“Une année 2021 sans performance mais fondatrice pour mon futur”, Victor Levecque
Double champion d’Europe Jeunes Cavaliers avec son fidèle Phunambule des Auges aux Européens Longines de Fontainebleau en 2018 et multimédaillé au cours de ses années Juniors et Poneys, Victor Levecque évolue parmi les Seniors depuis quelques années. Plus discret en 2021, le Tricolore de vingt-trois ans a pris le temps de reconstruire un piquet de chevaux. Les Jeux olympiques de Paris 2024 sont toujours dans la ligne de mire de l’étudiant à Sciences Po Paris, qui se donne les moyens de ses ambitions.
Quel bilan tirez-vous de 2021?
2021 a été une année très riche en expérience, mais pas du tout au niveau des résultats. En termes sportifs, cela a été une année creuse pour moi, mais il y a plusieurs raisons qui expliquent cela. Malgré tout, je retiens du positif. Il y a eu plusieurs changements, notamment mon déménagement à Maisons-Laffitte avant l’été. J’ai aussi eu la chance d’avoir deux très bons chevaux avec qui j’ai réalisé de belles performances, mais l’un a été vendu, et Phunambule des Auges s’est, quant à lui, blessé au cours de l’année. J’ai donc dû faire sans eux cette saison. J’ai plein de nouvelles montures qui sont jeunes et qui n’ont pas encore d’expérience, il faut du temps pour les former. La bonne satisfaction a été Honey Crunch du Caire, un quatre ans que je monte et qui a réalisé une belle performance à la finale de Pompadour en septembre (avec une septième place, ndlr). C’était une expérience intéressante puisqu’il s’agissait de ma première participation à la finale des Jeunes Chevaux de quatre ans, mais il y a encore plein d’années à construire. Tous les autres chevaux ont fait des épreuves de niveau Pro 4, Pro 3 et 2*. Darjeeling de Bernou a terminé deuxième du CCI 2*-L à Jardy. Ce n’est pas du haut niveau, mais ce sont des chevaux qui vont me permettre d’apprendre à construire des jeunes, qui je l’espère, assureront la relève d’ici l’année prochaine. Je retiens donc une année sans performance mais fondatrice pour mon futur.
Depuis le mois de mai, vous êtes installé à Maisons-Laffitte. Pourquoi avoir déménagé?
Il y a plusieurs raisons qui ont motivé ce changement. J’y réfléchissais depuis presque un an et là, j’ai senti que c’était le moment de le réaliser. Il y avait déjà l’aspect études, puisqu’en 2021, j’ai intégré un master en Sciences Politiques. Ainsi, j’avais besoin de me rapprocher de Paris, même si cette formation m’aide beaucoup à aménager mes études, car je ne pouvais pas me permettre de perdre trop de temps dans les transports. Par ailleurs, dans mes écuries familiales situées à La-Boissière-École, les installations sont vraiment bien mais il me manque un équipement important pour ma discipline : une piste de galop. Jusqu’à présent, j’avais réussi à faire sans et je n’avais pas envie de changer mon système compte tenu du fait que j’avais deux très bons chevaux et qu’il n’est jamais très bon de changer d’environnement. Cette année, ayant un nouveau piquet, je sentais que c’était le moment d’installer un nouveau système. Maisons-Laffitte regroupe tout ce dont j’ai besoin ; il y a toutes les pistes de galop, ce qui est exceptionnel et indispensable pour ma discipline. Le dernier aspect qui m’a motivé à amorcer ce changement est que j’étais le seul cavalier dans la structure que je partageais avec mon père à La-Boissière. Cela a été très formateur puisque nous avions des propriétaires et que je pouvais donner des cours, mais il a été important pour moi de me recentrer sur mon métier de cavalier, compte tenu des échéances et des objectifs que je me fixe. M’installer à Maisons-Laffitte m’a permis de me rapprocher d’Anouk (Canteloup, sa petite-amie, elle aussi double médaillée d’or européenne à Fontainebleau en 2018 dans la catégorie Juniors, ndlr). Le fait de s’entrainer ensemble est une opportunité stimulante et enrichissante.
“J’ai un rêve que j’espère transformer en objectif : devenir champion olympique”
Quels sont vos objectifs pour cette nouvelle saison et les années à venir?
J’ai un rêve que j’espère transformer en objectif : devenir champion olympique. Bien sûr, Paris 2024 fait rêver tous les athlètes. Aujourd’hui, j’en suis encore loin, mais je vais être compétiteur et je pense que l’on pratique un sport dans lequel tout est toujours très ouvert. En France, nous avons de très bons cavaliers et chevaux qui ont beaucoup plus d’expérience et sont déjà en avance sur moi. Je pense qu’il est important pour moi de me fixer des objectifs pour avancer. De manière plus concrète, j’ai Phunambule qui revient en pleine forme. C’est mon cheval de cœur et l’avoir avec moi en compétition change beaucoup de choses. J’avancerai ben sûr en l’écoutant, mais si tout se passe bien et compte tenu de sa forme actuelle, je devrais pouvoir compter sur lui cette année et engranger davantage d’expérience. J’ai quatre ou cinq chevaux qui sont très talentueux et qui – je l’espère – me permettront d’atteindre le haut niveau et mes objectifs, même s’ils sont pour l’heure à un niveau intermédiaire en 2* et 3*. Je ne suis plus trop dans les circuits et dans les championnats, j’en profite donc pour composer une saison à la carte et essayer de donner le maximum de métier possible à mes chevaux. Avec Anouk et un ami, Thomas Colas, nous avons envie de faire une saison un peu différente. Avec la pandémie de Covid-19, nous n’avons pas beaucoup pu aller à l’étranger ces deux dernières années et nous avons donc monté un projet de tournée, un système déjà très répandu dans le saut d’obstacles. Nous avons donc coché trois dates dans le calendrier. Après une étape en Italie, nous irons en Allemagne, puis en France. L’idée est d’y amener tous nos chevaux pour leur donner de l’expérience. Participer à ces concours avec Anouk et Thomas est très stimulant. Cela nous permet également d’amener des partenaires dans cette aventure, qui sont extérieurs au monde du cheval. Il est intéressant pour tout le monde de proposer des circuits de ce type-là. Ce n’est pas du très haut niveau, mais personnellement, j’y vois un intérêt pour mes chevaux. Je peux réaliser cela grâce à mes sponsors, qui me suivent : c’est un peu comme un circuit de Coupe des nations mais sur un niveau intermédiaire.
Sur quels chevaux allez-vous compter?
Cette année, j’ai six chevaux. Il y a Phunambule, avec lequel j’espère participer à quelques épreuves du Grand National. J’ai aussi Darjeeling de Bernou et Duende Elmy*Chacok, qui ont neuf ans et sont en retard par rapport à leur âge. Je pense qu’ils me correspondent bien et qu’ils disposent de beaucoup de talent. Mon défi est donc d’apprendre à les connaître davantage et de les former pour, je l’espère, prendre la relève de Phunambule d’ici un an. J’ai aussi Envol des Ancolies, un cheval de sept ans que j’ai monté l’année dernière. Il est très intéressant et va suivre ce lot de chevaux d’avenir. J’ai également deux étalons de cinq ans ; Halifax PSG et Honey Crunch du Caire, qui sont très bons. Ils sont à l’heure dans leur formation et devraient courir la finale de Pompadour cette année après leurs bons résultats l’an passé. Je vais devoir les laisser mûrir, avec comme objectif le championnat du monde du Lion d’Angers à six ou sept ans.
“Par le biais traditionnel du vote, nous avons du mal à sentir l’engagement des jeunes”
Commment parvenez-vous à allier études et équitation?
J’ai un programme très chargé, mais c’est une volonté de ma part. Mon déménagement à Maisons-Laffitte m’a beaucoup facilité les choses pour concilier ces deux aspects là. Mon master en Sciences Politiques m’aide énormément et m’offre la liberté d’étaler mes études un peu plus sur la durée. Ainsi, au lieu de conclure mon master en deux ans, je le fais en trois ans. Pour le moment, tout se passe très bien et je suis à Sciences Po depuis longtemps maintenant. Je me donne toutes les chances de réussir et j’ai une belle équipe à la maison qui m’aide avec mes chevaux. Ce fonctionnement me plaît, et pour l’instant, tout fonctionne comme je le souhaite.
Vous êtes membre de la FDJ Sport Factory. En quoi cela consiste-t-il?
Mon déménagement à Maisons-Laffitte m’a beaucoup facilité les choses. Il y a maintenant deux ans, la Française des jeux (FDJ) a annoncé être partenaire des Jeux olympiques de Paris et a ainsi commencé à soutenir un collectif de sportifs. Il y a vingt-sept athlètes qui ambitionnent les Jeux para-olympiques, que ce soit pour les sports d’été ou d’hiver. L’objectif est de les accompagner vers les Jeux de Paris, et la FDJ est un partenaire très important pour moi. Elle sera à nos côtés à moyen terme puisque cela fait déjà deux ans qu’elle nous accompagne et qu’elle le fera encore pendant trois ans, jusqu’aux Jeux olympiques. C’est très enrichissant puisque cela me permet de côtoyer tout un pôle d’athlètes qui me font rêver et qui ont déjà participé plusieurs fois aux JO. En termes de partage d’expérience, c’est très intéressant pour moi. Avoir un partenaire aussi important que la FDJ à mes côtés me permet de me projeter dans l’avenir avec de nouveaux chevaux et de pouvoir mettre en place un système pérenne.
Que vous inspire le monde actuel et qu’aimeriez-vous voir changer?
Une question très Sciences Politiques! (rires) Je suis quelqu’un de toujours très optimiste, et je préfère voir les belles choses plutôt que celles qui ne vont pas. J’ai bien conscience que de nos jours il y a énormément d’enjeux, et chacun a son importance. À ma petite échelle, avec les personnes qui travaillent avec moi, j’essaie de toujours avoir des objectifs pour avancer et surtout de donner du sens à ce que je fais avec des valeurs qui me correspondent telles que l’éthique et la prise de conscience de la planète. Je suis encore jeune, mais mes études me permettent d’ouvrir les yeux par rapport à tout cela. Je tente de prendre un peu de recul pour voir tous les enjeux. Je suis plutôt quelqu’un qui adore la vie, avec plein d’idées, de projets et de rêves.
Les jeunes semblent se désintéresser de plus en plus de la politique. Pensez-vous qu'il soit important pour votre génération de s'impliquer davantage dans le débat politique, qui plus est avec une élection présidentielle approchant à grands pas?
J’avais un oral sur le même sujet il y a deux jours (rires). C’est un constat évident, que ce soit en France ou dans le monde. Je ne dirais pas que les jeunes se désintéressent de la politique, mais plutôt qu’ils ne manifestent pas de manière classique leur intérêt à la politique, c’est à dire par le vote. Nous pouvons observer sur les dernières élections une abstention générale importante, mais plus encore chez les jeunes. Je pense que nous n’avons jamais été autant éduqués à ce sujet, nous sommes conscients de tous les enjeux environnementaux, cependant, nous le montrons autrement. Nous voyons de plus en plus de jeunes dans les manifestations, il y a aussi tout un tas de mouvements liés à l’écologie initiés par la jeunesse. Je pense que le mot désintérêt n’est pas le bon. En revanche, par le biais traditionnel du vote, nous avons du mal à sentir l’engagement des jeunes. Je pense que les élections présidentielles n’ont rien à voir avec le reste. Sur les autres élections, nous avons le sentiment que le vote de la jeunesse ne changera pas grand-chose. Concernant la présidentielle, je pense qu’elle est tellement importante que, selon moi, le taux d’abstention des jeunes devrait diminuer. Il est important de s’impliquer, mais c’est parfois compliqué car nous pouvons parfois avoir l’impression que personne ne nous satisfait vraiment sur la scène politique.