“Uno de Cerisy a atteint une certaine maturité”, Edward Levy

Tout juste rentré du CSIO 5* de Dublin, lors duquel il a signé un double sans-faute dans la Coupe des nations Longines et obtenu une septième place dans le Grand Prix Longines avec Uno de Cerisy, ainsi qu’une victoire à 1,50m sur Confidence d’Ass, Edward Levy semble avoir franchi un cap en 2022. Quelques mois après sa première victoire en Grand Prix CSI 5*, à Grimaud avec Rebeca LS, le Normand envisage sereinement l’avenir, les yeux rivés vers une possible finale mondiale des Coupes des nations Longines à Barcelone, la saison indoor et, si les planètes s’alignent, les Européens de Milan et les Jeux olympiques de Paris 2024. Le cavalier de vingt-sept ans n’a pas manqué une miette des championnats du monde de Herning, saluant notamment les trois médaillés individuels.



Comment avez-vous vécu votre première participation au CSIO 5* de Dublin? Y a-t-il des choses qui vous ont marqué ou surpris?

C’était un week-end vraiment incroyable avec énormément de public et une grande ferveur. Notre sport est très populaire là-bas, et cela se ressent. Après deux années blanches, il y a sûrement eu un effet de rattrapage, comme l’ont dit les organisateurs de bon nombre de grands concours. La joie de retrouver le Dublin Horse Show a d’ailleurs été exprimée à de nombreuses reprises tout au long de la semaine. Tout le monde avait l’air très motivé. Comme c’était ma première fois, je n’ai pas de points de comparaison, mais c’était vraiment une semaine incroyable.

En dehors des épreuves, qui se sont étalées sur cinq jours, avez-vous eu le temps de vous promener et de découvrir un peu la ville?

Oui et non. Sur le site, oui, nous avons regardé certaines épreuves Poneys et nationales. Je comprends d’ailleurs pourquoi les jeunes Irlandais sont si redoutables: le niveau à poney est excellent! En dehors de cela, nous étions toujours aux écuries, montions nos chevaux le matin et concourrions ensuite, donc nous n’avons pas vraiment eu le temps de faire du tourisme. En dehors des épreuves que j’ai montées, je regardais un peu mes coéquipiers. Nous étions en immersion et avons pu voir plein de choses comme la Puissance (qui s’est déroulée le samedi soir, ndlr). C’était très chouette à regarder.

Avec Uno de Cerisy (SF, Open Up Semilly x Siego, AA), vous avez signé un double sans-faute dans la Coupe des nations, dont la France a pris la deuxième place, puis vous êtes classé septième place dans le Grand Prix. Comment avez-vous vécu ces deux épreuves?

Il me semble qu’Uno a atteint à une certaine maturité. C’est un cheval qui a énormément de respect, et qui pouvait parfois manifester un excès de générosité. Là, il commence à trouver un juste milieu entre respect et emploi de sa force. Le fait d’avoir pu vivre une saison entière en Coupe des nations l’a fait grandir. Ses résultats de ce week-end en attestent. À Hickstead, j’avais choisi de ne pas lui faire sauter le Grand Prix après la Coupe des nations parce que je trouvais qu’il lui manquait encore un concours avant de pouvoir enchaîner les deux épreuves. À Dublin, je l’ai trouvé vraiment au point et me suis dit que le moment était venu de lui demander cet effort. Le Grand Prix était costaud, et je suis content qu’il ait pu s’en sortir sans faute avec la manière

Cette saison, Uno a montré de très belles choses, notamment en Coupes des nations, mais cette saison n’a pas toujours été un fleuve tranquille. Le contraste a été marquant dans la Coupe des nations de Hickstead, avec une première manche à seize points suivie d’une sans faute. Comment l’expliquez-vous?

Sur les quatre étapes de la Division 1 européenne de la série FEI Longines des Coupes des nations, Uno en a sauté trois et a réussi quatre parcours sans faute sur six. À Hickstead, il a magnifiquement sauté en première manche, mais j’ai fait un mauvais choix à l’entrée d’une ligne, ce qui a entraîné les quatre fautes. Nous étions déçus, mais il n’y avait rien d’alarmant. En seconde manche, j’ai juste eu à rectifier le tir dans cette ligne pour sortir sans faute. Pendant une Coupe, on se concentre sur son cheval, la détente, lors de laquelle on a envie de gérer chaque saut, d’autant qu’il y a deux manches à sauter… À Dublin, les parcours étaient à la fois massifs et délicats. Le chef de piste (l’Irlandais Alan Wade, ndlr) joue sur plusieurs tableaux: il peut y avoir des obstacles et chandeliers impressionnants avec de grosses barres puis tout de suite après un vertical blanc ou noir sur bidet avec une palanque ou un directionnel. Les deux registres sont mélangés, c’est ce qui rend la tâche plus difficile. Je pense qu’Uno a pris la mesure de ce genre de terrain et de parcours. Dans la Coupe, je me suis régalé avec lui.

Dans la Coupe, la victoire a échappé de peu à la France…

Nous n’avons aucun regret quant au résultat final, car nous avons tout donné. Nous avons terminé avec quatre points, sortant six sans-faute sur huit parcours. C’est une très belle copie. Marc (Dilasser, ndlr), qui a ouvert le barrage, ne pouvait mieux faire (il a signé un nouveau sans-faute sur Arioto*du Gèvres, ndlr). Conor Swail est un cavalier extrêmement rapide. Il a regardé le parcours et trouver des endroits où il pouvait grappiller du temps. C’est le sport. 



“La perspective d’Uno n’est pas le commerce”

Uno a quatorze ans et vous appartient. Ne serait-il pas tentant de le vendre? 

Non, c’est un cheval auquel je suis extrêmement attaché. Je vis ma troisième saison avec lui. Je l’ai racheté parce que j’avais envie de continuer l’aventure avec lui. Je suis un cavalier professionnel, qui a des écuries à pérenniser, avec des salariés et des charges à payer… On ne peut prédire l’avenir, mais non, la perspective d’Uno n’est pas le commerce.

Quel sera son programme sportif?

Il va d’abord se reposer un peu. Ensuite, j’aimerais qu’il participe à quelques concours indoor, même si j’ai déjà Rebeca LS (SLS, Rebozo La Silla x Cassini I), Catchar Mail (SF, Diamant de Semilly et Katchina Mail par Calvaro)et Confidence d’Ass (SF, Diamant de Semilly x Berlin) qui y sont très à l’aise. Uno a été pas mal sollicité au printemps et en été avec les CSIO donc j’ai envie de le laisser souffler un peu. Arès deux ou trois semaines de repos et une reprise progressives, je l’emmènerai certainement au CSI 5* de l’Hubside Jumping à Grimaud (prévu du 22 au 25 septembre). La suite dépendra d’une décision de Sophie Dubourg (directrice technique nationale de la Fédération française d’équitation, ndlr) et Henk Nooren (sélectionneur national, ndlr) de nous solliciter à nouveau ou non. 

Le CSIO 5* de Dublin peut être considéré comme une préparation idéale pour le Masters de Calgary…

Cela pourrait faire sens, mais je ne m’y rendrai pas cette année. Calgary propose des obstacles particuliers et des parcours parmi les plus exigeants de notre sport. Uno est extrêmement respectueux, généreux et courageux. Je ne doute pas qu’il s’y plairait, mais il est encore en train de passer un cap et de trouver du confort sur ces gros parcours. Je pense que le moment n’est pas encore venu de lui faire sauter, dans quelques semaines, l’un des Grands Prix les plus difficiles qu’un cheval puisse sauter dans sa carrière. J’ai envie qu’il savoure ce qu’il a vécu cette année, avant de repartir après sur des concours plus classiques.

Compte tenu de son plus jeune âge, dix ans, de ses prédispositions et de ses résultats très prometteurs, dont une cinquième place dans le Grand Prix CSIO 5* de Sopot, Catchar Mail a bien des atouts pour devenir votre cheval de tête. Pour l’heure, il n’a pas encore sauté de Coupe des nations de niveau 5*. Pourquoi? Et quel va être son programme ces prochains mois?

Ce choix résulte d’un commun accord avec l’encadrement fédéral. Catchar est très qualiteux et a réalisé de très belles choses cette année. Cependant, il n’a que dix ans et a très peu sauté à huit ans en raison de la crise sanitaire, donc je le considère comme un cheval de neuf ans. Je n’ai pas envie d’aller trop vite avec lui. Il est très puissant et respectueux mais je crois qu’il faut encore lui donner l’impression que la vie est facile. Avec davantage d’expérience, il pourra sauter de très belles épreuves, alors je prends mon temps. La route est encore longue vers les compétitions comme Dublin, mais je pense qu’il pourra très bien tirer son épingle du jeu à ce niveau. 

Misez-vous déjà sur lui pour les JO de Paris 2024?

Pour l’instant, je n’y pense pas encore. Nous avons tous les Jeux dans un coin de notre tête, mais je prépare tous mes cheveux dans le but de les faire évoluer à leur rythme. Si l’un d’eux est prêt au bon moment et que les planètes s’alignent, je foncerai, mais je ne vais pas désigner un cheval dès aujourd’hui en me disant que je le prépare pour les Jeux. J’essaie simplement de m’en tenir à mon système de travail et de faire progresser constamment mes chevaux, même les plus âgés. Je ne fais pas des Jeux une fixette.

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