Pourquoi ne sont-ils que trente-trois à disputer la finale de la Coupe du monde Longines?

Trente-trois couples s’élanceront dans la Chasse de la finale de la Coupe du monde Longines, ce soir à Göteborg. Trente-trois seulement, hélas… Il faut remonter dix ans en arrière pour trouver trace d’une finale si peu courue. C’est d’autant plus inquiétant que l’on attendait plutôt un record de participation… GRANDPRIX a essayé d’analyser les multiples causes de ce phénomène.



Un lieu mythique, le Scandinavium de Göteborg, dont la piste ovale accueille sa quinzième finale de la Coupe du monde Longines, une organisation mieux rodée qu’aucune autre, l’un des tout meilleurs chefs de piste de la planète, l’Espagnol Santiago Varela Ullastres, et une dotation d’1,3 million d’euros! Que demande le peuple, serait-on tenté de dire? Et pourtant, ils ne seront que trente-trois ce soir au départ de la Chasse, épreuve inaugurale de cette quarante et unième finale. Trente-trois, c’est quatre de moins que l’an passé à l’AccorHotels Arena de Paris ou en 2017 à Omaha, aux États-Unis, ou encore sept de moins qu’à Las Vegas en 2015, la dernière année préolympique, et même dix de moins qu’en 2010 à Genève et 2011 à Leipzig. Depuis la finale de 2009, disputée par vingt-neuf couples seulement à Las Vegas, c’est la plus faible participation enregistrée dans ce sommet printanier (voir graphique).
 
Même si le recalage dès la première visite vétérinaire du crack de la Belge Gudrun Patteet, Sea Coast Pebbles Z, sorti parce qu’il harperait de plus en plus fort, a aggravé cette réalité statistique, il y a de quoi s’inquiéter devant tant de forfaits. En effet, compte tenu des résultats des différentes ligues qualificatives et des règlements de la Fédération équestre internationale (FEI), on s’attendait plutôt à voir un nombre record de concurrents, supérieur à quarante, voire à quarante-cinq. De plus, comme l’on pouvait s’y attendre, aucun Européen qualifié dans la ligue d’Europe de l’Ouest, qui demeure de loin la plus compétitive, ne manque à l’appel. C’est donc sur les autres régions du monde qu’il faut porter son regard.
 


La FEI ne devrait-elle créer un délit de snobisme ?

 
En Europe, seule Edwina Tops-Alexander, domiciliée aux Pays-Bas, ne s’est pas rendue en Suède. L’Australienne est désormais coutumière du fait puisqu’elle avait déjà renoncé à la finale de Paris, de même qu’aux Jeux équestres mondiaux de Tryon. Si le jeune Vinchester, le deuxième cheval avec lequel elle s’est qualifiée, est arrêté depuis le 13 janvier, California, sa jument de tête, est en pleine forme, à en juger par sa récente cinquième place dans le Grand Prix du Saut Hermès au Grand Palais. Et l’on peut parier que la cavalière ne manquera pas les CSI 5* de Mexico et Miami, les deux et troisième étapes du double circuit Longines Global Champions Tour (LGCT)/Global Champions League (GCL), programmés ces deux prochaines semaines. C’est son choix, qu’il faut respecter.
 
En revanche, la Fédération équestre internationale (FEI) devrait peut-être réfléchir à une évolution de son règlement. Certes, l’Australienne a obtenu son ticket en tant qu’«extra» – autrement dit elle ne compte pas dans le quota de dix-huit Européens qualifiés. Cependant, elle a disputé cinq étapes du circuit, à Oslo, Vérone, La Corogne, Londres et Bâle, autant d’excellents CSI 5*-W où le nombre de participants est limité alors que bien des cavaliers rêveraient d’avoir l’opportunité de marquer des points et de se qualifier pour la finale. Face aux cavaliers ne jouant plus le jeu, prenant la Coupe du monde pour un self-service, la FEI ne devrait-elle créer un délit de snobisme et priver les contrevenants d’une participation à son circuit hivernal? Naturellement, chaque situation devrait être soumise à l’appréciation du tribunal de la FEI, en gardant à l’esprit que le bien-être du cheval doit rester la priorité des priorités.
 


Hécatombe en Amérique du Nord…

 
La plupart des défections sont le faits de cavaliers inscrits dans les deux sections de la ligue nord-américaine. De fait, alors que les généreux règlements de la FEI accordent chaque année pas moins de dix places aux États-Unis, deux au Canada et deux au Mexique, il n’y a que cinq Américains à Göteborg, et aucun représentant des deux autres nations. Dans le détail, sur la côte Est, cela concerne d’abord Molly Ashe Cawley, dont les deux chevaux, D’Arnita et Cat Ballou, n’ont plus concouru depuis novembre, Lucy Davis, dont le très bon Caracho 14 a enregistré des résultats en demi-teinte en 2019, ou encore Matthias Tromp, qui a perdu ses deux montures qualifiées, Chicago Hof Eversem Z et Quinta 106, confiées depuis cette année à son compatriote Peter Lutz… Pas grand-chose à dire pour ceux-là. En revanche, cela concerne aussi deux stars très bien équipées : les champions du monde en titre McLain Ward et Laura Kraut. Le premier espérait défendre ses chances avec Clinta, mais sa partenaire des Jeux équestres mondiaux de Tryon n’est pas apparue au mieux début mars à Wellington, contraignant son cavalier à l’abandon dans un Grand Prix CSIO 4*. Cependant, McLain aurait pu venir avec HH Azur Garden’s Horses, victorieuse dimanche dernier du dernier Grand Prix CSI 5* de Wellington, ou avec les moins expérimentés HH Gigi’s Girl et Contagious, également en pleine forme… Bref, difficile d’excuser son absence. Il est de même pour Laura, apparemment en pleine confiance avec Zeremonie et Confu. Peut-être préfère-t-elle – ou bien les propriétaires de ses chevaux – se concentrer sur la Global Champions League, qu’elle disputera sous les couleurs des Monaco Aces...
 
Dans cette ligue, on pouvait aussi compter sur quelques «extra». Citons Shane Sweetnam, qualifié avec trois chevaux: Main Road, mort il y a deux mois, Don’t Touch du Bois, vendu, mais surtout Indra van de Oude Heihoef, en pleine forme actuellement. Cependant, l’Irlandais aussi est engagé dans une écurie de la GCL, les Shanghai Swans… Citons encore le Néo-Zélandais Sharn Wordley, qualifié avec Barnetta, arrêtée actuellement, mais aussi Casper, très performant dernièrement. Rien à dire, au contraire pour l’Allemand Wilhelm Genn, dont le meilleur cheval, Bugatti, n’est pas franchement brillé en 2019, de même que pour l’Irlandais Conor Swail, guère plus à son avantage ces dernières semaines sur Rubens LS La Silla et GK Coco Chanel. Pour cette ligue, signalons que le règlement n’autorise pas à repêcher au-delà de la douzième place et que, par le jeu des «extra», Tromp, dernier qualifié, était déjà treizième.
 
Sur la côte Ouest, c’est probablement la malchance qui a privé de finale l’Américain Richard Spooner, vainqueur de la sous-ligue, Quirado RC, son cheval de tête, étant arrêté depuis mi-novembre. Celui qui était autrefois installé près de Carcassonne était également qualifié avec Quitana 11, mais il n’a monté cette jument qu’une seule fois en CSI, justement lors Grand Prix CSI 3*-W de Rancho Murieta où il a marqué des points… On espérait davantage voir à l’œuvre l’excellent Égyptien Nayel Nassar, avec Lordan, absent des CSI depuis novembre mais deuxième du Grand Prix national à un million de dollars de Thermal, ou sur Lucifer V, classé dans pas moins de trois Grands Prix CSI 5* cet hiver à Wellington et vainqueur du Grand Prix national à 1 million de dollars d'Ocala le 24 mars. Lui aussi a peut-être privilégié la GCL, qu’il dispute pour le compte des Paris Panthers, ou tout simplement l'argent facile...
 
Du côté du Canada, Nicole Walker et Mario Deslauriers semblaient en mesure de défendre correctement leurs chances. C’était encore plus vrai pour les Mexicains Salvador Oñate et Eugenio Garza Pérez, mais peut-être ont-ils préféré ménager leurs montures en vue des Jeux panaméricains de Lima, où ces deux nations tenteront de se qualifier pour les Jeux olympiques de Tokyo. Dans ce cas, on ne saurait leur jeter la pierre. À noter enfin que ce rendez-vous, comme très souvent, n’accueille aucun représentant des ligues de Chine, notamment en raison des sévères quarantaines imposées aux chevaux, d’Australie, de Nouvelle-Zélande, du Caucase, d’Asie centrale, d’Asie du Sud-Est, d’Amérique centrale et des Caraïbes, ou encore de la ligue du nord de l’Amérique du Sud, où le niveau technique des CSI 1*-W et 2*-W qualificatifs demeurent très éloigné de celui de la finale…
 
Bref, bien que ce chiffre de trente-trois soit lié pour une large part à des questions conjoncturelles, il appartient à la FEI d’analyser tous les problèmes et, si nécessaire, d’adapter ses règlements, pour protéger ce fabuleux circuit, ainsi que ses sponsors et organisateurs.

Le règlement de la Coupe du monde
La liste des participants
La liste de départ de la Chasse