“La France reste parmi les nations favorites pour le podium”, Donatien Schauly

La nuit prochaine, dès 1h30, débute le concours complet des Jeux olympiques de Tokyo. Une compétition que la France disputera avec trois couples, conformément au nouveau règlement édicté par la Fédération équestre internationale, et sans possibilité de faire rentrer de remplaçant, en raison du début de myosite de Birmane, la crack de Thomas Carlile. Face à des équipes d’Allemagne et de Grande-Bretagne qui en imposent, et à des trios australiens et néo-zélandais, pour ne citer qu’eux, qui semblent d’un niveau à peu près équivalent au leur, les Bleus, champions olympiques en titre, ne vont pas chômer dans l’étuve japonaise. Revue des troupes, forces en présence, pièges à éviter et ordre de départ. Médaillé de bronze par équipes des Jeux équestres mondiaux de Tryon, en 2018, l’adjudant-chef Donatien Schauly, qui avait aussi vécu les JO de Londres en 2012, livre son analyse d’avant-match.



La France part sans filet…

Depuis quelques semaines, il y a eu pas mal de chamboulements avec les forfaits de Babylon de Gamma et Qing du Briot*IFCE, les chevaux d’Astier Nicolas et du lieutenant-colonel Thibaut Vallette en fin de période préparatoire, puis celui de Birmane, la partenaire de Thomas Carlile. Celui-ci est intervenu sur place, ce qui est encore plus dommageable, dans le sens où cela prive l’équipe de France d’un couple remplaçant en cas de pépin. Pour Thomas, c’est un coup très dur, car il avait méticuleusement préparé cette échéance et tout fait pour amener Birmane au sommet de sa forme à Tokyo. Sur le papier, ce duo avait aussi ses chances en individuel. Les Jeux de Rio lui avaient déjà échappé pour des pépins vétérinaires… C’est très dur. Hélas, on sait bien que tout peut arriver avec les chevaux. Dans notre sport, on prête une très grande attention à leur santé, notamment sur le plan locomoteur, et aux transports. Là, on a affaire à une jument qui ne s’acclimate pas aux conditions très éprouvantes qui règnent à Tokyo, ce qui est assez rare et malheureux, mais la santé doit primer.



…mais reste dans le peloton des favoris

Compte tenu du forfait de Birmane, Karim Laghouag a intégré l’équipe avec Triton Fontaine. On peut compter sur eux pour tout donner. Je crois à fond en ce collectif, qui a clairement le potentiel pour accrocher un podium. La France étant championne olympique en titre, on pense forcément à l’or, mais on sait bien que ces compétitions se jouent sur des détails et de faibles écarts de points, donc les résultats sont impossibles à prédire. La stratégie va jouer un rôle fondamental, encore plus qu’avant, compte tenu de la réduction des équipes de quatre à trois couples et du fait que tous les scores compteront. Cela a influencé les sélections dans toutes les nations. Concernant la France, nos chevaux sont aguerris et en pleine force de l’âge, et nos cavaliers ont de l’expérience: Christopher Six a fini quatrième des Européens Longines de 2019 à Luhmühlen; Karim Laghouag, champion olympique en titre, compte de nombreuses sélections; et Nicolas Touzaint, qu’on ne présente plus, en est à ses sixièmes JO consécutifs, même s’il n’était “que” réserviste en 2016, et montre une vraie faim de médailles! Vivre les Jeux avec Nicolas, c’est formidable, parce qu’il a tout connu et gagné, qu’il est très humain et qu’il a assez d’empathie pour transmettre son vécu à des cavaliers moins expérimentés, comme j’ai pu en bénéficier en 2012 à Londres. Franchement, cette équipe est solide.

Évidemment, ce n’est pas la seule. Il est clair que l’Allemagne et la Grande-Bretagne semblent très fortes cette année encore – et elles le seront dès le dressage – et que plusieurs autres équipes peuvent prétendre au podium. Certaines ont perdu un pilier, comme nous, à l’image de l’Australie, privée de Christopher Burton à la dernière minute. Chaque nation a ses petits soucis à gérer, pas forcément visibles avant le début de l’épreuve. Le cross va jouer un rôle déterminant. Il sera plus court que d’habitude, avec pas mal d’enchaînements et de mouvements de terrain rapprochés, et plutôt de niveau 4*. Qui se sortira le mieux de cela? Rien n’est joué d’avance. Il faudra aussi gérer les transports pendant la compétition, puisque le cross se déroulera à vingt-cinq kilomètres du parc équestre de Baji Koen (au parc de Sea Forest, situé sur une petite île de la baie de Tokyo, ndlr), où auront lieu les tests de dressage et d’hippique. Cela peut générer de l’inquiétude et des petits soucis. 



Les dessous d’un ordre de départ qui peut surprendre

Après la première visite vétérinaire, on a découvert un ordre de départ qui peut surprendre concernant la France, dans le sens où Thierry Touzaint a placé en ouvreurs Christopher et Totem de Brécey, le couple français ayant jusqu’à présent obtenu les meilleures notes en dressage, puis Nicolas et Absolut Gold*HDC, et enfin Karim et Triton. Ce n’est pas l’ordre auquel on aurait pu penser instinctivement, mais de nombreux facteurs entrent en ligne de compte, aussi bien pour les cavaliers que les chevaux. Cet ordre vaut pour le dressage, mais aussi pour le cross. Désormais, les cavaliers et le staff éprouvent les conditions climatiques qui les attendent de demain à lundi. En outre, ils ont pu reconnaître le parcours de cross et effectué un galop d’entraînement en mesurant les données métaboliques de chaque cheval. Ce test de fond étant programmé tôt le matin (dès 0h45 dans la nuit de samedi à dimanche, 7h45 sur place, ndlr), l’ouvreur bénéficiera normalement des meilleures conditions. Totem brille dans les trois ateliers, comme il l’a montré il y a deux ans à Luhmühlen et sans discontinuer depuis. Le cross de Tokyo a été raccourci, donc il ne devrait pas y avoir de problème pour lui, mais ce départ à la fraîche lui conviendra peut-être mieux. Quant à Absolut et Triton, ils supporteront peut-être mieux la chaleur et la très forte humidité, voire un possible orage, et pourront récupérer plus facilement. Thierry a peut-être aussi souhaité lancer son équipe avec une très bonne première note au dressage, ce dont Christopher est tout à fait capable. À Londres, en 2012, il faisait chaud, mais très beau et sec, ce qui n’avait rien à voir avec ce qu’ils subissent là-bas. Aux Jeux équestres mondiaux de Tryon, c’était déjà désagréable, mais là on est un cran au-dessus. Il suffit de voir à quel point souffrent les tennismen, par exemple. D’ailleurs, c’est une bonne chose que les cavaliers aient pu tester leur résistance à ces conditions dans la chambre chaude de l’INSEP. Maintenant, les dés sont jetés. Vivement demain!