La foule des grands jours et un engouement palpable au Salon des étalons de Saint-Lô

Dès l’ouverture des portes du Pôle Hippique de Saint-Lô vendredi aux alentours de 18h00, les visiteurs sont pressés aux abords de la piste indoor pour l’édition 2022 du Salon des étalons. La soirée a été particulièrement belle avec des Masters très suivis, avant une journée de samedi record. Plus de huit mille personnes ont ainsi pu admirer pendant trois jours près de cent cinquante étalons, sous la selle, à l’obstacle ou en main, y compris des poneys performeurs. Un succès populaire qui fleure bon le début de saison !



Yann Adam a le sourire après une année de pause forcée et une petite frayeur en janvier à la suite des mesures sanitaires annoncées. Directeur du Pôle Hippique depuis 2013, il a ainsi vécu sa huitième édition, soit la moitié des Salons des étalons depuis sa création. 

Privés de Jumping International de Bordeaux, qui accueille d’ordinaire le premier salon des étalons de l’année, les éleveurs ont donc enfin pu assouvir leur besoin de voir les futurs pères de leurs poulains. Cet engouement se ressentait à chaque pas dans un hall entièrement consacré à l’élevage. Amateurs ou éleveurs chevronnés, tous ont pris un plaisir non dissimulé à échanger, comparer, observer et par la même occasion prendre des nouvelles des uns et des autres. Une chaleur que beaucoup avaient oublié après l’annulation du salon 2021 en raison de la pandémie, finalement synonyme de soulagement pour ses organisateurs, Yann Adam en tête. “Quand Bordeaux a annulé, j’étais persuadé que c’était foutu”, avoue-t-il. “Je suis pourtant optimiste de nature. Mais si nous n’avions pas pu le faire en pleine convivialité et de la façon dont nous le souhaitions, ça n’aurait pas été possible.” Heureusement, le calendrier et les restrictions se sont assouplis, offrant l’opportunité d’un quasi-retour à la normale. “Nous aurions pu penser, avec l’annulation de 2021, que nous pourrions nous contenter des catalogues, des sites Internet, etc. Malgré tout, les éleveurs ont besoin de voir les chevaux, d’échanger, de parler origines. Beaucoup de monde s’est rendu aux boxes afin de voir les chevaux de près. Il y avait du monde partout”. Les étrangers aussi ont fait le déplacement, même si la tempête Eunice en a découragé certains.   “Grâce au Covid-19 – et c’est un peu incroyable de dire ça – et au passe vaccinal, nous savons précisément combien de visiteurs ont assisté à l’événement. Cinq mille cinq cents bracelets ont été distribués sur le week-end, avec un taux de retour de visiteurs d’environ quarante pourcent soit à peu près huit mille personnes en tout. Les parkings étaient bondés, ce qui arrive rarement, même un dimanche de Grand Prix du CSI4*.”

Horizon du Cerisier sous la selle du formateur de jeunes chevaux Stéphane Dufour.

Horizon du Cerisier sous la selle du formateur de jeunes chevaux Stéphane Dufour.

© Xavier Boudon



Sémillants Sémilly

Les Masters du vendredi ont proposé une entrée en matière plutôt sportive. Trente-sept étalons âgés de quatre, cinq et six ans ont évolué sur un parcours raccourci tout en étant jugés par un panel d’experts. Chez les quatre ans tout juste sortis du testage, les juges ont désigné deux vainqueurs ex aequo : I Am Semilly (SF, Casall x Diamant de Semilly) et Inédit du Moulin (SF, Corrado du Moulin x Vigo d’Arsouilles). Sans trop de surprise, le protégé de Jérémie Rolland, Happy Day d’Iscla (SF, Toulon x Kannan) a de nouveau impressionné dans la génération des cinq ans, talonné néanmoins par le félin Hoptum de l’Abbaye (SF, Malito de Rêve x Diamant de Semilly). Enfin, les six ans ont à nouveau récompensé deux ex-æquo, le champion du testage 2019 Good Pleasure Semilly (SF, For Pleasure x Diamant de Semilly) et le puissant Galion de Perhet (SF, Cornet Obolensky x First de Launay). Si l’intérêt de revoir ces mâles à l’obstacle en ouverture de saison est indéniable, les quatre ans ont semblé quelque peu impressionnés par l’environnement, l’écran géant et la foule dans les gradins. “Le but est de les montrer aux éleveurs”, explique Richard Levallois, du haras de Semilly. “On ne cherche pas à les piéger mais à leur apprendre à bien sauter et aider les éleveurs à choisir l’étalon pour leurs juments. Il est vrai qu’il est un peu tôt pour les quatre ans, mais ils disposent déjà d’un bagage grâce au testage.” Le haras de Semilly a bien entamé son week-end, quelques jours après la disparition du chef de race “maison” Diamant de Semilly. “L’idée est de sélectionner des chevaux de qualité et pourquoi pas un jour d’avoir un remplaçant de Diamant. C’est aussi pour diversifier les lignées, présenter une offre assez large. Si on présente toujours le même sang, on tourne en rond.”  Pour le clan Levallois, cette ouverture positive était la bienvenue. “Ces résultats nous a permis de commencer ce salon sur une bonne note”, admet Richard Levallois, propriétaire et exploitant d’I Am Semilly, Hoptum de l’Abbaye et Good Pleasure Semilly. “Ce sont trois chevaux complètement différents et qualiteux chacun à leur façon, tous avec un bon mental. Hoptum a été agréé dès l’âge de trois ans mais je ne lui ai pas fait faire la monte l’an dernier. Il n’était pas fini, je ne voulais pas le bousculer. Il a effectué sept parcours puis je l’ai laissé tranquille. Il avait besoin de finir sa croissance. Maintenant, il saute comme un crack.”



“Le pari des Masters est une réussite”, Yann Adam

Yann Adam, directeur du Pôle Hippique, se montre quant à lui satisfait de ce programme. “La tenue des Masters sans autre épreuve le vendredi soir était une première”, explique-t-il, “car ils se déroulaient d’habitude le samedi soir avant le Grand Match. Avec la disparition du Championnat SF des trois ans le vendredi, nous nous sommes demandé si nous devions maintenir cette soirée. Le pari est une réussite et Pascal Cadiou m’a conforté sur ce point. Les Masters ont leur place et le public est venu dès le vendredi. Le problème des 4 ans est qu’en général, ce sont des 3 ans qui ne sont jamais sortis. Toutefois, hormis à la sortie du testage où seuls quelques professionnels ont assisté à leur évolution, le public ne les a quasiment jamais vus.”

 Samedi se tenait donc le Grand Match, une épreuve-spectacle par équipes de trois étalons, mêlant parfois chevaux et poneys. Si la foule était au rendez-vous, la pertinence d’une telle compétition interrogeait. “Nous subissons la concurrence des tournées hivernales”, explique Yann Adam. “Les étalonniers et cavaliers valorisant les étalons sont très prudents et ne veulent pas trop mettre leurs chevaux à l’effort. Mais ce Grand Match a le mérite de remettre en lumière certains étalons un peu oubliés ou moins suivis. J’ai en mémoire l’exemple de Vigo Cécé. Ça reste un moment important, les éleveurs regardent avec attention et s’appuient dessus aussi pour leurs choix. Notre priorité : que la majorité des étalons en âge de sauter y participent, que ce soit une épreuve ou une démonstration. Quand je suis arrivé au Pôle Hippique, cette soirée de gala se tenait dans les écuries du Haras autour d’un banquet. Cela me semblait plus pertinent de montrer des chevaux.”

Présenté en compétitions internationales par le Belge Jérôme Guéry, Eras Ste Hermelle a été présenté au public de Saint-Lô.

Présenté en compétitions internationales par le Belge Jérôme Guéry, Eras Ste Hermelle a été présenté au public de Saint-Lô.

© Xavier Boudon



Un hommage à l'inoubliable Diamant de Semilly

Dimanche, face au public, le comité organisateur a rendu un hommage simple et fort au chef de race disparu mardi dernier à l’âge vénérable de trente-et-un ans en présence d’Anne-Sophie, Richard et Éric. Tous ont prononcé quelques mots, très émus, notamment son cavalier chez qui il vivait depuis des années. Un “merci” vibrant et teinté de larmes qui a touché tout le monde, jeunes ou moins jeunes, Diamant appartenant aux légendes des sports équestres. La question de l’héritage génétique se posait évidemment de façon encore plus prégnante. 

Qui parviendra à égaler le fils de Le Tot de Semilly ? “Je place énormément d’espoirs dans deux de ses fils directs, Rock’n Roll Semilly (SF, Diamant de Sémilly x Apache d’Adriers), un cheval avec un mental et un physique exceptionnels, qui a concouru en 5* pendant près de dix ans et qui a montré sa dureté dans l’effort. Il est différent de Diamant avec une lignée maternelle confirmée. Je pense aussi à Andiamo Semilly (SF, Diamant de Semilly x Muguet du Manoir) dont les premiers produits s’annoncent prometteurs et à qui les éleveurs font confiance (avec plus de cent soixante juments en 2021, ndlr). Il est très moderne, près du sang, et c’est ce que nous recherchons aujourd’hui”.



Le Selle Français au rendez-vous

Côté Stud-book Selle Français, le bilan est là aussi positif. “Nous avons eu finalement un peu moins de chevaux que prévu, mais la qualité est bien présente”, témoigne Pascal Cadiou, son président. “Le marché se resserre, le nombre d’étalons en activité l’an passé a légèrement baissé, tandis que ceux ayant sailli cent juments et plus augmente. Cela va donc dans le bon sens, car pour mieux connaître la descendance, il faut avoir un certain nombre d’individus à caractériser.” L’impression générale de ce salon est corroborée par les statistiques 2021 avec quatorze pourcents de juments saillies en plus. “C’est significatif”, souligne-t-il. Une relance observée depuis plusieurs années que ne dément pas Yann Adam. “C’est dans la droite ligne du commerce des jeunes chevaux. On sent depuis un an qu’il y a un vrai besoin de chevaux. Les éleveurs décident donc de produire des poulains, il y a la volonté de mettre plus de juments à la reproduction et forcément de venir au salon choisir les étalons. Ce qui est nouveau, c’est que les éleveurs ont réservé leur week-end pour venir signer leurs contrats de saillie pendant le salon.” Preuve en est l’énorme quantité de coupons déposés dans l’urne pour le tirage au sort de la saillie gratuite du jour. “Samedi à 14h, nous étions en rupture de stock de coupons”, dit-il, “d’habitude nous en imprimons six cents et il en reste toujours. Là, nous avons dû improviser pour en fabriquer de nouveaux. Il y a très certainement eu des records de contrats signés, et c’est un signe important.”

Les stands des étalonniers majeurs n’ont pas désempli. Les étalonniers plus modestes n’étaient pas en reste grâce à une politique d’ouverture voulue par le comité organisateur. “Nous avons réussi ce pari de permettre à de petits étalonniers d’être présents et se montrer”, dit Yann Adam. Le champion de France des sept ans Emir de Chanu, le complice de Jérome Guéry Quel Homme de Hus, ou encore Thaïs de Pégase, et d’autres encore ont séduit. “Le haras du Herin, propriétaire d’Emir de Chanu, venait pour la première fois au salon avec son cheval. Il s’interrogeait vraiment sur l’utilité de participer. Bilan : il a eu plein de contacts et était ravi.” Une occasion que beaucoup n’ont pas voulu manquer car il s’agissait de l’unique salon de la saison. “À l’instar de ce qui se fait en agriculture avec le Sommet de l’élevage de Clermont-Ferrand ou le SPACE de Rennes, c’est à mon sens devenu LE salon national professionnel de l’élevage de chevaux et poneys de sport”, complète le directeur du Pôle. Un enthousiasme palpable qui pourrait même créer des vocations… !