“Il est beaucoup plus difficile pour les jeunes d’atteindre le haut niveau en dressage qu’en jumping”, Isabell Werth
Fin novembre, Aix-la-Chapelle a accueilli la quatrième édition des Aachen Dressage Youngstars, un concours international réservé aux Jeunes cavaliers, Juniors, Enfants et cavaliers montant à poney. Se sont également retrouvés en piste les participants au programme de camp d’excellence organisé par le CHIO d’Aix-la-Chapelle, dont Isabell Werth assure la direction technique. Dans cet entretien, la championne allemande, athlète la plus titrée au monde, évoque les difficultés rencontrées par les jeunes cavaliers lors de la transition vers le circuit Seniors.
Quelle est la situation pour le dressage allemand en ce qui concerne les jeunes cavaliers en devenir?
Nous avons de très bons couples cheval-cavalier. Le facteur décisif est de savoir dans quelle mesure ils peuvent également s’intégrer au sport de haut niveau. Par exemple, dans le cadre des compétitions U25 et du Prix Piaffe (très important rite de passage en Allemagne, ndlr), nous pouvons nous assurer que les cavaliers sont bien préparés, mais l’étape décisive est de leur faire découvrir le grand circuit Seniors.
Pour y parvenir, outre un cheval de haut niveau, beaucoup d’autres éléments semblent indispensables…
C’est vrai. Avoir le bon cheval est une chose, mais entraîner ce cheval pour le sport de haut niveau en est une autre.
Pourquoi les jeunes cavaliers ont tant de difficultés à atteindre le haut niveau en Seniors? Parce qu’il ne suffit pas d’être “juste” bon à cheval?
C’est cela, et c’est ce qui rend le dressage beaucoup plus difficile que le saut d’obstacles de ce point de vue. Un talentueux cheval de saut qui s’illustre au niveau Jeunes Cavaliers a également tendance à poursuivre son évolution vers le haut niveau en Seniors (tout est question de moyens, mais cinq centimètres seulement séparent les hauteurs moyennes des Grands Prix CSIY et CSI 3*, ndlr). C’est différent en dressage. Le cavalier doit d’abord apprendre le piaffer et le passage avec son cheval, ce qui est un grand pas. L’écart technique est simplement beaucoup plus important en dressage qu’en saut d’obstacles.
En tant que cavalière la plus titrée au monde, que suggérez-vous ?
Je n’ai pas de solution. Je fais toujours remarquer qu’il ne suffit pas d’apprendre à exécuter les exercices. C’est l’entraînement du cheval qui est l’aboutissement.
Que s’est-il passé dans votre cas?
J’ai eu beaucoup de chance d’être entraînée par le Dr Schulten-Baumer, à l’âge de dix-sept ans. Il s’est toujours intéressé uniquement au Grand Prix et s’occupait exclusivement de l’entraînement de jeunes chevaux pour ce niveau. Pour lui, sur le chemin vers cet objectif, peu importait que je participe ou non aux épreuves Jeunes Cavaliers. En 1990, quand il avait sept ans, Gigolo (le premier cheval majeur de la carrière de l’Allemande, sextuple médaillé aux JO, en 1992, 1996 et 2000, ndlr) aurait certainement pu participer aux épreuves Jeunes Cavaliers, mais le Dr Schulten-Baumer a tout de suite dit: “Nous allons le préparer pour le Grand Prix.” Commencer à sa préparer pour les niveaux U25 et Grand Prix avec un cheval de dix ou onze ans est souvent trop tard.
Outre sa carrière sur les circuits Jeunes, un jeune athlète devrait alors entraîner des chevaux avec le Grand Prix comme objectif…
Exactement. Idéalement, les jeunes cavaliers devraient disposer d’un cheval expérimenté pour les circuits Juniors et Jeunes Cavaliers, afin d’acquérir de l’expérience, de se familiariser avec les exercices et d’apprendre comment cela fonctionne. Parallèlement à cela, ils devraient poursuivre leur formation sur un jeune cheval talentueux, destiné au niveau Grand Prix.
“Rejoindre l’élite allemande résulte d’un long et difficile travail d’entraînement”
Malgré ces défis, l’Allemagne reste “LA” nation du dressage. Comment parvient-elle encore et toujours à se maintenir au sommet?
Les infrastructures, de l’élevage à la formation, sont excellentes ici. Il y a des couples forts, mais ce sont aussi les mêmes noms depuis de nombreuses années qui ont assimilé le principe de la formation. Dorothee Schneider est sur la scène depuis des années, tout comme les familles Rothenberger, Theodorescu, Linsenhoff et Capellmann-Lütkemeier. Rejoindre ce groupe, comme ont réussi à le faire Jessica von Bredow-Werndl et Benjamin Werndl, résulte d’un long et difficile travail d’entraînement. Helen Langehanenberg en est également un bon exemple. Elle a connu le succès après avoir suivi un long chemin à travers un constant travail de formation. D’ailleurs, la joie continuelle qu’apportent la formation, l’entraînement des chevaux de sport et la transmission de ce plaisir aux jeunes a joué un rôle déterminante dans mon choix d’assumer le rôle qui est le mien au sein du campus du CHIO Aix-la-Chapelle.
En tant qu’entraîneur en chef de dressage du programme d’excellence du CHIO d’Aix-la-Chapelle, vous transmettez ce credo aux jeunes. Comment cela se passe-t-il cette année?
Nous venons d’atteindre la moitié du programme d’excellence. C’est un mélange de cavaliers internationaux du plus haut niveau. Un ou deux d’entre eux espèrent et pourront certainement passer le cap du professionnalisme. Ils se sont clairement fixé cet objectif. Pour d’autres, cela n’est pas l’objectif principal, mais ils restent néanmoins extrêmement engagés dans le sport et évoluent à un très bon niveau. Ensuite, il y a d’autres élèves qui sont sur le point de prendre une décision: dois-je devenir cavalier professionnel ou commencer un apprentissage après l’école? C’est passionnant.
Ce programme d’excellence ne soutient pas seulement les participants dans les aspects sportifs…
Il y a tellement de domaines qui déterminent s’ils réussiront ou s’il manque finalement encore quelque chose. En plus du talent, de l’assiduité au travail et de l’ambition, il faut être en forme, physiquement et mentalement, soigner son hygiène de vie, savoir gérer des équidés et une écurie et communiquer, parmi bien d’autres aspects. Pour tout cela, un large panel d’experts aide les participants au programme d’excellence dans leur cheminement.
Quelle est l’importance de concours comme les Dressage Youngstars d’Aix-la-Chapelle, dans le parcours des jeunes?
C’est très important car les cavaliers doivent acquérir une routine en effectuant des reprises à un niveau élevé, et avoir la possibilité de se confronter aux meilleurs des meilleurs. C’est la seule façon pour eux d’apprendre à faire face à toutes sortes de situations et de pressions. C’est pourquoi plusieurs participants du programme d’excellence y participent.
Qu’est-ce qui, à votre avis, distingue ces épreuves d’autres compétitions?
C’est une indication sur l’état actuel des forces en présence en fin de la saison. Les jeunes cavaliers peuvent à nouveau rivaliser avec leurs collègues, d’autant qu’il s’agit d’un concours international. S’ajoutent à cela, bien sûr, le mythe d’Aix-la-Chapelle et le grand rêve des cavaliers d’avoir la chance de concourir un jour dans le stade Deutsche Bank. Aix sera toujours Aix, ce concours sera toujours spécial pour cela.