“À Herning, le sport a été exceptionnel”, Edward Levy

Tout juste rentré du CSIO 5* de Dublin, lors duquel il a signé un double sans-faute dans la Coupe des nations Longines et obtenu une septième place dans le Grand Prix Longines avec Uno de Cerisy, ainsi qu’une victoire à 1,50m sur Confidence d’Ass, Edward Levy semble avoir franchi un cap en 2022. Quelques mois après sa première victoire en Grand Prix CSI 5*, à Grimaud avec Rebeca LS, le Normand envisage sereinement l’avenir, les yeux rivés vers une possible finale mondiale des Coupes des nations Longines à Barcelone, la saison indoor et, si les planètes s’alignent, les Européens de Milan et les Jeux olympiques de Paris 2024. Le cavalier de vingt-sept ans n’a pas manqué une miette des championnats du monde de Herning, saluant notamment les trois médaillés individuels.



Edward Levy et Confidence d’Ass.

Edward Levy et Confidence d’Ass.

© Marie-Juliette Michel

La première partie de cet entretien a été publiée ici.

À Dublin, Confidence d’Ass, dix ans, a obtenu la plus belle victoire de sa carrière. Plus tôt dans la saison, elle sauté son premier Grand Prix CSI 3* à l’occasion de Compiègne Classic, concédant huit points, mais sautant avec la manière. Comment évolue-t-elle à vos yeux et quels sont vos objectifs?

Confidence appartient à mes amis Aurélien et Sophie Seigneur, ce qui en fait une belle histoire. C’est une guerrière exceptionnelle. C’est incroyable d’avoir une jument avec un tel mental, alliant respect et courage. Très souvent, les chevaux respectueux manifeste une certaine anxiété, mais pas elle. Quand elle arrive sur des pistes comme celle de Dublin, avec des obstacles massifs, elle se retrousse les manches et montre encore plus envie d’y aller. C’est vraiment exceptionnel. Là, nous avons gagné l’épreuve à 1,50m du dimanche devant tous les Irlandais, alors que nous pensions que gagner là-bas était impossible (rires, ndlr)! Elle a déjà sauté quelques épreuves à 1,55m et va pouvoir se roder à ce niveau. C’est “LA” jument de concours par excellence. Il est difficile de donner une limite à ce genre de chevaux. Lorsqu’elle est arrivée, nous pensions qu’elle performerait à 1,40m, et elle a commencé à se classer à 1,45m, puis 1,50m. Désormais, elle gagne à 1,50m dans de très beaux concours. C’est elle qui nous dira jusqu’où elle peut aller, mais c’est un privilège de pouvoir compter sur une telle guerrière. 

Comptez-vous disputer la Coupe du monde Longines avec Rebeca LS?

Je vais essayer d’aller à Oslo et Lyon avec l’ambition de bien lancer la saison indoor. Si je marque assez de points d’entrée de jeu et que je me retrouve en capacité de me qualifier pour la finale, je m’y attèlerai. À l’inverse, si, au milieu de l’hiver, je me rends compte que la tâche s’annonce compliquée, je ne m’entêterai pas. Avec tous mes chevaux, j’aime jongler entre ls pics de forme et moments de relâchement. L’idée avec Rebeca serait de l’avoir au top en fin d’année pour marquer des points en début de circuit puis de pouvoir la laisser souffler début 2023 et la faire remonter en puissance soit pour la finale, si elle est envisageable, soit pour le Saut Hermès et le CSI 5* de Bois-le-Duc.

D’une manière générale, je ne change jamais le programme de mes chevaux en fonction des résultats. Je veux toujours garder ma ligne de conduite et rester tranquille, y compris après des bonnes ou mauvaises performances. Rebeca a réussi un mois incroyable lorsque nous avons gagné un Grand Prix CSI 5* à l’Hubside Jumping de Grimaud, puis celui du CSI 3* de Cabourg Classic, avant de nous classer cinquièmes du très difficile Longines Global Champions Tour de Monte-Carlo. Après cela, je lui ai laissé quatre semaines de repos. Même si elle était en pleine forme, je voulais lui laisser le temps de relâcher un peu la pression et de récupérer. C’est ainsi que je gère la saison de mes chevaux. Après avoir repris tranquillement au Normandie Horse Show, à Saint-Lô, elle a sauté de manière fantastique au Longines Deauville Classic (se classant cinquième d’une qualificative, avant de finir dix-septième du Grand Prix, concédant deux fautes au barrage, ndlr). Là, je sens qu’elle est maintenant prête à réattaquer de très belles épreuves.  

Engagé dans un premier temps, Sirius Black n’a finalement pas pris part au Longines Deauville Classic. Comment va-t-il?

Super bien. Il participe ce week-end au CSI 5* du Stephex Masters de Bruxelles avec Rebeca. Il devait aller à Deauville pour sauter les épreuves intermédiaires mais je ne l’ai pas trouvé très en forme. Il n’avait pas de fièvre mais avait peut-être eu un coup de chaud. Lors d’une détente, je l’ai senti un peu à plat alors qu’il est normalement toujours frais. Ma physiothérapeute, Élodie Ibsaiene, l’a senti un peu engourdi alors je ne lui ai pas fait sauter d’épreuve. Depuis, tout est rentré dans l’ordre. Après Bruxelles, je prévois de l’emmener à Grimaud, puis dans quelques concours indoor



“ Je n’ai pas d’avis définitif au sujet des fers”

Avez-vous suivi les championnats du monde de Herning? Et, si oui, qu’en avez-vous pensé?

Je les ai évidemment beaucoup suivis. Tout au long de la semaine, le sport a été exceptionnel. Trois chevaux ont dominé le monde: King Edward, Quel Homme de Hus et Beauville (avec le Suédois Henrik von Eckermann, le Belge Jérôme Guéry et le Néerlandais Maikel van der Vleuten, ndlr). Ce dernier se fait un peu plus discret et se montre peut-être un peu moins spectaculaire que les deux autres, mais il en est tout de même à deux médailles de bronze individuelles, olympique et mondiale, en deux saisons. L’efficacité de ce couple est incroyable. Quant à Jérôme et Quel Homme, ils ont plus que mérité leur médaille d’argent. Ils réussissent tellement de sans-faute depuis tant d’années dans tous les Grands Prix et Coupes des nations… Jérôme est un très bon ami, un homme très sympa et humble. Il mérite d’être là où il est.

Le dimanche, la seconde manche s’est avérée extrêmement difficile (contrairement à la première, qui n’a guère causé de fautes, ndlr). Il est facile de juger de la difficulté d’un parcours derrière notre écran mais on a pu voir qu’il a posé de grandes difficultés aux couples. Suivre ces épreuves permet de se rendre compte des chevaux qu’il faut pour pouvoir réussir un championnat, en termes de moyens et de ressources. Le couple qui devait gagner y est parvenu, comme Ben Maher à Tokyo (sacré champion olympique avec son exceptionnel Explosion W, forfait pour les Mondiaux en raison d’une méforme, ndlr), ce qui est peut-être le plus difficile dans notre sport.

On a aussi vu arriver quelques chevaux exceptionnels, dont Faltic HB, l’exceptionnel partenaire de Ben Maher. Je le connaissais, l’ayant vu sauter toute l’année, mais il était sûrement moins connu du grand public, car un peu dans l’ombre d’Explosion.

Côté français, on a vu de très belles choses les deux premiers jours, puis jusqu’au bout pour Simon Delestre et Cayman Jolly Jumper. Pour autant, comme l’an passé à Tokyo, le scénario de la finale par équipes, avec cette médaille qui semblait à portée de main jusqu’au bout, a été terrible…

Oui, c’était vraiment difficile de finir à une barre d’une médaille. Ça tient à rien… Il y a quelques jours, j’ai lu une interview de Kevin disant quelque chose de très juste: “Quand on part disputer des championnats, on doit se préparer à tous les scénarios, à la plus grande joie comme à la plus grande frustration de l’année.”

On peut aussi retenir de très belles choses: Caracole de la Roque, la jument de Julien Épaillard, a réussi des championnats formidables, gagnant la Chasse et enchaînant avec un sans-faute. Ils ont commis deux fautes en finale par équipes, sur un parcours plus que difficile. Même si Julien a préféré en rester là, ils ont réussi leurs Mondiaux. L’autre point positif est évidemment l’évolution du couple formé par Simon Delestre et Cayman Jolly Jumper. Ils ont été au niveau de ce rendez-vous. C’est une chance de les avoir. Je crois que Simon le connaît maintenant parfaitement qu’il a réussi à trouver les bons codes avec lui. Le cheval trouve de plus en plus de confort en piste et démarre ses parcours de plus en plus calmement. Il ont énormément progressé en six mois. C’est formidable. 

Les Suédois continuent de dominer outrageusement votre sport, en grande partie avec des chevaux déferrés. Y avez-vous également songé pour les vôtres?

Bien sûr, j’y ai déjà réfléchi. J’ai même déferré quelques jeunes chevaux aux écuries pour leur redonner un peu de légèreté et de confort dans leurs allures, mais aussi pour me faire ma propre idée. Il faut être curieux et observateur. On voit beaucoup de chevaux extrêmement performants avec ce système. Je n’ai pas d’avis définitif à ce sujet. Je vais même dire quelque chose de banal, mais je pense que chaque cheval a son propre fonctionnement. Je suis persuadé qu’il y a des chevaux plus heureux sans fers et d’autres avec. Le reste est relatif aux sensations du cavalier. Certains déferrent tous leurs chevaux, d’autres, seulement quelques-uns, et d’autres encore ont essayé, avant de revenir aux fers… Et critiquer ces choix-là me semble très bête.

Le plus grand apprentissage de ce mouvement est qu’il traduit une volonté de retour à une forme de simplicité et de naturel. On voit de plus en plus de chevaux vivre dehors, en troupeaux, etc. Je trouve positif de montrer qu’on peut maintenir des animaux au plus près de leur état naturel, même s’ils pratiquent un sport à haut niveau. Plus que de savoir si un cheval est heureux ou non avec des fers, il faut retenir cela et montrer qu’on est capable d’allier compétition et respect des conditions de vie.

 



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