“La période n’est pas évidente à vivre”, Guillaume Foutrier
Comme tous les cavaliers, Guillaume Foutrier a été contraint de rester dans ses écuries en raison de l’épizootie de rhinopneumonie équine. Disposant d’un piquet de chevaux pleins de potentiel, le cavalier de quarante-quatre ans a bon espoir de pouvoir reprendre la compétition à partir du 12 avril. Celui dont les installations sont situées à Orchies, dans le Nord, à mi-chemin entre Lille et Valenciennes, a pris le temps d’évoquer ses différentes montures, dont son cheval de tête Ensing et Clin d’Œil du Paradis, qui devrait participer au Master Pro de Jardy, son fonctionnement avec les jeunes chevaux, ses objectifs cette saison et la suite de la carrière de Valdocco des Caps, qui lui avait permis d’intégrer l’équipe de France et qu’il a vendu en 2019. Entretien.
Comment allez-vous, alors que les conditions d’exercice de votre métier de cavalier sont actuellement compliquées, entre la pandémie de Covid-19 et l’épizootie de rhinopneumonie équine?
Tout va bien, mes chevaux sont en forme. Nous faisons partie des métiers privilégiés, même si nous sommes freinés en termes de compétitions par le contexte actuel. Nous ne sommes pas les plus à plaindre. Nous nous adaptons et en profitons pour continuer à travailler et à faire progresser les plus jeunes. Il est vrai que la période n’est pas évidente à vivre. J’avais entendu parler de cas en Belgique en janvier mais le plus gros de la crise a été de gérer tout ce qui était lié au foyer de Valence, en Espagne. Nous étions habitués à avoir quelques cas mais pas sous cette forme-là, c’est la première fois où c’est aussi virulent. J’ai l’impression que tout cela commence à se réguler grâce aux mesures qui ont été prises. Nous avons bon espoir de reprendre les compétitions le week-end du 15 avril comme prévu.
Votre dernier concours remonte au CSI 2* de Gorla Minore, fin février en Italie…
J’ai eu la chance de ne pas me retrouver en Espagne, et surtout à Valence, car lorsqu’on est dedans, il n’y a plus d’échappatoire. De plus, ce n’est pas quelque chose que l’on peut anticiper. C’est un concours de circonstances. Dès que nous avons su que des mesures drastiques avaient été prises, nous ne nous rendions pas forcément bien compte de la situation comme nous étions éloignés de Valence. Mais vu l’ampleur de ces mesures, nous avons pris la décision de ne prendre aucun risque et de rentrer immédiatement après une semaine seulement sur place, en croisant les doigts, car personne n’est à l’abri. La majeure partie de mes chevaux était vaccinée, et nous avons fait un rappel en mettant en place un protocole spécifique de vaccination, même si cela n’évite pas la maladie.
Quel est l’objectif de votre saison 2021?
J’ai pas mal de chevaux de huit et neuf ans. Leur remise en route va être un petit peu décalée mais ce n’est pas très gênant. Ils ont du potentiel et besoin de murir au niveau 2, 3 et 4*, ce qui est l’objectif de cette année.
Même avec votre cheval de tête Ensing (KWPN, Labor's VDL Indorado x Corland), les championnats d’Europe ne sont donc pas un objectif?
Non, il a beaucoup de qualités, de moyens et d’envergure mais aujourd’hui, en termes d’expérience, de maturité et de performances, je ne suis pas dans le coup. Après, je place beaucoup d’espoirs dans mes chevaux actuels. Nous avons remis en place une dynamique d’achat et de formations de jeunes chevaux pour essayer de prendre part à nouveau à ces concours-là. Il faut le temps que tout se construise. La période actuelle est propice à cela d’une certaine façon, nous nous l’étions dit déjà l’an passé avec la période Covid. Valdocco des Caps (SF, Number One d’Iso x Quidam de Revel) a été vendu en 2019 et c’est finalement arrivé au bon moment. Aujourd’hui, c’est compliqué d’avoir un cheval prêt à faire des CSI 5* et de gagner sa vie grâce aux gains, ce sont ces écuries les plus impactées. Les concours au programme aujourd’hui sont pour beaucoup les circuits de formation et les CSI 2* et 3*. Les chevaux en fin de carrière, qui ont de l’expérience et de la maturité, sont les plus touchés par cette situation.
Quel est le parcours d’Ensing et que lui reste-t-il à apprendre pour être un excellent cheval de tête?
Il est taillé pour les concours et cherche toujours à faire plaisir à son cavalier. Il a un assez grand modèle, donc il n’est pas le plus rapide. Il a réalisé de nombreux parcours sans faute, et c’est un cheval important dans mon piquet. Je suis très content de pouvoir compter sur lui. C’est difficile de dire s’il a le potentiel de participer à des Coupes des nations, même si je sais qu’il a déjà un peu d’âge (douze ans, ndlr). Je l’ai eu un peu tard et il a encore une marge de progression. Comme il y a eu moins de concours, cela a été plus compliqué pour moi d’accéder aux CSI 4*. On a assisté, avec le circuit du Longines Global Champions Tour et des Coupes des nations, a une multiplication des CSI 5*, ce qui permettaient l’ouverture de quelques places certains week-ends. En ce moment, c’est l’effet inverse qui se produit. Nous avons eu la chance d’avoir de nombreux concours en France, à Grimaud, ce qui nous a permis en tant que cavaliers français d’avoir plus de places, une quinzaine, pour y accéder. Sur les CSI étrangers, il y a parfois seulement trois places.
“De nouveaux investisseurs nous ont rejoint”
Qu’en est-il de Fairness Hero (Z, Flipper d’Elle*HN x Calvaro Z), qui a également douze ans?
Elle est actuellement très compétitive. Elle a fait quelques transferts d’embryons et est retournée à l’élevage, qu’elle alterne avec le sport. Je vais certainement la retrouver l’année prochaine. En 2020, elle a gagné les Grands Prix CSI 2* de Fontainebleau et de Kronenberg coup sur coup. C’est une jument très respectueuse, il faut lui donner le temps de prendre confiance et elle pourra sans difficulté concourir au niveau supérieur.
Vous disposez également de Diane de Lannay (SF, Diamant de Semilly x Totoche du Banney), huit ans, Cleverboy (SF, Lindberg des Hayettes x Le Tot de Semilly) neuf ans, et Sex Appeal 111 (Z, Spartacus x Heartbreaker), dix ans, dans vos écuries. Que pouvez-vous en dire?
Diane de Lannay a du potentiel. Elle a besoin de murir un peu mais j’ai bon espoir pour la suite. Elle a huit ans, un âge auquel on peut commencer les épreuves à 1,45m qui comptent pour le classement mondial. C’est à partir de là que tout commence réellement. Cleverboy est encore à construire. Il est destiné au commerce. De son côté, Sex Appeal 111 Z est un bon cheval, qui a commencé à être compétitif sur 1,45m. Je l’ai découvert seulement l’année dernière. Il est très agréable et j’ai envie de plus concourir avec lui, donc j’attends la reprise pour cela. Il commence à avoir assez de maturité et l’objectif est que tout s’enclenche avec lui cette année.
Quid de Clin d’Œil du Paradis (SF, Stakkato x C Indoctro), âgé de neuf ans?
C’est un cheval avec beaucoup d’envergure, très respectueux. Je place beaucoup d’espoirs en lui. Il a toujours été un peu préservé et manque un peu de maturité. Il a du tempérament et est un peu impétueux quand on le remet en route en début d’année. Il faut lui laisser le temps de prendre du métier. C’est un grand cheval qui doit encore apprendre à s’organiser dans sa locomotion et engranger l’expérience nécessaire. Il a beaucoup de potentiel. Il appartient toujours en partie à son naisseur (Christophe Decret, ndlr) et j’en suis copropriétaire à cinquante pourcents. L’objectif est de l’emmener le plus loin possible.
Enfin, que pensez-vous de Vitalia d'Ash (SF, Cicero Z x Où Vas Tu III), douze ans, et Corneska de la Falize (Z, Cornet Obolensky x President), huit ans?
La propriétaire de Vitalia d'Ash est une amie et la jument n’est actuellement plus dans mes écuries. Je l’avais remonté un peu en début d’année dernière. Elle a du potentiel et alterne entre le sport et l’élevage. Il n’y a rien de précis prévu avec elle pour l’instant.
Nous avons de nouveaux investisseurs qui nous ont rejoint donc nous avons acheté Corneska de la Falize Z à plusieurs. Elle a le bon âge et j’ai beaucoup aimé son envergure. Nous fondons beaucoup d’espoirs en elle. Nous l’avons acquise le mercredi avant de partir à Gorla Minore, et elle s’est classée la semaine suivante dans l’épreuve à 1,45m. Nous sommes contents de son comportement, c’est prometteur.
Disposez-vous également de jeunes chevaux pour évoluer en Cycles classiques?
Nous avons beaucoup de chevaux qui ont huit ou neuf ans cette année. Nous avons également réinvesti cet hiver dans des jeunes de cinq et six ans, en plus de ceux qui étaient déjà présents dans mes écuries. Pour les former, j’ai tendance à alterner entre le circuit SHF et les CSI, avec une tournée soit en début, soit en fin d’année. Cette saison, je verrai en fonction des opportunités qui se présenteront. Je trouve ces deux circuits très bien, la gestion des chevaux et de l’emploi du temps permet de basculer vers l’un ou l’autre. J’essaie de les amener à sept ou huit ans en les ayant fait murir gentiment, sans forcément avoir fait des saisons trop complètes. J’aime bien les avoir au travail à la maison, pour leur donner de l’expérience et les mécaniser, sans participer à énormément de concours. J’essaie d’adapter le travail à chaque âge. L’année dernière par exemple, Pornic de Bornival (Z, Peppermill x Flipper d’Elle*HN) avait seulement participé à la tournée d’Oliva en début d’année, où elle avait gagné les deux Grands Prix dédiés aux cinq ans, donc pour moi elle avait un assez bon niveau. Ils peuvent être performants sans énormément concourir, et acquérir le niveau de compétences qui correspond à leur âge. Quand j’estime que c’est le cas, je ne continue pas forcément et je m’adapte en fonction d’eux. Certains ont la maturité de débuter tôt dans l’année, d’autres ont besoin de plus de temps.
Savez-vous où et quand vous allez reprendre la compétition?
Dans l’idée, j’aimerais redémarrer à Bonheiden (où un CSI 2* est prévu du 15 au 18 avril, ndlr) puis enchaîner avec le Master Pro de Jardy, où j’emmènerai Clin d’Œil pour le championnat de France Pro Élite. Je verrai ensuite comment tout va se réorganiser.
“Voir Valdocco des Caps en grand championnat serait une satisfaction”
Comment s’est passée votre saison de commerce en 2020? Avez-vous des attentes particulières pour cette année?
Je pense qu’il y a un gros contrecoup pour les chevaux de haut niveau. Les gens anticipent la reprise et investissent dans des chevaux à construire, avec du potentiel, âgé de six à huit ans. Dans cette tranche d’âge, le commerce se maintient. De notre côté, nous ne sommes pas à plaindre et avons vendu les chevaux que nous avions à vendre. Je suis toujours d’un naturel optimiste, je pense qu’il y aura toujours des opportunités pour vendre les bons chevaux. Nous allons bien les sélectionner et allons essayer de ne pas être pris par le temps, pour les laisser partir au bon moment. Nous commençons à avoir de l’expérience et un réseau bien développé. Aujourd’hui, je profite de tout le travail qui a été fait, en amont de la vente de Valdocco, depuis l’arrivée de nouveaux investisseurs, et des ventes qui nous ont permis d’avoir un peu de trésorerie. Nous sommes donc plus sereins dans cette période.
Quel regard vous portez sur la suite de la carrière de Valdocco des Caps, qui a bien performé avec l’Irlandais Cian O’Connor et qui évolue depuis plusieurs mois avec l’Espagnol Sergio Àlvarez Moya?
Quand je vends un cheval, j’aime bien le suivre et voir qu’il continue à progresser. J’ai été très content quand il a été sacré champion d’Espagne. Dans notre métier, on est partagé entre le sport et le fait de devoir en vivre. J’avais fait tout un travail de préparation, nous avions tous les deux découvert un certain niveau de compétition jusqu’en 2019. Il arrive à maturité et je suis curieux de voir la suite de son évolution. Cela serait une satisfaction de le voir un jour en grand championnat.
Comment occupez-vous vos week-ends en l’absence de concours?
J’aime les concours mais la préparation, le choix des compétitions et leur enchaînement, est très important pour la progression d’un cheval. Le travail des bases, le temps passé avec les chevaux à la maison sont également essentiels. J’aime bien être à cheval et les emmener en balade. Je n’ai jamais été aussi longtemps à la maison donc j’en profite pour développer cette relation, travailler sur le plat, mais aussi passer plus de temps avec ma famille, ce qui est agréable. J’accorde beaucoup de temps aux jeunes et nous en avons profité pour les emmener à la mer. Pendant une saison de concours, on est dans la gestion de ce que l’on va pouvoir améliorer techniquement pour préparer la sortie suivante. Avoir plus de temps permet de séquencer le travail sans objectif de performance.