“Je préfère regarder le présent et le talent des chevaux plutôt que l’histoire de leurs lignées”, Grégory Wathelet

Récent médaillé de bronze par équipes aux Jeux olympiques de Tokyo, le Belge Grégory Wathelet, également champion d’Europe avec les Diables Rouges à Rotterdam en 2019, a accepté de revenir sur ses débuts en tant qu’éleveur, mais aussi sur les moments marquants de sa carrière. À la tête de l’élevage de la Marchette, fondé par son père, depuis quelques années, le jeune papa expose sa stratégie et ses ambitions dans cette nouvelle activité. Il revient également sur son attachement particulier aux étapes du Rolex Grand Chelem de saut d’obstacles, et sur l’influence marquante de ses parents dans son parcours équestre. Entretien.



Grégory Wathlet et Corée lors de leur sacre à Aix-la-Chapelle en 2017.

Grégory Wathlet et Corée lors de leur sacre à Aix-la-Chapelle en 2017.

© Scoopdyga

Quel est votre plus ancien souvenir équestre?

Mon premier souvenir équestre est d'avoir participé à mon premier concours, à l'âge de sept ans. C'était un concours local près de Liège, en Belgique, où j'ai grandi. Les obstacles étaient si petits qu’ils étaient pratiquement des barres au sol. Bien que j’ai eu besoin d’aide pour faire le parcours, j’ai adoré cela. 

Jusqu’à présent, quelle a été la plus grande fierté de votre carrière?

Ce serait facile pour moi de dire la médaille de bronze [par équipe] aux Jeux olympiques. C'était un moment incroyablement spécial pour moi, mon pays, mon équipe, ainsi que pour le sport en Belgique. Mais je pense que le moment le plus fier de ma carrière jusqu'à présent est ma victoire au Grand Prix d'Aix-la-Chapelle en 2017 (avec Corée de Hus, ndlr). Cela a toujours été un de mes rêves de gagner, je n’avais pas les mots pour exprimer mes sentiments lorsque j'ai gagné. Aix-la-Chapelle est un lieu tellement spécial, cette année j'ai décidé d'y concourir au lieu de me rendre aux championnats d'Europe, alors, c'est dire à quel point c'est incroyable.

Comment êtes-vous entrée dans le monde de l'élevage?

Mon père a été une grande source d'inspiration, il était impliqué dans l'élevage avant moi. J'ai commencé il y a quatre ans, lorsque j'ai acheté la ferme de mes parents. Je disposais alors des installations, avec soixante-dix hectares, soixante boxes et des installations d'entraînement intérieures et extérieures, en plus d’avoir d'excellentes juments et étalons. Je me suis dit que je devais essayer, et je suis rapidement tombé amoureux de l'élevage.

Quels sont les éléments clefs qui entrent en jeu d’en l’élevage d’un cheval de saut d’obstacles de haut niveau? 

L'élevage des chevaux de sport par rapport au commerce est très différent. Pour le saut d'obstacles, nous avons besoin de chevaux rapides, intelligents et respectueux. Par exemple, aux Jeux olympiques, les meilleurs chevaux ont été capables de relever le défi et de réussir. Pour les ventes, qui représentent environ quatre-vingt-quinze pourcents des montures que nous produisons chaque année, il faut un cheval facile et courageux, qui a une bonne confirmation et qui est chic, donc plus facile à vendre. Je n'en suis qu'au début du processus, donc j'apprends encore.

J'ai fait concourir la plupart des juments [d’élevage] à un haut niveau et en Grands Prix, donc je les connais très bien. J'ai également monté la majorité des étalons. Cela me permet de les croiser en fonction de leurs caractéristiques. Certains éleveurs aiment s'intéresser à l'histoire des lignées, mais je préfère regarder le présent et le talent individuel qu’ils ont. 



“Je commence vraiment à apprécier l’aspect élevage de ce sport”

Argentina de la Marchette, la "petite étoile" de Grégory Wathelet.

Argentina de la Marchette, la "petite étoile" de Grégory Wathelet.

© Sportfot

Le lien entre un cheval et son cavalier est-il très important lorsque vous vendez un cheval?

Oui, c'est extrêmement important. J'essaie vraiment d’associer le bon cheval avec le bon cavalier. Parfois, les gens me demandent d'essayer un cheval spécifique, mais je suis très honnête et je leur dis : “Je ne pense pas que ce soit le cheval qu'il vous faut”. Je ne suis pas une écurie de commerce, et je me soucie vraiment du bonheur du cheval et du cavalier. En plus de cela, si vous voulez construire une entreprise et faire en sorte que les gens vous fassent confiance, ce processus est très important.

Combien de temps gardez-vous généralement un cheval avant de le vendre ou de le faire débourrer?

Nous ne vendons pas beaucoup de poulains ; nous en vendons généralement deux ou trois pour couvrir une partie des coûts. Je n'apprécie pas les vendre quand ils sont jeunes, car j'aime voir comment ils progressent et mûrissent quand ils ont deux ou trois ans. La plupart resteront jusqu'à l'âge de trois ans, après que nous avons commencé à les faire sauter en liberté et à les débourrer. Comme je n'ai commencé que récemment, la plupart de mes chevaux en sont à ce stade. 

Combien de chevaux élevez-vous en moyenne chaque année?

Tout ce processus est encore très nouveau pour moi. La première année, j'ai élevé environ dix poulains, mais cette année nous en avons élevé trente-quatre. Idéalement, j'aimerais en faire naître entre quinze et vingt. Cette année, nous avons eu plus de poulains, car nous avons eu beaucoup plus de temps à investir dans le processus en raison de la pandémie.

Quelle est votre ambition derrière votre programme d'élevage?

Nous aimerions avoir un ou plusieurs chevaux qui sautent au plus haut niveau. Cela pourrait être avec moi en tant que cavalier, donc c'est très excitant. Il est bien connu que l'élevage est très coûteux, et il y a tellement de déceptions. Il est donc important d'avoir quelque chose à quoi rêver et pour lequel travailler, afin de continuer à avancer.

Je suis très fière de nos progrès jusqu'à présent, je me donne à cent pourcents dans tout ce que je fais, et j'ai beaucoup appris ces dernières années. Je commence à vraiment apprécier l’aspect élevage de ce sport. Je suis définitivement plus impliqué et intéressé par les lignées maternelles et paternelles, alors qu'avant je me préoccupais uniquement de savoir si le cheval était bon ou mauvais.

Y a-t-il un cheval que vous êtes très fier d'avoir élevé?

Il y a neuf ans, mon père et moi avons élevé une jument appelée Argentina (de la Marchette, l’affixe utilisé par l’élevage de Grégory Wathelet, ndlr), elle est certainement le cheval dont nous sommes le plus fiers. Elle a été élevée à partir d'une jument très "normale", qui venait de sauter des épreuves d'un mètre avec une amatrice, et d'un étalon non approuvé choisi par mon père. Cette combinaison inattendue a conduit à l'élevage d'un cheval si incroyable, que j'aime l'appeler “Ma petite étoile”. Elle saute maintenant des Grands Prix 2* et a gagné les championnats de Belgique. Je ne sais pas si elle sautera des Grands Prix 5*, mais elle est incroyable.



“Les quatre concours du Rolex Grand Slam sont l’apogée du saut d’obstacles”

Les installations de Grégory Wathelet vues du ciel.

Les installations de Grégory Wathelet vues du ciel.

© Sébastien Boulanger

Dans quelle mesure pensez-vous que le Rolex Grand Slam exerce une influence positive pour le sport du saut d'obstacles?  

C'est tellement important pour ce sport. Je pense que les quatre concours sont l’apogée des compétitions de saut d’obstacles, ils ont tous une si bonne ambiance et attirent à la fois les VIP et le grand public, ce qui est formidable pour le sport.

Aix-la-Chapelle et Genève sont certainement mes préférés parmi les étapes du Grand Chelem. Les lieux et le public sont incroyables. J'ai gagné des coupes des Nations et des Grands Prix à ces événements à de nombreuses reprises, ils occupent donc une place très spéciale dans mon cœur. À mon avis, Genève est le meilleur concours indoor. Tout y est parfait pour les chevaux.

Dans votre carrière/vie, qui a été votre plus grande source d'inspiration?

J'ai toujours été un grand fan de John Whitaker, de sa façon de monter et de gérer ses chevaux. Cependant, il n'y a pas une seule personne qui soit mon plus grand modèle. J'ai été inspiré par tellement de personnes tout au long de ma carrière. Je regarde, j'écoute et j'apprends des tout meilleurs, ce qui m'aide à continuer à m'améliorer et à apprendre, afin de rester au sommet de mon art.

Quel est le meilleur conseil qu'on vous ait donné dans votre carrière?

Mes parents m'ont toujours dit que je devais travailler dur et que si je le faisais, j'obtiendrais ce que je voulais. Peu importe si c'est avec les chevaux ou si c'est dans la vie de tous les jours.

Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui envisage une carrière professionnelle dans le saut d'obstacles?

Je réitérerais l'importance des conseils que mes parents m'ont donnés. Même si vous ne venez pas d'un milieu équestre ou si vous n'avez pas de gros moyens financiers, il est toujours possible de réaliser vos rêves, à condition de travailler dur. Par exemple, Jérôme Guéry et moi avons tous deux remporté des médailles aux Jeux olympiques de cette manière. Bien sûr, le chemin est long et difficile, mais le voyage vous rend plus fort. Tout est possible si l'on travaille dur.