Mieux comprendre l’intérêt des compléments alimentaires

Si le cheval, herbivore par nature, n’a pas attendu l’arrivée de l’humain pour se nourrir, il est à l’heure actuelle beaucoup plus dépendant de nos capacités et connaissances pour s’alimenter correctement. Qu’est-ce qu’un aliment complémentaire? Comment estimer sa nécessité et son assimilation? GRANDPRIX fait le point sur les bonnes pratiques d’alimentations complémentaires.



Domaine pointu par excellence, la nutrition équine est encore en pleine exploration. Au fil des ans, les chercheurs ont pu établir des données et appuyer ou rectifier le savoir empirique commun, créant parfois des surprises et des remises en question. Les caractéristiques des besoins nutritionnels sont de plus en plus enseignées ou transmises, et il n’est désormais pas rare qu’un cavalier connaisse mieux les besoins nutritionnels de sa monture plutôt que les siens propres! Néanmoins, il reste parfois des points à éclaircir.

Une base de fourrage avant tout

Le cheval passe en moyenne quinze à seize heures par jour à s’alimenter sous forme de multiples petits repas, de jour comme de nuit. On estime qu’un cheval moyen de 500kg doit consommer entre 6 et 9kg bruts de foin par jour ou 50kg d’herbe fraîche. En se déplaçant sur de nombreux kilomètres, l’animal choisit ses herbages et peut ainsi couvrir 100% de ses besoins journaliers, en théorie. Dans la pratique, la réalité est autre. Domestiqué, l’équidé a accès à une variété botanique et nutritionnelle moins élevée et doit compter sur son propriétaire pour pallier ses probables carences. Est-il possible de les évaluer? Une rapide observation de la composition de la prairie pâturée par l’animal peut déjà donner des indices: les herbes à feuilles ont une valeur nutritive plus conséquente que les herbes montées en tiges et en épis et, du côté des minéraux, la présence de légumineuses fait grimper le taux de calcium. À ce propos, la composition du foin de Crau est souvent une référence car il présente justement un taux de calcium jusqu’à deux fois plus élevé qu’un foin standard. Si ces estimations sont intéressantes, l’idéal reste néanmoins de procéder à une analyse chimique d’un échantillon représentatif, dont le coût oscille entre 30 et 80 euros. Connaître la valeur précise du fourrage permettra de complémenter la ration.



Qu’est-ce qu’un aliment complétementaire?

Les aliments complémentaires peuvent seconder le fourrage et/ou les concentrés, et sont souvent mélangés à la ration quotidienne.

Les aliments complémentaires peuvent seconder le fourrage et/ou les concentrés, et sont souvent mélangés à la ration quotidienne.

© NAF

Toute alimentation autre que fourragère est considérée comme complémentaire. Pour les aliments concentrés, on parle par exemple de complément au fourrage. Par complément alimentaire, on entend plus généralement une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique. Le terme légal, aliment complémentaire, est encore peu usité à l’heure actuelle. Le complément alimentaire le plus connu est probablement l’aliment minéral vitaminé (AMV), auparavant édité sous l’appellation CMV. Il contient généralement des macro-éléments tels que le calcium, le magnésium, le potassium et le phosphore, ainsi que des oligoéléments comme le cuivre, le zinc, le sélénium ou encore le manganèse. Enfin, il est aussi souvent associé aux vitamines A, B, C, D et E. 

Les plantes trônent également sur le podium des compositions de compléments alimentaires. Elles peuvent se trouver sous forme de sirops – faits à partir de plantes fraîches et/ou séchées –, de poudre de plantes ou d’extraits concentrés. L’indication les concernant sur l’étiquette doit être la plus précise possible. Par exemple, il doit être noté Eucalyptus Globulus, et non simplement “eucalyptus”. Par sa nature d’herbivore, le cheval valorise bien les plantes, y compris celles ayant des propriétés dites médicinales. “La science des plantes médicinales s’est beaucoup perdue. Lors de nos études, on est focalisé sur les médicaments et on laisse de côté les bienfaits des plantes, qui peuvent pourtant apporter un réel soutien à l’animal”, regrette une vétérinaire équine. “Attention néanmoins, une plante n’est pas synonyme d’inoffensivite! Il est préférable de demander conseil à un nutritionniste ou au revendeur du complément en question avant d’inclure le produit dans l’alimentation de son cheval. Si le dosage est souvent bien indiqué sur l’étiquette, les éventuelles contre-indications ou plus simplement la durée de posologie se font plus rares et nécessitent une interrogation. D’autres produits naturels comme le miel et la propolis peuvent se retrouver dans la composition d’un complément alimentaire. Moins courant, on peut également fournir au cheval des biopolymères marins, issus de nacres!”



Veiller à une bonne absorption

Les compléments alimentaires peuvent être donnés de manière ponctuelle ou sous forme de cure de plusieurs semaines.

Les compléments alimentaires peuvent être donnés de manière ponctuelle ou sous forme de cure de plusieurs semaines.

© Kare Solution

Aliment ingérable par définition, le complément alimentaire est pensé pour que le système digestif du cheval – capable de digérer par une activité enzymatique et une activité bactérienne – puisse en exploiter au maximum les capacités. “Un seul gramme de contenu du côlon contient environ mille millions de micro-organismes”, informe une spécialiste de nutrition équine. “On considère qu’environ 60% de la récupération totale d’énergie du cheval intervient dans le gros intestin.” Ce dernier est notamment colonisé par un ensemble de bactéries non pathogènes qui permettent l’assimilation des protéines, des vitamines et des minéraux. C’est cette flore intestinale, qui se renouvelle régulièrement, que l’on souhaite réensemencer quand on fournit au cheval des probiotiques, parfois associés à des prébiotiques qui sont, grossièrement parlant, des engrais pour les bactéries. 

L’assimilation du produit doit dès lors être pensée dès sa fabrication. “Pour assurer une efficacité maximale, seuls sont utilisés les ingrédients dont la concentration en nutriments est la plus élevée”, confie un laboratoire œuvrant pour la nutrition équine. “Pour prévenir la destruction thermique des ingrédients, nous avons développé une méthode de production de granulation à température contrôlée inspirée de celle appliquée aux médicaments. La température ne dépasse pas 30°C pendant toute la durée de la production; les ingrédients les plus thermosensibles comme les vitamines, les probiotiques et toutes les molécules complexes comme la chondroïtine et la glucosamine sont ainsi préservés.” “Ce rapport absorption/assimilation n’est pas toujours connu par les équitants”, seconde un vétérinaire équin spécialisé dans les aliments complémentaires pour chevaux de course et de sport. “Par exemple, toutes les sources de minéraux ne se valent pas car même si elles sont fournies en quantité identique, elles peuvent ne pas être traitées de manière similaire par le cheval. Je pense notamment au cas du calcium, qui peut se retrouver à l’état naturel sous forme de molécules lisses ou complexes. Les molécules lisses sont fortement dégradées dans l’estomac et peuvent perdre jusqu’à 85% de leurs capacités de fixation et donc d’assimilation, quand les complexes n’affichent qu’une perte de 20%.” 

Se pose également la question de la transition alimentaire. Est-elle nécessaire pour les compléments? “Une transition alimentaire est recommandée pour les concentrés et le foin mais moins pour les compléments alimentaires, ou alors d’une autre manière”, nous confie un physiothérapeute spécialisé en nutrition équine. “Dans le cadre d’une recherche d’effets thérapeutiques, on part plutôt sur un dosage suffisamment important pour faciliter la dose de charge. Cependant, en fin de cure, il est intéressant de la terminer en la sous-dosant peu à peu.”



Le point sur la réglementation

“Les compléments alimentaires sont drés au même titre que la nutrition animale classique”, amorce un des professionnels du secteur. “Les additifs sont classés en plusieurs groupes, notamment les additifs nutritionnels, qui apportent les micronutriments tels que les vitamines, les oligoéléments et les acides aminés, et les additifs sensoriels, qui rendent souvent un aliment plus appétant. Bien que certaines variétés aient pu prouver leurs réelles efficacités, les plantes sont officiellement classées comme additifs sensoriels dans la réglementation européenne.” À ce titre, le complément alimentaire ne doit jamais se présenter comme un médicament apte à guérir une maladie. “Contrairement à un médicament, les compléments alimentaires ne peuvent pas tabler sur des études cliniques de grande ampleur, du fait de leur coût. Dans un bon nombre de cas, le savoir sur ces fameux compléments est empirique et basé sur des références bibliographiques, c’est-à-dire sur des thèses ou études d’autres laboratoires. Il existe bien sûr des fabricants qui vont faire des études internes sur l’efficacité de leurs produits, mais ces dernières ne répondent pas à une obligation légale.” Il existe une liste dite positive pour les aliments à usage équin, dans laquelle un certain nombre de plantes est autorisé, mais elle n’est pas exhaustive. À titre de comparaison, la réglementation sur les cosmétiques est beaucoup plus drastique que celle des compléments alimentaires! “Attention néanmoins, il ne s’agit pas de tromper le consommateur car la répression des fraudes y veille! Le produit doit être détaillé avec soin, et les dosages indiqués sur l’étiquette doivent correspondre à la réalité du produit.” Il arrive parfois que certaines allégations de santé soient réformées au fil des recherches, comme ce fut le cas pour la curcumine (issue du curcuma) en 2018, pour sa consommation humaine. Reconnue pour son efficacité sur les troubles digestifs mineurs, elle n’est toutefois plus considérée comme une aide pour un soutien articulaire n’ayant pas assez prouvé son efficacité à ce sujet.

Cet article est paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX.