La foire aux foals du Normandie Horse Show, un rendez-vous indémodable
La foire aux foals, c’est l’image d’Épinal, la tradition perpétuée d’année en année, ce moment où la cour du Haras national de Saint-Lô reprend vie, animée par les hennissements des poulains de l’année. Les éleveurs, jeunes ou plus âgés, ne tarissent pas d’éloges sur leurs protégés. Les discussions vont bon train, les tractations débutent. Une poignée de main suffit parfois pour sceller un accord. Dimanche, les curieux étaient nombreux, mais les acheteurs bien présents eux aussi, y compris étrangers. On a vu quelques Belges, Irlandais et Suisses flâner en quête de la perle rare. Les générations, comme les origines, se mélangent allègrement, preuve du renouvellement en cours du petit monde de l’élevage normand.
Luc Perrier fréquente la foire aux foals de Saint-Lô depuis… bien longtemps. “Toute la famille a amené un jour des poulains ici”, se souvient-il. Installé près de Coutances, cet agriculteur à la retraite a conservé deux juments reproductrices, dont celle présentée aujourd’hui, une fille de Non Stop dénichée en Belgique, qu’il a adressée à Ekano DKS (SF, Kannan x Cumano) pour obtenir un très joli mâle harmonieux et aux nombreux points de force, portant le dossard 34. La foire constitue l’occasion de montrer sa production et parfois de la vendre. L’an dernier, il avait cédé une pouliche de Contendro issue de la fille de cette même jument par Non Stop. “L’acheteur est revenu cette année m’acheter la propre sœur”, glisse-t-il. La foire, c’est également la tradition de la négociation. On “discute le bout de gras” comme on dit, toujours dans un bon état d’esprit.
Vague féminine
Hasard ou tendance de fond, les femmes semblent de plus en plus nombreuses dans l’univers traditionnellement très masculin de l’élevage normand. Après Cassandra et Laurène, Cynthia Hervagault présente son poulain par Friday Treize (SF, Diamant de Semilly et Sydney une Prince par Baloubet du Rouet). “Je privilégie les mâles car je préfère généralement conserver les femelles à l’élevage”, explique l’épouse de Vincent Hervagault, cavalier installé dans les écuries du Haras national, qui donc “joue à domicile”. “C’est un poulain Selle Français Originel. J’ai pensé qu’il n’y en aurait peut-être pas beaucoup. La mère a concouru à 1,35m, son frère à 1,50m. J’ai toujours été passionné par les origines. Avec cet étalon fils de Diamant et de la championne olympique de Bosty, nous avons obtenu un joli poulain.”Une photo et un message à Roger-Yves Bost, et le champion français débarque dans la cour du Haras pour admirer ce rare petit-fils de sa crack. “Je le croise souvent aux ventes NASH et il m’a promis de venir nous voir”, dit-elle. Vétérinaire de métier, elle partage son temps entre son activité principale et l’élevage situé à Villiers-Fossard, à dix minutes au nord de Saint-Lô, tandis que son mari forme et valorise des chevaux. Le couple, qui élève depuis 2010, s’est lancé grâce notamment à l’aide de Monsieur Cotentin, éleveur présent lui aussi à la foire. “Nous lui avons acheté une jument, qui a depuis fait souche chez nous.” De ces rencontres, Cynthia tire une vraie richesse, tant humaine que génétique car c’est aussi ainsi qu’elle a pu récupérer de bonnes juments de sport pour leur seconde vie. À cela s’ajoute le petit ‘plus’ du cadre historique. “Le lieu s’y prête vraiment”, avoue-t-elle.
De l’Avranchin à Lanaken
Un charme suranné que les quelques “anciens”, fidèles au poste, ne font que conforter. Comme Serge Ameline, quatre-vingt-quatre ans depuis janvier, bon pied, bon œil. “J’ai toujours eu deux poulinières”, raconte-t-il. “Avant, je les présentais à trois ans mais vu mon âge, je les vends avant car je ne sais pas si je serai encore là dans trois ans”, dit-il en riant. “D’habitude, je venais en spectateur. C’est ma seconde fois en tant que vendeur. L’an dernier, j’avais vendu une pouliche 7.500 euros, ce qui est très bien. En plus, avec les poulains, on n’a pas le souci des radios, tandis qu’à trois ans…”, explique-t-il. Le Manchois originaire de La Croix-Avranchin, à quelques encablures d’Avranches et du Mont-Saint-Michel, a présenté un mâle par la star Candy de Nantuel (SF, Luidam x Diamant de Semilly), dont la mère est la sœur utérine d’Ondine du Logis (ISO 162, SF, Hurlevent de Breka x Super de Bourrière), vingt-deuxième du championnat du monde des chevaux de sept ans à Lanaken et vue en CSIO 4* avec le Britannique Simon Crippen. “J’ai vendu sa sœur à la même propriétaire qu’Ondine et une autre en Californie, où elle concourt en hunter”, glisse-t-il pas peu fier, une lueur indescriptible dans les yeux. Agriculteur laitier de métier, Serge a toujours été passionné. Comme si tous les Manchois portaient un même gène, celui de l’amour du cheval et de l’élevage, que cette foire aux foals met en lumière de la plus jolie des manières.