“Je ne pense qu’à une chose, retrouver l’équipe de France”, Fabrice Saintemarie

Deuxième avec la France dans la Coupe des nations et cinquième en individuel au CCIO 4*-S d’Avenches avec César de Roy, Fabrice Saintemarie ne peut qu’espérer de belles choses après cette première participation à une épreuve par équipes. Plein d’ambitions, le Charentais de trente-huit ans évoque ses trois bons chevaux, son centre équestre ainsi que ses objectifs.



Vous êtes récemment revenu du CCIO 4*-S d’Avenchesn avec une deuxième place par équipes derrière la Suisse, comment s’est déroulé votre week-end ?

Le concours s’est très bien déroulé, nous sommes arrivés le mardi soir puisque nous avions dix heures de route. Nous voulions laisser le temps aux chevaux de s’acclimater et d’être bien avant le début du concours. César de Roy (SF, Nervoso x Canaletto) était plutôt bien à la détente du dressage mais, lorsque je suis allé vers le rectangle, les organisateurs m’ont annoncé que je devais attendre à cause d’un problème technique. J’ai donc continué à travailler mon cheval avec une attitude plutôt basse et ils m’ont finalement donné le départ grâce à la cloche sans me prévenir. Je n’ai eu que quarante secondes pour le remettre aux ordres alors il était un peu déconnecté. Notre reprise a été en-deçà de ce que nous produisons habituellement. Mes trois coéquipiers m’ont véritablement soutenu, c’était super.

Pour le cross, j’étais le quatrième de l’équipe à partir. Après le refus de Raphael Cochet, Jean-Pierre Blanco (exceptionnellement désigné chef d’équipe, ndlr) m’a demandé de ne pas dépasser les quinze secondes de temps afin de ne pas prendre trop de retard sur les autres équipes. Finalement, je suis rentré avec seulement onze secondes de trop (soit 4.4 points de pénalité, ndlr). Le parcours était assez gros et tournait beaucoup, il y avait peu de galopade. Mon cheval a un très bon équilibre, ce qui me permet de n’agir que très peu avec mes mains devant les obstacles. C’est aussi ce qui m’a aidé à terminer ce cross avec le moins de temps possible. César saute très bien et est très à l’écoute. J’ai écopé de quatre points sur l’hippique parce qu’il s’est reculé un peu devant le double et qu’il n’a donc pas pu couvrir l’oxer. 

Quelles ont été les principales difficultés ? Dans quelle discipline êtes-vous le plus à l’aise ?

Le cross était la partie la plus compliquée de la compétition. La longueur était conforme au minimum requis pour un CCI 4*, avec un nombre conséquent d’obstacles très rapprochés. Ce parcours a combiné tracé difficile et temps court, ce qui nous a obligés à prendre davantage de risques. J’ai commencé le dressage assez tardivement donc j’y suis moins à l’aise mais les choses commencent à rentrer dans l’ordre. Ce problème vient aussi du choix de mes chevaux. Je privilégie une bonne qualité à l’obstacle plutôt que des capacités en dressage.  

Comment décririez-vous César de Roy ?

Au départ, César était un cheval un peu compliqué. Nous avons pris notre temps et il arrive désormais à maturité. Je l’ai senti très à l’écoute et calme tout au long du concours, même à la remise des prix. Il n'a pas eu à puiser dans ses réserves et a très bien récupéré. 

Comment préparez-vous ce type d’échéance ? 

Je n’ai aucun problème avec la préparation physique, il y a sept ans, j’étais encore pompier. Depuis une dizaine d’année, je travaille la préparation mentale avec Blandine Bousquet. C’est surtout cela qui me permet de rester centré sur la compétition. L’objectif avec César est, comme pour beaucoup, de prévoir les concours les plus importants en fin d’année. Il a commencé la saison plutôt tranquillement et est monté en puissance. Avant de partir en compétition, j’essaie d’alléger le travail. J'effectue une séance de dressage qui se rapproche de ce que nous devrons montrer pendant l’épreuve la semaine qui précède. L’objectif est que le cheval se sente le mieux possible. Il faut que les dernières séances soient faciles pour qu’il ait le moins de courbatures et le plus envie de venir avec moi. 

Fabrice Saintemarie et César de Roy à l'obstacle

Fabrice Saintemarie et César de Roy à l'obstacle

© Pauline Chevalier



“Il faut savoir rester à sa place”

À Avenches, vous honoriez votre première sélection avec l’équipe de France. Quel sentiment cela procure ? Cela vous donne-t-il envie de porter à nouveau la veste tricolore ?

Notre sport se pratique en individuel, nous essayons de faire de notre mieux et ce sont les erreurs des autres qui nous font gagner. En revanche, lors d’une Coupe des nations, nous souhaitons le meilleur pour tout le monde, allons voir nos coéquipiers en leur souhaitant du positif. J’étais déçu de mon dressage le premier jour et ils ont tous été là pour me remonter le moral, cela pousse à se ressaisir. Je rêvais d’intégrer cette équipe, pour moi, c’est ce qu’il y a de plus important. Le chef d’équipe Jean-Pierre Blanco nous a bien mis à l’aise. Je ne pense qu’à une chose…refaire des échéances avec l’équipe de France !

Quel seront vos objectifs jusqu’à la fin de saison ?

J’ai pour le moment trois chevaux de tête. J’espère que César ira au 4*-L de de Blenheim, que Faisons Un Rêve (SF, Adzaro de l’Abbaye x Tinka’s Boy) pourra prendre part au Mondial du Lion, comme il l’a fait l’an dernier à six ans, et que Cronos de Pleysse (SF, Scareface de Mars x Cap de B’Neville) participera au 4*-L de Boekelo. 

Envisagez-vous les championnats du monde à Pratoni del Vivaro mi-septembre ? 

Les championnats d’Europe 2023 sont-ils un objectif ? Quid des Jeux olympiques de Paris 2024 ? 

Mes chevaux ne sont pas qualifiés pour les championnats du monde. J’aimerais bien qu’ils le soient pour les championnats d’Europe en 2023 mais les sélections ne dépendent pas de moi, il y a des couples beaucoup plus expérimentés. L’objectif est que dans les deux prochaines années je puisse être qualifié ces échéances. J’ai trente-huit ans et j’ai totalement changé de vie il y a sept ans donc le haut niveau est assez nouveau. Je n’ai pas la prétention de prendre part à ces épreuves maintenant, mais si un jour l’occasion m’est donnée, alors j’irai.  

L’équipe de France de complet compte sur une équipe forte. Est-il aisé de s’y faire une place ?

Je pense qu’il faut savoir rester à sa place. L’équipe de France compte depuis de nombreuses années des grands champions. De mon côté, je n’en suis qu’à ma première Coupe des nations. Malgré tout, nous avons de la chance puisqu’en complet, le cheval qui court une épreuve importante se repose ensuite environ un mois et demi. Étant donné qu’il y a beaucoup d’épreuves, cela laisse justement une chance aux cavaliers plus jeunes et beaucoup moins expérimentés de pouvoir courir de belles épreuves.  

Vous évoluez comme professionnel depuis peu mais depuis combien de temps montez-vous à cheval ?

Cela fait plus d’une vingtaine d’années que je monte à cheval. J’ai passé mon concours de pompier professionnel tandis que ma femme est restée dans les chevaux. Nous n’avions pas les moyens de travailler dans ce milieu tous les deux. Il y a sept ans, nous avons eu l’opportunité de reprendre une structure à côté de La Rochelle et j’ai voulu me lancer dans le haut niveau. À cette époque, je concourais en 3* sans être classé. Nous avons réussi à mettre un système en place pour que je puisse réaliser mon rêve. Des gens m’ont aidé à acheter le premier cheval et ainsi de suite. Aujourd’hui, j’ai neuf chevaux de concours. En quelque sorte, j’ai lâché une branche avant d’attraper l’autre, c’est un sentiment assez désagréable, mais depuis tout petit je rêvais d’intégrer l’équipe de France, cela me tenait vraiment à cœur. 



“Vu la vitesse à laquelle mes chevaux progressent, je commence à penser aux 5*”

Vous êtes donc en train de réaliser votre rêve ?

Il y a énormément de gens qui m’aident depuis plus de sept ans, à chaque fois que je fais un résultat, j’ai toujours envie d’appeler tout le monde pour les remercier. C’est grâce à eux que j’ai pu réaliser mes rêves !

Cesar de Roy vous appartient-il ? Comptez-vous le garder longtemps ou votre but est-il de faire du commerce ? 

César est en syndicat. J’en possède à peu près la moitié et je le partage avec sept autres propriétaires. Pour commencer à faire du haut niveau et s’y installer, j’ai absolument besoin de trois chevaux pour pouvoir répéter les épreuves. Plus on court des épreuves rapprochées et plus on progresse rapidement, c’est un peu exponentiel. Pour le moment, je compte le garder.

Vous avez débuté la compétition avec ce cheval en 2017 sur une épreuve de formation, que pensez-vous de son évolution ? Comment pensez-vous qu’il peut encore évoluer ? Quels sont vos objectifs avec lui ?

Lors de ses premiers concours il faisait demi-tour sur le cross, il avait peur des trous et des bidets… c’est un cheval qui a demandé beaucoup de temps et de patience. Il a énormément de moyen mais il peut avoir peur des ombres sur le sol… Il est un peu atypique. C’est lui qui me dira jusqu’où il peut encore évoluer. J’aimerais bien que nous améliorons les changements de pieds en dressage, autant pour lui que pour moi, et sur le cross il va continuer à progresser et à galoper. Je pense qu’il sera déclassé dans le 3* du Haras du Pin avant de préparer le 4*-L de Blenheim. En début d’année, ce type d’épreuves n’étaient même pas envisageable, mais vu la vitesse à laquelle mes chevaux progressent, je commence à penser aux 5*. 

Vous montez également beaucoup de jeunes chevaux dont Hamilton du Nayo, Hashtag du Lie, Ghana de Glain, Gueule d’Amour Nat, Havana de Tus, Isotop de la Louvroie… quels sont vos objectifs avec tous ces chevaux ? Sont-ils tous destinés au haut niveau ?

J’ai des chevaux qui me sont confiés pour être formés. L’avantage des chevaux syndiqués est que nous ne sommes pas obligés de les vendre pour ensuite envisager le haut niveau. En général, j’en fais l’acquisition, et lorsque je sens qu’ils pourront courir à haut niveau, j’essaie de vendre des parts et de les syndiquer. La famille Toussaint qui me soutient déjà depuis de nombreuses années va quant à elle un peu plus loin et m’a acheté plusieurs moitiés de chevaux cette année pour me permettre de gravir davantage de marches. Ils m’aident depuis plus de dix ans. Au fur et à mesure du travail, certains chevaux correspondent plus à du concours amateur donc je les revends pour créer un roulement et en acheter d’autres. J’essaie surtout de trouver pour quoi chaque cheval est fait. Nous ne pouvons pas les forcer à faire quelque chose dont ils n’ont pas envie. Je les achète toujours sur leurs qualités de saut et je vois ensuite au fur et à mesure s’ils sont taillés pour le haut niveau. 

Comment organisez-vous votre temps à la maison ? Avez-vous le temps de porter la casquette d’entraineur ? Si non, est-ce quelque chose que vous aimeriez faire après votre carrière sportive ? 

Le matin, j’ai une personne qui travaille avec moi. Je reste dans la carrière toute la matinée, certains chevaux peuvent aller au marcheur ou sur le tapis roulant, d’autres sont détendus à la longe… Je les monte sur une grosse matinée de 8h30 à 13h. Dans l’après-midi, je fais un peu de bricolage et je donne des cours après fin de journée. 

Comment s’organise votre système ? Vous gérez aussi un centre équestre… 

Ma femme gère le centre équestre (la maison du poney, écurie Saintemarie en Charente-Maritime, ndlr) qui compte plus de cinq cents licenciés et soixante-dix chevaux. 

Mon épouse monte également en concours en CCI 3* et Pro 1, un niveau aussi conséquent. Plus elle et moi grimpons les échelons, moins nous sommes aux écuries. Nous avons aussi un enfant de cinq ans et demi avec lequel nous voulons passer un maximum de temps. Nous avons donc un responsable d’écurie, trois enseignants et sommes environ une dizaine à travailler sur la structure, qui peut maintenant fonctionner sans que nous soyons forcément présents. Notre équipe est d’une grande qualité et fait partie intégrante de la réussite. Par le passé, nous avons partagé une écurie de propriétaires avec Christopher Six pendant cinq ans en région parisienne. Il me poussait vers le haut niveau et nous sommes restés très proche. Avec mon épouse, nous avons eu de nombreux problèmes d’argent durant la pandémie de Covid-19 et il m’avait appelé pour me proposer d’organiser un stage pour que tous les fonds récoltés me reviennent. C’était une période difficile et le fait de se sentir ainsi soutenu a été très fort. Beaucoup de gens nous ont aidé mais cet appel avait été particulièrement important. 

Combien d’élèves entrainez-vous et à quelle fréquence ? 

Les élèves du centre équestre évoluent à Poney jusqu’en As 1 et As 2. Nous espérons les emmener à haut niveau. Les propriétaires évoluent en concours complet et en jumping et il y a aussi des personnes extérieures qui viennent aussi monter avec nous. Avoir par exemple quinze élèves au travail me permet de voir quinze chevaux différents et de transmettre ma façon de faire. C’est très intéressant et cela nous expose à d’autres problèmes rencontrés avec les chevaux. Malheureusement, vu la retraite qui nous attend comme cavalier, nous sommes bien obligés de coacher pour pouvoir gagner notre vie. 

Fabrice Saintemarie et Cronos de Pleysse

Fabrice Saintemarie et Cronos de Pleysse

© Pauline Chevalier



“Intégrer le Groupe 1 et être sélectionné pour des échéances importantes”

Quels sont vos objectifs avec Cronos de Pleysse ? Pourquoi ne pas l’avoir engagé à Avenches et comment jugez-vous sa progression ? 

Cronos est aussi un cheval syndiqué. Je ne pouvais emmener qu’un seul cheval et César est un cheval très sûr en concours hippique, j’ai préféré jouer la sécurité même si Cronos peut galoper plus vite que César sur le cross. Au début, je ne le travaillais pas correctement. Je voulais qu’il soit à ma main et le confinement a été salutaire pour moi. Je n’avais que mes chevaux à m’occuper et j’ai pu totalement changer ma façon de faire. Cronos a eu très peu de classements depuis l’année dernière mais il progresse beaucoup, même s’il a été dans l’ombre de César pendant de trop nombreuses années. Il est fait pour galoper plus vite, plus longtemps et a plus de sang que César. Je sais que les chevaux peuvent se blesser mais l’objectif numéro un est de les garder en bonne santé et de réussir à les écouter toujours au maximum.

Vous avez remporté un CCI 3*-S il y a quelques semaines avec Faisons un Rêve, cheval de sept ans. Quels sont vos ambitions avec lui ? 

Il est meilleur que les deux autres et je pense qu’il est assez extraordinaire. Il est bon partout. En l’achetant, je n’étais pas certain qu’il soit très bon au concours hippique mais depuis un an il ne commet jamais plus d’une faute et se classe à chaque sortie depuis le mois d’août hormis lors de son premier 3* car j’ai galopé tranquillement. Il est aussi facile à monter sur le cross que les deux chevaux qui ont plus de métier. Il a en revanche plus d’allure sur le dressage et est plus respectueux sur l’hippique. Je fonde beaucoup d’espoirs en lui.

Quel serait votre rêve le plus fou de complétiste ?

Je suis en train de le vivre en ce moment-même. À chaque sortie en compétition, mes chevaux sont sur le podium. J’ai dû monter sur cinq podiums ave cinq chevaux différents depuis deux mois. Mes chevaux vont bien, sont heureux. Mon objectif était de prendre part à une Coupe des nations, nous l’avons plutôt bien fait donc j’en profite. Désormais, j’aimerais intégrer le Groupe 1 et être sélectionné pour des échéances importantes. Il y a des cavaliers bien meilleurs que moi, mais c’est l’objectif que je me suis fixé.