliche, elle se déplaçait de manière incroyable, elle ne touchait pas le sol tant elle se propulsait fort.”
Une grande dame au mental d’acier
Jumpy de Kreisker débute sur le Cycle classique à cinq ans avec Jean Le Monze, cavalier breton installé à Vitré, en Ille-et-Vilaine. Après quelques parcours, il conseille à l’éleveur de la reprendre pour la faire reproduire par transferts d’embryons, lui assurant qu’elle savait “déjà tout faire”. L’alezane reprend les concours à six ans avec un grand succès, se classant troisième du Critérium à la Grande Semaine de Fontainebleau. La saison suivante, le couple termine quatrième du championnat de France de Deuxième Catégorie avant de gagner la finale nationale des chevaux de sept ans au Grand Parquet, à la grande joie de Guillaume Ansquer “Cette victoire est celle qui nous a rendus les plus fiers. Sa fille, Shana de Kerglenn, l’a d’ailleurs imitée neuf ans plus tard. Après Fakir, Jumpy a été notre deuxième cheval à concourir en CSI 2 et 3*, ce qui procure toujours beaucoup d’émotions. Nous sommes très fiers et contents de voir nos chevaux briller à ces hauteurs-là. Et puis, c’est une publicité non négligeable pour notre élevage.”
Alors que la crack a déjà engendré huit poulains, les Richard la vendent à Charlène Homond, une cavalière francilienne. “La première fois que je l’ai vue, elle avait six ans. À l’époque, j’allais souvent travailler chez Jean Le Monze avec mes chevaux. Elle m’a tapé dans l’œil, comme à beaucoup de cavaliers (rires). Pour l’anecdote, nous l’avons achetée juste avant son sans-faute en seconde manche de la finale des sept ans.”
Le nouveau couple évolue jusqu’en CSI 3* et même 4*, avec une participation au Grand Prix de Chantilly en 2008.“Au début, certains ne comprenaient pas pourquoi j’avais acheté Jumpy. Et ensuite, ils se demandaient pourquoi je ne l’avais pas gardée. Or, il fallait bien que je rembourse les investissements liés aux transferts”, explique Alain Richard. “Mon plus beau souvenir restera notre troisième place dans le Grand Prix Pro Élite de Vannes, en 2008”, raconte Charlène Homond. “C’était sur ses terres, avec son public breton qui l’aime. C’était très émouvant. L’année précédente à Vannes, nous avions déjà fini sixièmes du Grand Prix Pro 1. Cette épreuve indoor était toujours difficile mais elle était très à l’aise à l’intérieur malgré son gabarit (Jumpy toisait entre 1,75 et 1,78m selon son ancienne cavalière, ndlr). Elle était réactive et généreuse sur chaque saut. C’était une partenaire exceptionnelle, avec un mental d’acier.”
Son naisseur et son ancienne cavalière restent tous deux marqués par la générosité de Jumpy. “Elle était généreuse et se donnait à 100% pour son cavalier. Rien ne l’arrêtait en piste” se remémore Charlène, qui a dû composer avec son caractère particulier. “Elle était pleine de qualités, douée d’une sensibilité à fleur de peau. Entrer en piste était presque un soulagement car elle était très compliquée à gérer à pied. Avec ma groom de l’époque, nous passions beaucoup de temps avec Jumpy, car elle était très spéciale. Elle avait peur de tout. Nous ne pouvions jamais l’attacher ni dans le camion, ni pour la soigner, ni pour la douche. Elle cassait tout et était très précieuse, c’était son gros défaut. Au paddock, elle était terrorisée par les autres chevaux. Elle pouvait se jeter contre les lisses de peur, c’était la reine des situations improbables. Parfois, je ne pouvais sauter que trois ou quatre fois pour essayer de garder sa confiance. Après cela, je me disais: ‘Ouf, le paddock, c’est fini’ (rires)”, raconte-t-elle, un sourire dans la voix.
La carrière de Jumpy s’achève en 2009. “Je pense qu’elle aurait pu réussir une très belle carrière et sauter de plus grosses épreuves si elle ne s’était pas blessée”, se désole Charlène Homond, qui l’aimait profondément. Jumpy s’en remet fort heureusement, mais doit se consacrer à l’élevage.
Des Diamant comme s’il en pleuvait
En 2001, Alain Richard tente trois premiers transferts d’embryons avec Jumpy de Kreisker: un avec Parco et deux avec Diamant de Semilly. Au printemps suivant naît Olympe de Kerglenn, une première fille de Diamant, labellisée Excellente à quatre ans à Fontainebleau et créditée d’un ISO 125 avec Ronan Richard, puis mère notamment de Rafale de Kerglenn (ISO 139, SF, Dollar dela Pierre) et To Jump de Kerglenn (ISO 148, SF, Cassini II), huitième du championnat des cinq ans avec Guillaume Batillat. À noter que Rafale est déjà la grand-mère de l’étalon Champagne d’Ar Cus (IPO 164, PFS, Machno Carwyn x Quidam de Revel), très bon l’an passé sous la selle de Romane Orhant.
Après un transfert échoué en 2002, Jumpy engendre cinq produits de Diamant en 2004 pour les élevages de Kerglenn et Kreisker. Le meilleur est sans aucun doute Quito de Kerglenn (ISO 164), très régulièrement classé à 1,45m et 1,50m et vainqueur d’un Grand Prix CSI 2* à Dinard en 2014 avec Gilbert Doerr. Pour sa part, Quindy de Kreisker, mère d’Eicha de Kreisker (ISO 139, SF, Conrad) parmi vingt et un poulains, produit pour Guillaume Ansquer et Xavier Marie, du haras de Hus. Quant à Quenza de Kerglenn, elle a surtout donné Unna de Kerglenn (ISO 155, SF, Cap Kennedy), classée à 1,50m avec Kevin Staut après avoir engendré plusieurs poulains dans le Finistère, dont Dorna de Kerglenn (ISO 139, SF, Mylord Carthago).
Sacrée championne des cinq ans en 2009 avec Erwan André, Quandice de Kerglenn (ISO 136, SF) est la mère de talentueux chevaux dont Urcos de Kerglenn*HDC (ISO 164, SF, Toulon). Dès ses trois ans, ce bai a été confié à l’écurie Rocuet. “Au débourrage, je savais très bien que je ne serais pas capable de l’exploiter correctement”, reconnaît Ronan. “Je l’ai amené chez Bruno pour le lui montrer. On lui a fait sauter une barre en liberté et il ne l’a pas laissé repartir”, se rappelle Alain. “J’ai été frappé par sa grande qualité”, corrobore le marchand établi dans les Côtes-d’Armor. “Il foulait le sol d’une manière rare et montrait une technique et une vitesse d’exécution impressionnantes. Il était très félin physiquement et
mentalement, délicat à monter et très peureux. De fait, nous avons eu beaucoup de difficultés à le comprendre. Au début, je l’ai confié à Régis Bouguennec. Il n’était pas très performant: il n’allait pas au bout de ses championnats, où il réussissait généralement deux sans-faute sur trois. Ensuite, il a été monté par Valentin Besnard avec lequel j’ai pris beaucoup de temps afin de reprendre le contrôle sur l’excès de caractère du cheval. À partir de là, le couple a commencé à aligner les très bons parcours. En 2016 à Saint-Lô, il a signé un double sans-faute dans un Grand Prix CSI 2*. Une semaine plus tard, Patrice Delaveau est venu l’essayer à la maison avant un deuxième essai au haras des Coudrettes, qui l’a acheté.” Après deux années de maturation, marquées par une victoire dans le Grand Prix CSI 3* du Normandie Horse Show de Saint-Lô en 2017, le couple s’est classé dixième du Grand Prix CSI 5* du Longines Masters de Hong Kong puis troisième du Grand Prix CSI 4* de Valence en 2019 parmi de nombreux autres succès. Enfin, Qaresse de Kreisker (ISO 145, SF), fort bien valorisée par Jean Le Monze, a surtout fait souche au Hus.
Après Reine de Kerglenn (ISO 125, SF, Parco), elle-même mère d’Absolut de Lacke (ISO 149, Diamant de Semilly), prometteur sous la selle de Laurent Goffinet, en 2006, Jumpy de Kreisker voit venir au monde une nouvelle héritière de talent, la jolie Shana de Kerglenn, issue elle aussi de Diamant. Formée par Ronan Richard à quatre, cinq et six ans, elle signe un début de carrière très prometteur. “Elle s’est classée cinquième du championnat des cinq ans, puis je suis passé à côté de la finale des six ans. L’année suivante, je me suis cassé la clavicule et nous avons décidé de la confier à Jean Le Monze. Ensemble, ils ont gagné le Critérium des sept ans à Fontainebleau.” De fait, Jean Le Monze a pris beaucoup de plaisir à monter la baie. “À sept ans, elle a gagné pas mal d’épreuves. Elle avait littéralement dominé la saison avant de gagner la finale des sept ans. Elle était plus facile que Jumpy et c’était une super jument de concours.” Ayant déjà donné quatorze poulains à l’élevage de Kerglenn, elle est alors vendue à Philippe Léoni, qui la monte jusqu’en CSI 4*.
Digne héritière de Jumpy, elle a notamment donné la délicate Vent du Sud Kerglenn (ISO 147, Crusador), excellente sous la selle de Mathieu Billot, Vasco de Kerglenn (ISO 143, Cassini II), l’étalon Dexter de Kerglenn (ISO 141, SF, Mylord Carthago) et Dana de Kerglenn (ISO 142, Mylord Carthago), sacrée