“Les étapes vers le haut niveau ne sont pas du temps perdu”, Lalie Saclier
À deux semaines du 7 mai, jour de son vingt-cinquième anniversaire, Lalie Saclier amorce un nouveau chapitre de sa prometteuse carrière. Depuis trois mois, la jeune cavalière est installée dans ses propres écuries, aux côtés de sa sœur Lolita, non loin de Mâcon-Chaintré. Un projet de longue date porté par une grande motivation et tout autant de réflexion. Rencontrée vendredi à l’occasion du Printemps des sports équestres, à Fontainebleau, la Rhônalpine s’est confiée sur ses projets et son hiver mouvementé, rythmé par une blessure et l’arrivée dans son piquet du bien connu Uitlanders du Ter.
Quels chevaux avez-vous emmené ce week-end ? Dans quelles épreuves ?
J’ai emmené cinq chevaux. Dans le championnat Pro 1, Ultra Blue de Jaurand (SF, Mr Blue x Souviens Toi III), mon cheval de tête actuel que je connais très bien, performant jusqu’en Grand Prix CSI 2* à 1,45m. J’ai également deux jeunes chevaux, Catch Me (vd Mullegracht, Holst, Casall x Larimar) dans les sept ans et J’Adore (KWPN, Carambole x Chin Chin) dans les huit ans ainsi que Larise (van Spieringenberg, ndlr) (BWP, For Passion d’Ive x Eros Platiere) dans le CSI 1* et Uitlanders (du Ter, ndlr) (SF, Clinton x Hurlevent) qui participe au CSI U25.
Comment se passe la compétition pour le moment ?
Concernant le championnat Pro 1, j’étais plutôt bien classée après la Chasse avec un parcours rapide malgré deux fautes (la cavalière pointait à la vingtième place grâce au barème C, ndlr) mais je suis sortie avec huit points en deuxième manche (avec une quarante-neuvième place et un total de 11,13 points, le couple ne s’est pas qualifié pour la finale, ndlr). Mon cheval sautait très bien, je ne peux rien lui reprocher mais malheureusement c’est le jeu. Ça ne sera pas pour cette année! J’Adore a gagné l’épreuve de vitesse hier (entretien réalisé vendredi, ndlr), Uitlanders s’est classé deux fois quatrième dans les épreuves à 1,40m et Larise quatre et septième dans les 1,30m/1,35m, donc c’est plutôt un bon début de concours! Je me suis rattrapée sur le CSI!
L’organisation ici est vraiment géniale et les terrains superbes. C’est très important d’être présent pour se faire connaître. Le commerce bat son plein également, il y a des yeux partout. Dès qu’un cheval fait bonne impression, il est remarqué et cela valorise notre travail. Ils ont également trouvé le moyen de faire revivre le championnat Pro Élite et c’est une bonne chose. Le plateau se dégradait depuis quelques années, c’était dommage que les meilleurs cavaliers ne soient pas présents alors qu’on parle de la plus haute catégorie.
Vous avez récupéré Uitlanders du Ter, longtemps sous la selle de Benoit Cernin. Comment s’est faite cette association ? Quels sont vos sentiments et objectifs avec cette recrue de choix ?
Au mois de février, ses propriétaires (Thierry et Isabelle Ghidalia, ndlr) m’ont contactée car ils voulaient le changer d’écurie. Ça s’est fait assez rapidement, il y a très vite eu une bonne entente avec eux ainsi qu’avec le cheval. J’ai pris le temps d’apprendre à le connaître à la maison et n’ai effectué que quatre parcours sur des épreuves à 1,30m avant de venir ici (dont trois conclus sans faute, ndlr). Je continue de prendre mes repères, nous attaquons les choses plus sérieuses ce week-end. J’ai vraiment un super sentiment dessus, il a énormément de moyens. Je pense n’avoir jamais monté un cheval aussi puissant ! Il est assez facile, a un bon mental, un super galop avec beaucoup d’équilibre et de souplesse. Je suis vraiment heureuse de pouvoir compter sur un tel cheval, c’est une très belle opportunité. Après la vente de mon cheval de tête Tescari’Jac (à la jeune Espagnole Arantza Berasategui Garro en 2021, ndlr), Ultra Blue avait pris le relai mais se limitait à 1,45m alors Uitlanders va me permettre de prendre à nouveau part à de belles épreuves.
Avez-vous ou recevez-vous encore des conseils de la part de Benoit Cernin?
Non, nous ne sommes pas en contact. J’aime me faire mon propre avis sur les chevaux. Même s’il le connaissait très bien, nous n’avons pas du tout la même équitation donc je pense que ce serait une erreur de vouloir le monter de la même manière tout comme ça en serait une de le transformer totalement. Pour l’instant, je le monte sans a priori. Je me fais mon propre avis en fonction de mes sensations et ça fonctionne bien.
Vous êtes donc aussi présente avec Ultra Blue de Jaurand. Quels sont vos objectifs avec lui?
Nous l’avons depuis qu’il a six ans. Il était monté au départ par ma sœur (Lolita Saclier, ndlr) mais était un peu compliqué. À l’époque, j’avais également un cheval avec qui je m’entendais moins bien alors nous avons échangé. Je le monte depuis plusieurs saisons maintenant, c’est un vrai cheval de concours, très doué à l’obstacle et respectueux mais assez caractériel. Il est très sensible et nerveux et peut vite monter dans les tours. Ce week-end il y a beaucoup d’agitation et de monde alors, le premier jour, il était assez tendu au paddock. C’est parfois compliqué de le garder serein mais il peut gagner jusqu’à 1,45m. Il est rare qu’il rentre de concours sans son flot! C’est un super partenaire, il faut s’en faire un ami et composer avec lui.
Pouvez-vous évoquer le reste de votre piquet?
Dans mes années jeunes, j’avais un super piquet de chevaux. Certains ont vieilli, d’autres ont été vendus. À l’époque, je ne savais pas encore si j’allais continuer dans cette voie alors j’ai profité de mes chevaux au maximum pour progresser, participer à de beaux concours et me faire un peu connaître. Il a fallu ensuite que je me reconstruise, que nous retrouvions des jeunes chevaux que je prépare maintenant depuis plusieurs saisons et qui arrivent à maturité.
J’adore a huit ans et je l’ai depuis qu’elle en a cinq, ce qui m’a permis de la former de A à Z. Elle devient vraiment très compétitive et je pense que c’est une petite star en devenir. Je dois juste attendre et ne pas brûler les étapes. J’ai une autre jument de huit ans, Cantorexa PS (Old, Cantolar x Cartogran), qui est chez moi depuis l’année dernière. Elle est encore un peu verte mais je vais prendre le temps de la former cette année. L’année prochaine, elles auront toutes les deux neuf ans et je pense qu’elles seront formidables.
J’ai également deux chevaux de sept ans, Catch Me et Fénomène des Lilas (SF, Toulon x Jouyeux Ardent). Fénomène est la première jument de notre élevage, une fille de ma jument Perle Fine (du Val, disparue brutalement en 2021, ndlr) donc il y a un côté sentimental. Elle est née chouchoute! J’ai aussi d’autres chevaux prometteurs aux écuries. Avec ma sœur, nous essayons chaque année d’avoir un bon réservoir de jeunes pour assurer la relève et avoir un roulement.
“Notre assiduité sur le travail des chevaux est aussi ce qui fait notre force et notre réussite”
Vous avez effectué une longue pause sans compétition entre mi-novembre et mi-mars. Pourquoi une trêve hivernale si longue?
Je n’avais participé qu’à une compétition après Equita Lyon parce que les chevaux avaient déjà beaucoup concouru. De plus, en 2021, seul Ultra Blue avait plus de sept ans alors je ne voulais pas trop lui en demander. Je privilégie les concours extérieurs puisque je ne dispose pas d’un piquet de chevaux assez étoffé pour réaliser une saison indoor en plus.
En plus, je me suis cassé le pied au mois de février! Un cheval m’a tout bêtement marché dessus alors j’ai été en béquille pendant quatre semaines. Heureusement, ma sœur a continué à travailler mes chevaux. Elle a assuré, la pauvre en avait un sacré nombre à travailler (rires, ndlr)! C’était un peu frustrant puisque nous voulions redémarrer mi-février mais tout s’est bien réparé. Je pense être remontée à cheval avant même d’avoir reposé les béquilles!
Mi-janvier, vous avez annoncé votre installation dans de toutes nouvelles écuries aux côtés de votre sœur. Où êtes-vous basées désormais ? Votre système a-t-il changé ?
C’est également une des raisons pour lesquelles nous avons arrêté notre saison un peu plus tôt. Nous avons déménagé le 15 janvier dans nos propres écuries, que ma sœur et moi avons faites construire. Nous sommes désormais installées dans l’Ain, à quinze minutes de Mâcon-Chaintré. C’est un projet que nous avions depuis plusieurs années mais il a fallu prendre le temps de trouver les terrains qui nous convenaient etc… Tout est très fonctionnel, nous y avons longuement réfléchi. En trois mois, nous sommes parties de Mâcon-Chaintré avec quinze chevaux et en avons vingt-six aujourd’hui! Tout s’est déjà bien développé mais nous y allons progressivement afin d’avoir du temps pour chaque cheval. Notre assiduité sur le travail des chevaux est aussi ce qui fait notre force et notre réussite aujourd’hui.
De nombreux cavaliers choisissent la Normandie pour s’installer, pourquoi pas vous?
J’aime beaucoup aller en concours en Normandie, j’adore Deauville, mais ce n’est pas ma région. Nous sommes tout aussi bien lotis en Rhône-Alpes et les Normands ne diront pas le contraire! Nous n’avons rien à leur envier, que ce soit en termes de qualité de chevaux ou de cavaliers. Il ne nous manque que l’élevage. Nous n’avons pas besoin de faire plus d’une heure de route pour participer à des CSI 2 et 3* chaque mois grâce à des sites comme Mâcon-Chaintré, Équi Vallée à Cluny, Bourg-en-Bresse… Nous y avons nos repères et le climat bourguignon est aussi plus agréable (rires, ndlr)! Géographiquement, nous sommes rapidement en Normandie, en région parisienne, dans le sud, en Suisse, Italie… C’est un emplacement assez central.
Avec une telle écurie, avez-vous dû employer plus? Les cavaliers parlent d’une pénurie de grooms et de cavaliers maison ces derniers temps…
Nous avons la chance d’avoir une super équipe. Victoire, notre groom et cavalière maison qui était déjà avec nous, nous a suivies et elle est passée responsable des écuries. Nous avons aussi embauché une deuxième groom et cavalière maison ainsi qu’une apprentie et un autoentrepreneur qui vient trois demi-journées par semaine pour l’entretien de la structure. Nous allons en plus embaucher une groom concours donc nous nous développons. À terme, nous aimerions être dans un schéma de haut niveau et, pour l’atteindre, nous avons conscience qu’il faut un groupe solide. Pour l’instant, nous sommes une équipe entièrement féminine et assez jeune donc c’est super. Nous pouvons partir en concours l’esprit tranquille.
Comment avez-vous monté un tel projet si jeune ?
Nous avons toutes les deux eu notre Bac S avec mention puis avons enchaîné sur une licence, ma sœur en biologie et moi en économie-gestion. Nos parents ne sont pas du tout du monde du cheval, ils ont toujours eu des entreprises et savent ce que c’est de partir de zéro, d’investir et de travailler énormément. Ils nous ont transmis ce goût du travail et de l’effort pour atteindre nos objectifs. Pour récolter, il faut semer. C’est un peu bateau comme expression, mais pourtant bien réel. Nous sommes tous les jours aux écuries et nous donnons à cent pour cent. La motivation prime beaucoup. Nous avons acheté un terrain vierge puis tout construit et étudié nous-même. Nous ne voulions pas quelque chose de bling-bling, mais fonctionnel. L’objectif était d’être au calme et que tout soit confortable et sécurisé pour que les choses puissent fonctionner facilement, ce qui est le cas.
“Faire partie de l’équipe de France est le but ultime”
La pandémie de Covid-19 et l’épizootie de rhinopneumonie ont-elles eu un impact sur votre système ?
Nous avons la chance de ne pas avoir beaucoup ressenti ces crises. La rhino a amené quelques complications puisque nous avons dû surveiller davantage les chevaux, leur prendre la température régulièrement et faire plus attention en concours, mais c’était inévitable dans une telle situation. Tout s’est très vite remis en place. Les épreuves sont pleines plusieurs semaines avant la clôture des engagements, que ce soit en concours Amateurs ou internationaux. La filière est vraiment repartie, tout le monde veut investir et acheter des chevaux avec des budgets plus ou moins conséquents. C’est une bonne chose.
Avant vingt-cinq ans, de nombreux cavaliers accèdent à de beaux concours grâce aux épreuves U25. Vous atteindrez cet âge dans quelques jours, comment envisagez-vous la suite ?
C’est une situation que je vis depuis que je ne suis plus en Jeune Cavalier, puisqu’il y a assez peu de concours avec des épreuves U25. Je vais continuer à former des chevaux pour accéder au haut niveau mais surtout y rester avec un piquet performant. C’est quelque chose qui met du temps à se construire mais je veux continuer de progresser, à faire évoluer mes chevaux, notre système, notre organisation, pour atteindre notre objectif. Les étapes vers le haut niveau ne sont pas du temps de perdu, c’est de l’expérience prise. Tout doit se mettre en place, nous avons la chance de pouvoir monter assez longtemps alors il ne faut pas se précipiter et saisir sa chance au bon moment. Le plus dur sera d’y rester.
Quels vont être vos objectifs cette saison ?
Depuis plusieurs années, je fais partie de l’équipe Equita avec GL Events dans le Grand National. Cette saison, je suis accompagnée de ma sœur et de la cavalière Junior Léane Desmeure. C’est une super équipe, nous avons la chance d’avoir une organisatrice comme Sylvie Robert dans notre région. Elle nous donne accès à de très beaux concours comme Equita Lyon ou cette semaine du Printemps des sports équestres. Ça nous permet de progresser et de montrer nos chevaux. Je vais voir comment notre couple avec Uitlanders évolue mais j’aimerais retourner en CSI 3* et continuer à courir le Grand National en parallèle. C’est vraiment un circuit très formateur pour les chevaux.
Envisagez-vous une sélection pour une Coupe des nations de seconde division ?
Honnêtement, je n’y ai pas encore pensé. J’espère déjà que les résultats avec Uitlanders seront bons au niveau 3* et 4* mais, si l’occasion se présente, ce serait une belle opportunité. Faire partie de l’équipe de France est le but ultime, les CSIO sont les plus beaux concours alors ce serait avec plaisir.