“La guérison après mon hémorragie cérébrale aurait été beaucoup plus compliquée si je n’avais pas eu l’objectif des JO”, Juan Matute Guimón
Juan Matute Guimón et Quantico font partie des couples espagnols présélectionnés pour les Jeux olympiques de Tokyo, qui s’ouvriront dans moins d’un mois. Déjà sixièmes par équipes aux Jeux équestres mondiaux de Tryon en 2018, tous deux ont pris part au CDIO 5* de Compiègne fin mai, où GRANDPRIX a rencontré le jeune homme de vingt-trois ans. Un an après avoir frôlé la mort à la suite d’une hémorragie cérébrale, le sympathique cavalier, qui partage son temps entre Madrid et des installations proches de Rotterdam, aux Pays-Bas, offre une magnifique leçon de vie et est de retour plus fort et motivé que jamais.
Comment allez-vous?
Je vais extraordinairement bien. Je suis très heureux d’être de retour à Compiègne, cela fait cinq ans que je n’étais pas venu (depuis le CDIO 5* en 2016, ndlr). C’est une fierté et un honneur.
Comment vivez-vous la reprise de la compétition, entre la pandémie de Covid-19 et après l’épizootie de rhinopneumonie?
C’est évidemment un sentiment exceptionnel, de pouvoir concourir à nouveau mais aussi d’être entouré par certains des meilleurs mondiaux. C’est également spécial pour moi de pouvoir partager la carrière de détente avec eux. Nous n’avons pas pu concourir pendant une longue période donc pour nous tous, revenir en piste est excitant. Cela transparait sur les visages et me fait sourire !
Mi-mai à Munich, vous avez gagné la Libre du CDI 4* de Munich, une première depuis votre hospitalisation il y a un an. Qu'avez-vous ressenti après cette grande victoire?
C’était ma deuxième victoire à ce niveau avec Quantico. J’ai gagné un Grand Prix à Wellington il y a quelques années (en 2017, ndlr) mais il s’agit de ma première grande victoire en CDI 4* en Europe. C’est fantastique d’avoir pu prendre part à un CDI majeur, à Munich en plus! Il y avait des allemands chevronnés, comme Isabell Werth, Dorothee Schneider, Jessica von Bredow-Werndl, Benjamin Werndl… Ils sont parmi les meilleurs mondiaux. À Compiègne, qui est aussi l’un des concours principaux de l’été, la liste de départ est belle, bien que les Germaniques manquent à l’appel car des concours sont aussi programmés chez eux au même moment.
Votre grand objectif est d'être sélectionné pour les Jeux olympiques. Le report d’un an de l’échéance est pour vous un avantage…
Je suis de retour en concours et je me bats pour obtenir une place dans l’équipe. Le report des JO est une très bonne chose pour moi. Sans cela, les Jeux suivants auraient alors été quatre ans plus tard et sans cet objectif, tout le processus de guérison après mon hémorragie cérébrale aurait été beaucoup plus compliqué. Avoir des objectifs amène du positif, donne l’énergie nécessaire pour continuer à se battre et poursuivre ses rêves. Depuis 2016 et les Jeux de Rio de Janeiro, mon objectif est de prendre part à ceux de Tokyo.
À quel point est-ce important pour vous d’être membre de l’équipe d’Espagne pour les Jeux?
Pour moi, c’est le championnat le plus important, et c’est un titre d’envergure. Mon père a pris part à trois éditions des Jeux olympiques (en 1988, 1992 et 1996, ndlr). Réussir à y concourir et à représenter son pays signifie que l’on fait partie des meilleurs cavaliers du monde. On pourrait comparer cela à l’obtention d’un Doctorat!
Êtes-vous sur la bonne voie pour Tokyo?
Il nous reste un mois avant la sélection, mais oui, nous sommes sur la bonne voie (la sélection espagnole devrait être annoncée le 1er juillet, ndlr). Nous avons obtenu de bonnes moyennes à Munich et Hagen, j’espère que cela va continuer. Il n’y a plus qu’à travailler et attendre de voir ce que les autres cavaliers de l’équipe font.
“À Tryon, j’ai ressenti une immense fierté”
Avez-vous aussi les Européens en tête? Quel cheval aimeriez-vous emmener pour chaque échéance?
J’aimerais évidemment être dans l’équipe pour les Jeux et les Européens. Et cela avec le même cheval, Quantico. Peut-être que cela sera trop intense de participer aux deux et que le staff décidera d’envoyer deux équipes différentes. Mais l’on peut penser que ceux qui partirons à Tokyo seront les meilleurs Espagnols, et qu’ils voudront aussi prendre part aux Européens.
Le cheval avec lequel j’ai débuté ma carrière, Don Diego, a déjà dix-huit ans. Nous étions qualifiés pour la finale de la Coupe du monde l’an dernier à Las Vegas, mais elle a malheureusement été annulée. C’est vraiment dommage car c’était un grand objectif pour lui.
À quinze ans, votre meilleur cheval Quantico est toujours en pleine forme. Comment voyez-vous votre évolution avec lui ? Vous avez concouru des épreuves Jeunes Cavaliers aux Jeux équestres mondiaux de Tryon en 2018...
C’est la même histoire qu’avec Don Diego. Le business familial est d’acheter des chevaux, les valoriser puis les commercialiser. Tous deux étaient des jeunes chevaux délicats, sur l’aspect technique, ou alors ils avaient trop de sang. Nous savions qu’à cause de cela, il serait difficile de les vendre. Alors, j’ai décidé de les garder. Petit à petit, à force de travail et de patience, nous sommes arrivés où nous sommes aujourd’hui. Notre persévérance a payé. Au début, Quantico était comme un dragon ! Il entrait en piste et ne m’écoutait plus, il était hors de contrôle.
Comment l'entraînez-vous quotidiennement ?
Son entraînement quotidien est très simple. Nous travaillons un peu les exercices mais sans trop pousser ni le forcer. J’y ajoute beaucoup d’appuyers, de travail latéral, des transitions. De temps en temps, un peu de passage et de piaffer pour conserver l’engagement. Il est expérimenté et s’entraîne depuis des années, il connaît son travail. L’objectif est de garder de bonnes sensations.
Quel souvenir gardez-vous de Tryon, où vous avez terminé sixième par équipes ?
Cela a été une sacrée semaine pour ma famille et moi car il s’agissait de ma première sélection Seniors. C’était un peu de pression bien sûr, mais je suis habitué à cela depuis que je suis petit, notamment car je voyais mon père concourir quand j’étais plus jeune. Cela fait partie du sport et de la compétition. J’étais donc un peu un nerveux à Tryon, mais je me souviens surtout que j’étais tellement heureux de monter au cœur de cette grande piste! J’ai ressenti une immense fierté. Nous avons commis quelques erreurs, mais de manière globale, c’était une belle performance. Malheureusement, nous avons manqué le Spécial d’un rien.
Concernant cette pression, avez-vous travaillé avec quelqu’un pour apprendre à y faire face et la gérer ?
J’ai travaillé avec plusieurs psychologues concernant la gestion de la pression. Si l’on fait un résumé de ce qu’ils m’ont dit, c’est que chacun a sa personnalité, et selon le type de compétition que nous pratiquons, nous la mettons en valeur. Je ne suis pas nerveux, je fonce. De plus, j’adore cette pression. Certaines personnes deviennent nerveuses, d’autres stressent, mais moi, cela me plaît. C’est une motivation afin de donner le meilleur de moi-même.
“Les Jeux de Tokyo risquent d’être une compétition banale”
Avez-vous une position particulière concernant la vaccination ?
Je préfère ne pas me faire vacciner, ou du moins, pas pour l’instant. Parfois, des effets indésirables peuvent apparaître cinq ou dix ans plus tard! Donc le temps de voir comment cela évolue. Mais d’un autre côté, des restrictions apparaissent, si l’on veut voyager… Si je suis sélectionné pour Tokyo, je risque de devoir me faire vacciner.
Ces Jeux olympiques s’annoncent d’ailleurs particuliers!
Ces JO seront bien différents. Honnêtement, je pense que ce sera une expérience assez triste. Mon père m’a expliqué que le sentiment spécial des Jeux, c’est le public, la foule, la cérémonie d’ouverture… Cela risque d’être une compétition banale, avec un titre de champion olympique à la clé, mais cela n’aura rien à voir. Alors si j’arrive à y aller, ce sera évidemment un bel accomplissement et je serai fier. Mais si ce n’est pas le cas, je ne devrais pas être trop mal!
De plus, les prochains Jeux sont programmés à Paris en 2024, soit dans trois ans…
Exactement, c’est très proche. Et imaginons que je n’arrive pas à faire partie de l’équipe pour Tokyo, j’espère être de la partie pour les championnats d’Europe à Hagen.
Avez-vous un message particulier à faire passer?
J’aimerais remercier les milliers de personnes qui sont entrés en contact avec ma famille, qui ont montré leur soutien. Sans cet amour que j’ai ressenti dès le premier jour, je suis certain que je ne serais pas aussi positif et lumineux que je le suis aujourd’hui. Je les embrasse tous très fort. J’ai essayé de répondre à tout le monde, mais j’ai encore une centaine d’emails non lus! Alors je m’excuse si je n’ai pas encore répondu, mais je le ferai. J’ai à cœur de montrer que derrière mon compte Instagram ou mon téléphone, je suis une personne accessible.