“Quand je regarde en arrière, je ne pense pas à mes trois victoires mais aux deux que j’ai manquées!”, Steve Guerdat
Après trois années d’attente, Steve Guerdat, tenant du titre, prendra le départ de sa quatorzième finale de la Coupe du monde, cet après-midi à Leipzig. Le Suisse, qui s’est déjà offert ce titre tant convoité à trois reprises, en 2015 avec Albführen’s Paille de la Roque, en 2016 Corbinian et 2019 avec Alamo, entrera-t-il dans l’histoire en devenant le premier cavalier à soulever quatre fois ce trophée tant convoité? Associé au Selle Français Victorio des Frotards, il aura ses chances à n’en pas douter.
Comment s’est passée votre préparation à cette finale?
Victorio des Frotards (SF, Barbarian x Prince Ig’Or, AA) est en forme, et j’ai hâte que cette finale commence. Je suis content du travail que nous avons effectué depuis quelques semaines. Je l’ai emmené à Arezzo pendant deux semaines pour l’entraîner. J’avais quinze chevaux là-bas et j’avais prévu de faire un aller-retour entre les deux semaines de concours pour le monter à la maison. Cependant, j’ai préféré l’emmener, et j’ai bien fait. C’était agréable de s’entraîner là-bas. Nous avons sauté quelques petits obstacles pour le maintenir en forme. Vendredi, il est rentré aux écuries. Lundi, nous avons sauté une dernière fois avant de partir à Leipzig.
Quels sont les points forts de ce cheval?
Lorsque je l’ai eu à mes côtés je me projetais différemment avec lui. Il avait déjà eu du succès au niveau CSI 3* avec Raphaël Goehrs. À ce moment-là, je pensais qu’il pouvait devenir un très bon cheval pour les épreuves de vitesse à 1,45m. Cependant, j’ai été surpris de constater qu’il n’était pas aussi facile avec lui de franchir des obstacles avec de la vitesse, et qu’il avait beaucoup plus de puissance que je ne le pensais. Ainsi, l’inverse c’est produit. Alors que je le pensais très respectueux et un peu moins rapide, je me suis rendu compte qu’il était parfois moins respectueux, mais très vif. Il est toujours difficile de l’avoir totalement disponible le jour J. Parfois, il gagne un Grand Prix alors que je ne m’y attendais pas, en sautant incroyablement bien. Puis, la semaine suivante, il saute moins bien mais gagne quand même. Parfois, il saute très bien mais nous sortons du parcours avec quatre ou huit points de pénalité. Je ne peux pas prédire comment cela va se passer. Je suis ravi qu’il se sente bien, mais je mentirais si je disait que je suis confiant à 100% cette semaine.
Il s’agit de votre quatorzième finale de Coupe du monde. Cela devient-il une banalité pour vous?
Non! Pas du tout! Pour moi, la finale de la Coupe du monde a toujours été quelque chose que j’attends avec impatience. Lorsque j’étais très jeune, cette finale, après son circuit qualificatif, était un point culminant dans une saison de concours. Lorsque j’étais encore enfant, y participer était un rêve. Aujourd’hui, je suis honoré de faire ce qui me faisait rêver quand j’étais enfant!
Gagner trois fois avec trois chevaux différents n’est-ce pas fantastique?
Je n’aime pas regarder en arrière, mais si je le fais, je regrette plus encore d’avoir manqué deux victoires avec mon meilleur cheval, Nino des Buissonnets (SF, Kannan x Narcos II, avec lequel il a été sacré champion olympique en 2012 à Londres, ndlr). J’ai barré deux fois pour la victoire et fini deuxième (à Bois-le-Duc en 2012, puis à Göteborg en 2013, ndlr). J’aurais dû gagner les deux fois. Quand je regarde en arrière, je ne pense pas à mes trois victoires, mais aux deux que j’ai manquées! En attendant, je suis ici cette semaine et tout aussi excité que lors de ma première finale!
“Je suis prêt à me battre!”
Vous êtes devenu le père d’Ella, qui a maintenant douze mois. Cela a-t-il changé quelque chose pour vous?
Bien sûr. J’ai beaucoup plus de responsabilités maintenant que je dois m’occuper de ma fille. Avoir un enfant change la vie. Pour autant, même si cela peut paraître étrange, j’ai l’impression d’avoir déjà été père avant tant j’ai eu de chevaux extraordinaires avec lesquels j’ai nourri des relations très fortes! J’ai conscience que c’est différent, mais on doit les admirer, prendre soin d’eux et passer jour et nuit à leurs côtés, comme je le fais désormais avec mon enfant.
Qu’avez-vous appris en montant Victorio des Frotards?
Lorsque je l’ai eu, j’avais de grands espoirs, puis, je les ai perdus. Ensuite, j’ai dû trouver un moyen de le comprendre, d’être plus patient avec lui et de ne pas m’énerver après une faute. J’ai dû apprendre à être un meilleur cavalier et mieux le comprendre. Je ne le comprenais pas de la bonne manière. Il m’a appris à ne pas être têtu et à être plus ouvert d’esprit sur la façon dont je dois le monter afin de m’entendre avec lui.
Concourir à nouveau à Leipzig représente-t-il quelque chose de spécial pour vous?
Lorsque je pense à Leipzig, je me revois gagner ma première épreuve de grande envergure. J’avais seize ans et j’avais remporté une voiture… que je ne pouvais même pas conduire! J’avais battu Marcus Ehning, Hugo Simon et Ludger Beerbaum au barrage. C’est un souvenir extraordinaire. Ce concours regorge d’histoire. Je pense bien sûr à Christian Ahlmann et Taloubet Z (KWPN, Galoubet A x Polydor, vainqueurs de la finale de 2011, entre autres, ndlr).
Quels sont vos objectifs ces prochains jours?
Je dois gérer une nouvelle situation. Je mentirais si je disais que je suis arrivé ici confiant à 100%. J’ai des chevaux fantastiques qui mûrissent mais ils sont encore trop jeunes. J’ai donc un peu de retard. Vénard de Cerisy (SF, Open Up de Semilly x Djalisco du Guet) a fourni beaucoup d’effort l’an passé, donc je lui ai donné une pause pendant la période hivernale. Cette année, je vise avec lui les grandes compétitions extérieures. Albführen’s Maddox (SWB, Cohiba 1198 x Maraton) étant difficile à canaliser en indoor, j’ai choisi Victorio. Cependant, nous n’avons pas eu beaucoup de succès ces derniers mois.
J’ai emmené beaucoup de chevaux travailler en Espagne et en Italie pour tenter de construire la relève. Je pense qu’ils sont très prometteurs. En revanche, lorsqu’on observe mes résultats ces quatre ou six derniers mois, ils n’ont pas été très bons. Ce n’est pas facile: j’aime monter mais j’aime aussi gagner. J’ai donc passé beaucoup de dimanches soir sans beaucoup dormir pour réfléchir à la façon de m’améliorer et de changer. C’est une nouvelle situation, et je pense que le vent peut tourner. Je suis prêt à me battre! Je vais prendre les choses au jour le jour et concourir du mieux que je le pourrai.
“Victorio a gagné cinq Grand Prix CSI 5*, donc je sais qu’il peut le faire”
Ressentez-vous beaucoup de pression?
Non, je suis juste heureux d’être ici et de concourir, c’est vraiment excitant! Ces finales ont toujours été quelque chose d’incroyable pour moi et c’est toujours la même chose. Ce n’est pas une question de pression, mais plutôt une question de confiance en moi qui n’est pas à 100% en ce moment. Je dois faire mieux que ces derniers mois. Pour autant, Victorio a gagné cinq Grand Prix CSI 5*, donc je sais qu’il peut le faire. De mon côté, j’ai commis beaucoup d’erreurs que j’espère désormais ne plus répéter.
Qui sont vos favoris pour remporter le titre de cette année?
Martin Fuchs (Suisse, ndlr), Harrie Smolders (Pays-Bas, ndlr) et McLain Ward (États-Unis, ndlr).
Vous dites souvent que le Britannique John Whitaker, vainqueur de la finale en 1990 et 1991 avec Milton, est votre idole. Qu’admirez-vous le plus chez lui?
Sa technique. Il est aussi simple que possible. C’est comme si John ne savait pas ce qu’il fait. Il parle le même langage que les chevaux. C’est la chose la plus agréable que vous puissiez obtenir dans notre sport. C’est encore mieux que de gagner.
Comment décririez-vous votre relation avec Victorio?
C’est un peu compliqué pour moi, mais ça peut être plus facile pour quelqu’un d’autre. C’est pourquoi on ne s’ennuie jamais. Chaque jour, on continue d’apprendre; chaque jour et lors de chaque épreuve, il m’apprend quelque chose de nouveau. C’est comme avec les personnes: parfois on s’entend bien dès le début et parfois on ne s’accorde jamais. Je ne pense pas que je lui correspondrai un jour à 100 % mais nous nous correspondons suffisamment bien pour réussir. Peu de chevaux ont gagné cinq Grands Prix CSI 5* dans leur carrière. Il m’a donc déjà beaucoup apporté.
À quoi un cheval doit-il s’attendre lorsqu’il est monté par Steve Guerdat?
De la concentration. Quand j’entraîne quelqu’un, le principal élément que je transmets est qu’une fois à cheval, on doit être concentré à 110% sur lui. Dès lors qu’on a décidé de le sortir de son paddock, de lui mettre une selle sur le dos et de le monter, le moins que l’on puisse faire est d’être à 100% avec lui et de se concentrer pour ne pas reproduire des sauts ou des exercices parce qu’on n’était pas concentré. Je n’aime pas trop en faire, je ne crois pas que je pousse trop mes chevaux. J’essaie d’être très concentré quand je les monte, par respect pour eux.
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