“Malin et Peder pratiquent une équitation saine, sans trucage, dans la recherche du confort du cheval”, Michel Robert
Absolument impériale, la Suède s’est aujourd’hui emparée de l’or sur la piste de Baji Koen, à Tokyo. Près de cent ans après la dernière médaille d’or collective des Scandinaves, Malin Baryard-Johnsson, Peder Fredricson et Henrik von Eckermann ont tenu bon dans un barrage face aux États-Unis, comptant sur les formidables H&M Indiana, H&M All In de Vinck et King Edward. Bien lancée pour conserver son titre après les passages de Simon Delestre et Mathieu Billot avec Berlux Z et Quel Filou 13, la France est passée de la possibilité de l’or à l’élimination, Vancouver de Lanlore, le complice de Pénélope Leprevost, ayant refusé de sauter à deux reprises le double n°3. Pour GRANDPRIX, Michel Robert décrypte la finale par équipes de ces Jeux olympiques à rebondissements.
La Suède “sans trucage”
Les Suédois ont été géniaux, je suis très content qu’ils aient gagné car ils le méritent largement. Cela est d’autant plus remarquable qu’il s’agit de l’unique nation qui n’a pas fait intervenir de couple remplaçant de cette finale par équipes. Le cheval d’Henrik von Eckermann (King Edward, ndlr) n’a pas touché la moindre barre de tout le championnat (en quatre parcours et deux barrages, ndlr). Ils ont réalisé un magnifique barrage, avec un superbe final de Peder Fredricson, qui a réalisé une véritable démonstration. Cela donne du baume au cœur de voir de si beaux parcours, montés d’une telle façon, sans trucage, sans préparation et avec beaucoup d’intériorisation de la part des cavaliers. Ils sont motivés mais restent raisonnables et réguliers. En bref, tout ce que l’on aime voir !
Je pense que les Suédois ont beaucoup de respect des chevaux. Ils calculent, étudient, analysent et observent beaucoup. J’aime leur état d’esprit, surtout en ce qui concerne Malin et Peder, qui sont des cavaliers que j’adore et que j’observe. Ils sont naturels, pas arrogants du tout et sont de véritables femme et homme de cheval. Ils sont très tranquilles et gardent en tête un objectif. À chacune des reconnaissances, même pour un parcours à 1,40m, nous voyons Peder Fredricson prendre des notes et écrire les distances sur un petit bout de papier. C’est un cavalier que j’ai beaucoup observé et que j’apprécie, comme Malin. Leur équitation et préparation mentale est remarquable. Ils pratiquent une équitation saine, sans trucage, avec du travail sur le plat, de la recherche du confort du cheval et uniquement des choses positives. Je m’accorde beaucoup avec eux.
King Edward et H&M All In, tous deux minuscules et déferrés
Exactement ! C’est d’ailleurs ce que je suis en train de faire moi aussi, j’ai déferré ma jument des quatre pieds il y a près d’un mois, je suis aussi dans cette mouvance. Les maréchaux vont devoir s’adapter à cela. Je pense que H&M All In est encore plus petit et court que King Edward. Tous deux auraient l’air plutôt normaux s’ils étaient montés par Malin, mais il se trouve que leurs cavaliers font plus d’1,80m. King Edward est exceptionnel, nous l’avions déjà remarqué dans les autres épreuves. Henrik l’a amené progressivement jusqu’aux JO. Il dispose d’énormément de qualités, même s’il se déporte beaucoup à droite. Cela s’est notamment vu dans le double au barrage, qui a presque sauté au niveau du chandelier, ce qui n’a pas plus inquiété le cavalier que cela.
Jessica Springsteen n’est plus “l’élève de” ou “la fille de”
Jessica a prouvé qu’elle était bien là. Elle compte sur un cheval exceptionnel et a très bien monté, y compris son barrage. Nous pourrions presque dire qu’elle est passée du statut d’amateure à professionnelle. Sa position et son regard à l’abord des obstacles, sa détermination, et sa régularité, prouvent que son mental est très solide. La saison passée, elle avait connu quelques grosses chutes. En début de saison, nous pouvions voir qu’elle avait presque un peu d’appréhension. Cela a complètement disparu, donc elle a certainement dû faire un travail mental important sur elle-même. McLain Ward, dont j’apprécie beaucoup l’équitation, a été d’un support fantastique. L’équipe américaine méritait aussi sa place en haut du podium.
Les Belges ont montré beaucoup de détermination. Grégory (Wathelet, ndlr) a très bien monté. Tous les trois ont commis de petites fautes et ont un peu profité de la situation pour attraper une médaille. Globalement, c’était très bien ! La Suisse figurait parmi les nations favorites, nous comptions beaucoup sur Martin Fuchs et Clooney 51, qui n’ont finalement pas été au niveau auquel nous les attentions dans cette compétition. Ils ont montré un peu moins de facilité qu’à l’accoutumée.
“Je n’ai qu’un regret, c’est de ne pas avoir été là-bas pour aider Pénélope”
Coup de chapeau à Simon (Delestre, auteur d’un parcours pénalisé d’un point de temps dépassé, comme hier, avec Berlux Z, ndlr), qui a signé un nouveau parcours magnifique. Mathieu Billot a aussi tiré son épingle du jeu et a bien monté aujourd’hui (avec Quel Filou 13, il a lui aussi écopé d'un point de temps dépassé, ndlr). Nous espérions tous la médaille d’or, que nous étions à deux doigts d’accrocher, mais nous avons connu une catastrophe. Ce qui résume bien les Jeux olympiques, c’est que nous passons du chaud au froid très rapidement. Nous pouvons être en lice pour une médaille alors que cela n’était pas attendu. Cela a été flagrant et terrible pour la France aujourd’hui, et surtout pour Pénélope.
Je n’ai pas suivi l’entrainement des chevaux et Pénélope depuis quelques temps. Je pense qu’il y a plein de techniciens autour d’elle et qu’elle-même a sa manière de faire. Je n’ai aucune information donc je ne sais pas ce qui a pu se passer. Il n’est pas courant que Vancouver fasse cela et je ne veux pas faire de suppositions. Je n’ai qu’un regret, c’est de ne pas avoir été là-bas pour l’aider et de ne pas avoir suivi cela. C’est ce qui m’attriste un peu, mais je pense qu’il y a suffisamment de monde autour du couple. Le problème ne vient pas du double en lui-même, il vient d’avant. Nous avons vu lors des épreuves précédentes que le cheval a déjà fait un blocage. Je suis déçu pour Pénélope et pour le cheval, qui est vraiment gentil.
Les gens qui émettent des critiques n’ont qu’à se mettre à la place de Pénélope. Ils peuvent se permettre d’en faire s’ils n’ont jamais commis d’erreur dans leurs vies, sinon je crois que ce n’est pas la peine. Ils n’ont qu’à monter à cheval et faire mieux. Je me rappelle de Pierre Durand qui avait été vivement critiqué après son élimination avec Jappeloup (en 1984, ndlr) et qui avait ramené l’or quatre ans après (aux Jeux olympiques de Séoul, ndlr). Cela avait fait taire beaucoup de monde. Ceux qui ne font rien ne se trompent jamais. La sélection était bonne, Vancouver allait bien. Il est impossible de savoir ce qui s’est passé.
“Une formule éprouvante”
Ce qui m’a un peu gêné dans cette formule, c’est qu’elle est assez éprouvante pour les chevaux, même pour les très bons qui dominent habituellement. Ils ont dû courir deux qualificatives, deux finales s’ils étaient qualifiés et même parfois des barrages. Peut-être qu’il faudrait supprimer une qualificative. Je ne vais pas changer le règlement, mais je pense que la prise en compte du cheval manque un peu. Hier, certains sont rentrés dans le vif du sujet à froid.
Ce qui m’a un peu choqué hier, c’est la préparation des chevaux de l’équipe irlandaise. Cela m’a fait mal au cœur. Pour certains – bien sûr, c’est n’est pas une généralité – nous avons constaté une exagération qui ne paye même pas à la fin. Il y a de bonnes leçons à en tirer et les Irlandais ne sont pas repartis, alors qu’ils avaient de très bons chevaux et une bonne équipe (seul Shane Sweetnam a pris le départ de la qualificative hier, celui-ci ayant été éliminé avec Alejandro, qui a chuté lors d’une réception après plusieurs sauts démesurés, ndlr). Avant sa chute, je pensais que Shane Sweetnam allait s’arrêter. Il était évident qu’il ne pouvait pas aller au bout de son parcours, c’était de l’entêtement ridicule (en cas d’abandon, le cavalier aurait automatiquement éliminé son équipe, comme le veut le nouveau format olympique, ndlr). À un moment donné, il faut être raisonnable et, là, il ne l’a pas été. Heureusement, son cheval n’a pas été blessé.