“Le grand Totilas peut être fier de son petit Gotilas”, Corentin Pottier
Au lendemain de son titre de champion de France Pro Élite, acquis avec son bon fils du regretté Totilas, Gotilas du Feuillard, à Vierzon, Corentin Pottier est revenu avec bonne humeur sur son excellent week-end berrichon. Associé à ce prometteur hongre de dix ans depuis quatre saisons, le cavalier de vingt-sept ans s’est avoué ravi de cette performance et tous deux devraient prochainement présenter leur premier Grand Prix international. Si le Francilien ne ferme pas la porte à une éventuelle sélection aux championnats d’Europe à Hagen mi-septembre, il préfère viser le long terme, avec Paris 2024 dans un coin de sa tête. Le jeune homme a également évoqué le récent développement de Pamfou Dressage, l’émergence du marché asiatique pour le commerce en dressage, et a donné des nouvelles de son fidèle Gotcha, heureux retraité de dix-neuf ans.
Quelle est votre sentiment après votre titre de champion de France Pro Élite avec Gotilas du Feuillard (KWPN, Totilas x Ferro), âgé de dix ans seulement?
Je ressens énormément de joie et de fierté. La route n’est pas finie mais ce titre est un bel aboutissement d’une aventure qui a débuté il y a quatre ans. Nous avons pris notre temps de construire Gotilas petit à petit, techniquement et mentalement. Arriver à remporter un titre de champion de France Pro Élite à seulement dix ans et en affichant une telle sérénité, c’est un vrai bonheur.
Vous avez d’ailleurs mené de bout en bout ce championnat, en gagnant le Grand Prix avec 71,152% et le Spécial avec 71,277%…
Je ne dirai pas que c’était parfait, car la perfection n’existe pas dans notre sport, mais c’était un excellent week-end. Le cheval a été incroyable de maturité, pour ce qui n’était que son troisième Grand Prix et son premier Spécial. Ce qu’il a réussi à faire, c’est très fort.
Quel regard portez-vous justement sur la progression de Gotillas?
Ce sont effectivement ses premières épreuves à ce niveau-là, mais son évolution est inscrite dans le long terme. Il a été performant à sept ans et a pris part aux championnats du monde (à Verden, où il a terminé douzième de la finale ouverte aux quinze meilleurs, ndlr), a été engagé en Pro 2 puis en Pro 1, avant d’attaquer le niveau Grand Prix. Sa progression a été linéaire, et il arrive aujourd’hui avec une certaine sérénité. Nous savions ce que nous étions capables de réaliser, sans que cela veuille dire que y arriverions un jour. C’est finalement le cas, et c’est incroyable ! Ce qui me ravi particulièrement, c’est que ce titre est l’aboutissement d’un travail collectif, avec Camille (Judet-Chéret, ndlr), Isabelle (Judet, ndlr), et tout le staff derrière, qui sont aussi récompensés. Comme je le disais hier, ce n’est pas juste la victoire d’un cheval ou d’un cavalier, mais d’un ensemble.
“Avec un cheval doué, il est facile de tomber dans l’excès”
Comment avez-vous découvert ce cheval il y a quatre ans, et imaginiez-vous qu’il puisse avoir ce potentiel?
Je remercie Camille tous les jours ! À l’été 2017, elle est tombée sur la vidéo de Gotilas, qui était à vendre. Elle m’a dit qu’il fallait aller le voir, que c’était un cheval pour moi. En regardant la vidéo, j’ai acquiescé sur le fait que c’était un bon cheval, mais qu’il ne fallait pas s’emballer non plus. Il montrait de belles choses, et Camille était très convaincue, me disant « tu verras ! ». Nous l’avons donc essayé, et il s’est avéré qu’elle avait raison! (Rires) Ainsi a commencé l’aventure, qui est un vrai plaisir au quotidien. C’est la vraie force de ce cheval. Il est simple de vanter ses qualités techniques, qui sont évidentes, avec un vrai talent pour la discipline et le haut niveau. Mais son mental est phénoménal, empreint d’envie et de volonté.
Quels sont ses axes de progression?
Ce qui est drôle dans cette victoire, c’est qu’elle représente un aboutissement, car c’est le titre suprême en France, mais aussi une pierre supplémentaire à l’édifice que nous construisons depuis quatre ans. La stratégie du week-end était de présenter des reprises propres et fluides. Gotilas est capable de beaucoup plus. Aujourd’hui, il sort du rectangle comme si c’était une détente. J’étais bluffé, il n’avait pas une goutte de transpiration sur l’encolure, c’était facile pour lui. L’axe de progression est global, nous allons continuer à peaufiner, ajouter plus de puissance et d’expression. Je suis heureux de notre stratégie car nous avons été capables d’attendre et de ne pas vouloir tout obtenir tout de suite sous prétexte qu’il en est capable. Il montre en piste des facilités pour le passage et le piaffer, nous allons donc maintenant chercher à obtenir plus, dans les mois et les années à venir. Avec un cheval doué, il est facile de tomber dans l’excès. Il a une expression très touchante, mais le dicton « Less is more » (‘Moins, c’est mieux’ en Anglais, ndlr), s’applique en l’occurrence parfaitement.
C’est un fils de Totilas, dont on voit maintenant de nombreux produits à haut niveau. Ses origines jouent sur ses qualités…
La génétique étant ce qu’elle est, Totilas a beaucoup marqué certains de ses produits, et notamment Gotilas, chez qui l’on retrouve beaucoup de traits communs. Ce week-end, on m’a demandé s’il était l’héritier de Totilas. J’ai été très embêté, peu de fils de Totilas peuvent se targuer d’être le digne héritier de leur père. Je n’aurais pas la prétention de répondre par l’affirmative. Par contre, je pense que le grand Totilas peut être fier de son petit Gotilas!
Comment le travaillez-vous au quotidien?
Son programme est rythmé par les concours, mais il y a néanmoins une semaine type. Comme tout est facile pour lui, il est délicat de trouver le juste équilibre entre travailler, progresser et ne pas en faire trop et trop vite. Dans cette optique, tous nos chevaux travaillent quatre fois par semaine, plus un jour où ils sont longés et deux jours qu’ils passent entièrement au paddock, et ce même s'ils y vont tous les jours, qu’il vente ou qu’il pleuve. Il faut pouvoir leur laisser une vie de cheval. Et quand je suis à cheval, je ne déroule pas le Grand Prix. J’axe mes séances de travail sur un exercice ou une allure, mais je ne répète pas l’intégralité des gammes tous les jours. Il faut construire la technique et le physique tout en respectant leur intégrité.
“Sur le papier, une sélection pour Paris 2024 est envisageable”
Quelle est la suite pour Gotillas ?
Les Grands Prix internationaux sont la suite logique des choses, mais je ne sais pas encore lesquels. Nous allons prendre le temps de profiter et de réfléchir à la suite. Nous confronter en CDI à d’excellents cavaliers mondiaux est notre objectif à court et moyen terme.
Les championnats d’Europe en septembre à Hagen seraient-ils prématurés?
(Il réfléchit et rigole) Joker? Je pense qu’il faut profiter et voir comment nous allons construire la suite de la saison. Si nous sommes sélectionnés pour les championnats d’Europe, tant mieux. Si c’est trop tôt, alors ce sera l’année prochaine ou celle d’après! Notre grande force jusqu’ici a été de ne jamais se fixer d’objectif précis. Je ne suis pas arrivé aux championnats de France en voulant obtenir la médaille d’or, mais en me disant que nous ferons de notre mieux et montrer ce dont nous sommes capables. Ce n’est pas parce que nous avons obtenu un titre national qu’il faut changer notre façon de faire. Nous avons cet état d’esprit depuis le début. Nous garderons cette froideur, travaillerons et prendrons ce qui arrive.
Comme de nombreux athlètes, vous avez Paris 2024 dans un coin de votre tête, et vous sembler compter sur un cheval ayant le potentiel de vous y emmener…
Oui, c’est sûr. Les Jeux olympiques sont une compétition mythique, le Saint Graal pour tout sportif. Ce n’est pas forcément le concours le plus difficile en termes de niveau, les championnats d’Europe sont parfois presque plus relevés que les JO. Pour autant, c’est une compétition particulière par l’exposition qu’elle amène et l’aura qu’elle dégage. En règle générale, les JO sont dans la tête de chaque sportif, alors, quand en plus ils sont en France, dans une région dont je suis originaire, ils ont une résonnance particulière. Toutefois, il reste trois ans, ce qui peut être long pour un cheval et on ne sait pas ce qui peut arriver. Alors j’ai cela en tête, mais l’avenir nous dira ce qu’il en est. Une sélection serait une vraie consécration, et aujourd’hui, sur le papier, c’est envisageable.
“Nous voulons promouvoir les chevaux français à l’étranger”
L’équipe de France pour les Jeux de Tokyo est connue. Comment évaluez-vous ses chances ?
Je pense que nous envoyons une équipe homogène, avec de l’expérience. Il faut être réaliste et optimiste, nous n’y allons pas pour un podium par équipes ou en individuel, mais c’est une bonne équipe avec de bons cavaliers, qui connaissent leur travail. Il faut leur souhaiter de faire au mieux et de s’éclater, de montrer ce dont ils sont capables. Je ne veux pas m’amuser à faire des prédictions sur un résultat, mais s’ils montrent les mêmes choses qu’au cours de la saison, c’est encourageant. Je leur souhaite en tout cas d’aller le plus loin possible.
Vous avez été découvert grâce à Gotcha (Han, Goethe (DE) x Calypso II), avec lequel vous avez couru trois championnats d’Europe Jeunes. À maintenant dix-neuf ans, comment va-t-il?
Il va très bien et coule des jours heureux au pré, où il vit toute l’année. Il semble beaucoup s’y plaire. Je pense qu’il fait partie des chevaux les plus médaillés en France ; il a obtenu énormément de podiums nationaux, six ou sept je crois. C’était un cheval incroyable pour moi, avec lequel j’ai progressé des épreuves Juniors au Grand Prix. Pouvoir compter sur lui était une vraie chance. J’avais pris la décision de le mettre à la retraite à la fin de son année de seize ans, c’était la moindre des choses que je pouvais faire pour lui. Il a été extraordinaire de bout en bout, avec un mental phénoménal et beaucoup de gentillesse. Il a accepté toutes mes erreurs! Nous nous sommes construits ensemble. Parfois, je le vois trotter au pré et je me dis que j’ai de la chance. Je suis heureux de pouvoir lui offrir une aussi belle vie maintenant, après toutes les belles choses qu’il m’a apporté.
Vous développez avec votre compagne Camille Judet-Chéret l’écurie Pamfou Dressage, à laquelle vous avez récemment donné une nouvelle orientation, notamment commerciale, avec énormément de ventes en Asie. Comment cela se passe-t-il et comment voyez-vous la suite?
Notre stratégie de développement est fortement axée sur le commerce, avec une partie sport de haut niveau. Nous avons de bons chevaux en France et ce week-end à Vierzon l’a montré. Nous voulons promouvoir les chevaux français à l’étranger, et nous travaillons énormément avec l’Asie – la Thaïlande, Singapour, la Corée ou le Japon – et d’autres pays comme les États-Unis. J’espère que cela va continuer ainsi. Dans notre façon de faire, nous essayons beaucoup de chevaux dans l’Hexagone, afin de proposer à la vente des sujets que nous connaissons, et ce, afin que les clients qui achètent souvent sur vidéos se retrouvent avec le cheval le plus adapté. Cela nécessite un important travail de préparation et c’est une des nouveautés du commerce actuel. Ce n’est plus un modèle d’intermédiation simple, avec un carnet d’adresses que l’on appelle quand un client nous demande un cheval. Le travail de prospection, d’accompagnement, est beaucoup plus complet, tout comme l’organisation juridique avec les contrats de vente. Il y a aussi un aspect logistique important. Par exemple, quand un cheval part en Asie, la vente n’est pas finie à la signature du contrat, car il y a tout un travail lié à l’export. C’est tout un savoir-faire que nous avons développé, et je suis très fier de la façon dont nous faisons notre travail. C’est un suivi très poussé afin que le client ait la meilleure expérience d’achat possible.
L’Asie représente-t-elle l’avenir du commerce en dressage?
Aujourd’hui, l’Asie est probablement en pole position des marchés qui se développent fortement et où le gros potentiel de croissance se situe. Le Moyen-Orient est encore peu présent en dressage, mais cela viendra forcément car un sport olympique attire toujours. Je pense que l’on devrait voir les nations asiatiques s’affirmer sur la scène internationale prochainement. Nous le voyons d’ailleurs avec le Japon. Il y a eu un afflux massif de capitaux, des investissements dans les chevaux mais aussi dans l’encadrement. Ils sont capables d’aligner chez eux une équipe d’un très bon niveau. D’autres pays asiatiques vont tendre vers cette professionnalisation, donc le niveau global va augmenter. Ce n’est que mon intuition, mais cet exemple nippon est très parlant.