Kevin Staut, Thierry Pomel et Morgan Barbançon-Mestre réagissent à l’annulation des finales des Coupes du monde
La Fédération équestre internationale a annoncé vendredi repousser de deux semaines, au 11 avril, la reprise des compétitions internationales en Europe. Cette décision a entraîné l’annulation des finales des Coupes du monde de saut d’obstacles et de dressage, prévues début avril à Göteborg. Le champion olympique par équipes Kevin Staut, qui aurait dû être voyage en Suède, Thierry Pomel, chef d’équipe des Vestes Bleues en saut d’obstacles, et Morgan Barbançon-Mestre, meilleure dresseuse tricolore au classement mondial et qualifiée pour la finale, ont évoqué cette annulation, ce que leur inspire cette double crise sanitaire, humaine et équine, ainsi que les semaines à venir.
“Nous sommes tous dans le même bateau”, Kevin Staut
Comment avez-vous accueilli l’annonce de l’annulation des finales des Coupes du monde?
Comme pour tout le monde, je pense qu’il s’agit d’une déception. Nous commencions à entrevoir un retour à un rythme plus habituel de concours de haut niveau avec Doha, Bois-le-Duc et ces finales de Coupe du monde. C’est pénible, embêtant, à titre personnel mais aussi pour la filière car les difficultés s’accumulent. On ne sait pas dans combien de temps un retour au programme initial sera possible.
Était-ce attendu ou vous prépariez-vous à partir en Suède?
Lorsqu’il y a eu les premiers cas de rhinopneumonie et la suspension des concours jusqu’à fin mars, nous savions que le fait de reprendre directement sur une finale de Coupe du monde serait délicat. C’est dommage et je suis embêté pour les organisateurs et pour ce que représente ce rendez-vous qui est annulé pour la deuxième année consécutive. Il était compliqué pour les organisateurs de maintenir une finale alors qu’il n’y avait pas eu d’étape qualificative en Europe. Le comité organisateur était vraiment très motivé malgré toutes les restrictions vis-à-vis de la Covid-19. Normalement, le concours de Göteborg fonctionne en grande partie avec les tickets achetés par les spectateurs. Ils avaient envie de l’organiser malgré tout et il est triste que l’événement ait dû être annulé. La santé des chevaux est la priorité, il faut désormais essayer de réguler ce virus pour que nous puissions reprendre la compétition en sécurité.
Comment envisagez-vous les prochaines semaines?
Concernant les prochaines semaines, je vais faire des cercles dans ma carrière, comme l’an passé (rires). Je vais continuer à entretenir le moral et le physique des chevaux en espérant que la date de réouverture du 11 avril pourra être tenue. Il faut désormais savoir si les concours qui étaient prévus de mi-avril à fin avril vont pouvoir être maintenus ou s’ils craignent un nouveau report de cette date de réouverture des concours.
Comment se portent vos chevaux?
Mes chevaux se portent bien. J’ai aussi entendu qu’un cheval français rentré de Doha avait été testé positif mais je ne sais pas duquel il s’agit. La seule chose que je sais est qu’il ne s’agit ni de Visconti ni de Tolède, qui ont été mises en quarantaine dès qu’elles sont arrivées. Elles ont été soumises au protocole et ont été testées le premier jour où elles sont rentrées aux écuries. Toutes deux étaient négatives et nous referons les tests quatorze puis vingt et un jours après leur arrivée. Nous surveillons leur température et une éventuelle apparition de symptômes alarmants.
Que vous inspire cette double épidémie humaine et équine?
Concernant la pandémie humaine de Covid-19, nous sommes un peu tributaires des informations que l’on veut bien nous donner avec cette politique du vaccin et l’économie qui tourne autour. Nous sommes davantage spectateurs qu’acteurs de la situation. Pour ce qui est de l’épidémie de rhinopneumonie, nous sommes touchés de près, à travers des cavaliers français ou étrangers qui étaient à Valence. Nous sommes tous dans le même bateau. Les images sont dramatiques et la gestion paraît extrêmement difficile entre l’organisation du concours et les autorités espagnoles. Des chevaux ont semble-t-il circulé un peu partout. Il y a des cas concrets et on voit des choses horribles.
“Même si j’éprouve un certain stress face à tout cela, il faut rester calme”, Thierry Pomel
Quelle est votre sentiment à l’annonce de l’annulation de la finale de la Coupe du monde Longines de saut d’obstacles, alors que deux Français, Julien Épaillard et Kevin Staut, auraient dû y participer?
C’est la deuxième année que cette finale est malheureusement annulée, compte tenu de la situation sanitaire dans le monde. L’année dernière, c’était à cause de la Covid-19, et cette année, à nouveau en partie mais surtout principalement à cause de l’épizootie de rhinopneumonie équine. C’est très regrettable et on vit une période noire qui empêche les cavaliers de pratiquer leur sport. La décision prise par la FEI, suivie par la Fédération française d’équitation (et la SHF, ndlr), est évidemment la bonne. Arrêter les mouvements de chevaux qui se déplacent pour aller en concours est la meilleure solution pour enrayer cette épidémie. C’est le bon sens avant tout. Il n’y a pas eu de vainqueur de la Coupe du monde en 2020, il n’y en aura pas non plus en 2021, les cavaliers et les chevaux vieillissent et voient passer ces années-là. C’est dommage mais on ne peut pas faire autrement, alors il faut l’accepter.
Un cheval de retour de Doha a été testé positif à la rhinopneumonie équine en France. De quel cheval s’agit-il et comment tout cela est-il géré? D’autres chevaux sont-ils potentiellement touchés?
Ce n’est pas à moi de communiquer là-dessus et la situation est évidemment très bien gérée. Les cas se déclenchent jusqu’à quinze à vingt jours après la contamination. Comme les chevaux sont rentrés de Doha ou d’Espagne il y a une quinzaine de jours, on peut encore avoir des cas. Des écuries le déclarent ouvertement, d’autres non. Elles le gèrent en interne et n’en parlent pas du tout. Est-ce par honte ou pas, je ne peux pas l’expliquer, comme les gens qui cachent qu’ils sont positifs à la Covid-19, cela ne rend service à personne. En tout cas, à partir du moment où la circulation des chevaux est arrêtée, on enraye l’épidémie. La deuxième chose est qu’à notre connaissance, tous les chevaux qui sont rentrés d’Espagne – je ne parle pas de Valence, qui est presqu’un cas à part –, en tout cas d’Oliva, de Vejer de la Frontera et du Qatar ont été mis en quarantaine dans leurs écuries respectives. Toutes les précautions ont été prises pour minimiser les risques de contamination.
Êtes-vous optimiste pour la suite de la saison, alors que nous vivons actuellement une double crise sanitaire, à la fois humaine et équine?
On va de toute façon en sortir. En ce qui me concerne, je prône l’optimisme. Concernant le coronavirus, plus il y a de vaccinations, plus vite nous sortirons de cette crise sanitaire. Quant aux chevaux, ce qui est fait par la FEI et les fédérations nationales va stopper l’épidémie. Nous devrions finir par sortir de tout cela, et je le souhaite de tout cœur à tous, pour la santé des humains comme des chevaux.
Dans quel état d’esprit sont les cavaliers de l’équipe de France face à tout cela?
Ceux concernés par les échéances importantes sont rentrés chez eux et continuent à faire travailler leurs chevaux. Ils restent prêts et sont tous très mobilisés. J’échange de manière régulière avec eux. Ils ont leur système et leur organisation et n’ont pas besoin qu’on les fasse travailler. La compétition déplace le curseur de préparation et de compétitivité, et ce n’est que partie remise. À partir du 12 avril, il y aura de nouveau des concours, pour préparer les championnats de France (qui devraient avoir lieu au haras de Jardy, à Marnes-la-Coquette, du 22 au 25 avril, ndlr) et les grandes échéances qui viendront ensuite.
Comment allez-vous préparer les premiers grands rendez-vous par équipes, et notamment le CSIO 5* de La Baule, du 13 au 16 mai prochain?
Pour l’instant, il n’y a pas de grosse catastrophe dans le sens où tous les chevaux présélectionnés pour les grandes compétitions, Jeux olympiques et championnats d’Europe, ont démarré leur saison. Il n’y a pas d’énorme retard. Nous vivons actuellement un coup d’arrêt, mais les chevaux restent au travail. Le programme risque de bouger pour certains CSIO. Des discussions sont en cours à ce sujet. Quant à la préparation pour La Baule, nous serons dans les temps. Il faut se dire que tout le monde est logé à la même enseigne. Nous serons donc sur un pied d’égalité avec les autres nations.
Le sport continue tout de même à Wellington, avec de nombreux cavaliers européens. Ces derniers ne seront-ils pas avantagé par rapport à ceux restés en Europe?
C’est vrai, mais tous ne feront pas partie d’une équipe. Bien sûr, il y aura une forte équipe irlandaise à La Baule. L’Allemagne le sera certainement aussi. Nous verrons aussi par rapport à la santé des chevaux, et si ce sont les mêmes, ce qui ne sera pas forcément le cas. Il faut laisser venir les choses tranquillement. Même si j’éprouve un certain stress face à tout cela, il faut rester calme. Pas d’affolement, nous sommes encore en début de saison. Ces événements nous tombent sur la tête, il faut les gérer calmement, faire son travail. Les chevaux sont en forme, la préparation se fait progressivement par rapport aux échéances à venir. Je souhaite évidemment que nous sortions de tout cela le plus rapidement possible, en bonne santé, tant les cavaliers, leur entourage, que les chevaux.
“La santé de nos chevaux passe avant tout”, Morgan Barbançon-Mestre
Quel est votre sentiment à la suite de cette annonce, alors que votre participation avait été officialisée la veille?
C’est un coup dur. Il s’agit de la deuxième finale pour laquelle j’étais qualifiée qui se retrouve annulée. J’aurais préféré qu’elle puisse être reportée de deux semaines, mais je sais que c’est difficile pour les organisateurs, sachant que le Scandinavium n’est pas dédié à l’équitation en temps normal (il accueille notamment les matches de l’équipe locale de hockey sur glace, ndlr). Ce n’est pas comme si c’était un concours dans un centre équestre. La Covid-19 n’est pas tant le problème, car cela commence, entre guillemets, à être sous contrôle, mais plutôt l’épizootie de rhinopneumonie qui sévit actuellement. C’est compréhensible car la situation fait peur! Il faut faire passer la santé de nos chevaux avant tout. C’est une drôle d’année qui vient de s’écouler et on rentre dans une deuxième saison compliquée.
Vous aviez connu de beaux succès cette saison sur le circuit, avec notamment deux victoires à Budapest…
Pendant le confinement en 2020, nous avions vraiment pu reprendre les bases, chose qui est parfois difficile à faire en temps normal. Sir Donnerhall II a énormément progressé, ce qui s’est ressenti sur nos notes cette année. Nous avons déjà dépassé les 73% par deux fois en Grands Prix, nous confirmons cela. À Doha, nous avons fini au-dessus de cette note avec quelques petites fautes, donc je suis très satisfaite. Je trouve dommage de devoir rester à la maison alors qu’il a tant mûri et progressé... Sachant qu’il a quinze ans, il ne reste pas cinq saisons de concours devant nous. Sportivement, pour le moral, c’est un peu difficile.
Êtes-vous optimiste pour la suite de la saison, alors que nous vivons actuellement une double crise sanitaire?
Honnêtement, je ne sais pas. La FEI nous a donné une date de reprise au 11 avril, mais j’ai peur que que ce soit encore repoussé d’une semaine, puis encore d’une semaine, etc. C’est difficile de planifier les concours et la suite de la saison, entre ce qui va avoir lieu et ce qui va être annulé. J’espère également que les Jeux olympiques de Tokyo vont être maintenus. Je participerai aux concours qui se tiendront. Mes jeunes chevaux, Habana (Libre A, ndlr) et Deodoro, sont prêts. Ce n’est pas simple en ce moment, moralement et pour la motivation.
Comment se dessine votre quotidien pour les prochaines semaines, notamment en termes de coaching?
En général, je me déplace voir mes élèves. J’ai donc décidé d’aller dans une seule autre écurie que la mienne par jour. J’ai la chance d’avoir pas mal d’élèves regroupés dans les mêmes écuries. Je continue également à voir des élèves à l’étranger. Je prends à chaque fois toutes les précautions: je désinfecte mes vêtements, je n’utilise pas les mêmes chaussures, je désinfecte tout de nouveau en rentrant. Je me suis arrangée pour monter mes chevaux le matin, puis je vais dans une autre écurie en fin d’après-midi ou en soirée. J’essaie de faire attention au maximum. Je souhaite à tout le monde beaucoup de courage dans cette période qui n’est pas facile, et que tous fassent attention. Si l’on se serre les coudes et que l’on fait les choses correctement, je pense que nous nous en sortirons assez rapidement.