“Mon plus grand rêve serait d'élever un champion et que mon fils le monte”, Lars Nieberg

Ancien pilier de la Mannschaft dans les années 90 et 2000, notamment double champion olympique, champion du monde et d’Europe par équipes aux rênes des célèbres For Pleasure et Esprit Frh, Lars Nieberg est désormais davantage tourné vers l’élevage. À cinquante-neuf ans, l’Allemand en gère un au sein des écuries Gut Berl d’Henrik Snoek, qu’il partage notamment avec ses deux fils Max et Gerrit, récent vainqueur du Rolex Grand Prix d’Aix-la-Chapelle aux rênes de Ben 431. En fin connaisseur, il est revenu sur son activité d’éleveur et son rapport au Rolex Grand Slam, dont la prochaine étape se tiendra à Calgary, du 7 au 11 septembre.



Quel est votre plus ancien souvenir lié à l’équitation ?  
Mes parents possédaient un centre équestre de vacances à Hanovre (dans la région de Basse-Saxe, en Allemagne, ndlr), j’ai donc grandi au milieu des chevaux. J’ai commencé en touchant un peu à tout, avec quelques concours, du saut d’obstacles et du dressage. Les chevaux ont toujours fait partie de ma vie et de celle de ma famille.      

Comment vous-êtes vous intéressé à l’élevage ? Cet aspect vous a-t-il toujours intéressé ?  
J’avais quatorze ans quand j’ai commencé l’élevage. J’avais une jument pleine de talent nommée Pistazie qui avait un très bon pedigree mais qui s’est blessée sur le terrain. J’ai donc décidé de commencer l’élevage avec elle. Bon nombre des chevaux que j’élève aujourd’hui sont issus d'elle.     

En tant qu’éleveur, quelle est votre principale ambition ?  
Je pense qu’avec l’élevage, la qualité du cheval doit s’améliorer et s’adapter au sport. Mais à mon avis, il est tout aussi important d’élever un cheval en bonne santé. Ce sont là les aspects les plus importants de l’élevage. Si vous avez un cheval qui possède de nombreuses qualités mais qui n’est pas en bonne santé, c’est vraiment regrettable. Mais si vous avez un cheval qui n’a pas énormément de qualités mais qui est en bonne santé, ça n’est pas si grave car il y a toujours des gens qui voudront concourir à un niveau moins élevé. L’élevage de nos jours est très compétitif et nous élevons rarement un cheval qui ne peut pas sauter entre 1,30m et 1,45 m. J’essaie toujours de trouver la meilleure combinaison entre la jument et l’étalon. Aujourd’hui, il y a tellement d’étalons disponibles pour les saillies que le choix est difficile. Mais c’est l’un des aspects les plus importants pour obtenir un bon cheval.     

En tant qu’éleveur, quel est le moment de votre carrière dont vous êtes le plus fier ?  
J’ai élevé tellement de chevaux qu’il est difficile d’en choisir un seul. C’est toujours une expérience passionnante d’élever un étalon accompli, mais nous avons aussi eu beaucoup de chevaux qui ont réussi au niveau international et qui ont concouru dans le monde entier. Mon plus grand rêve serait d’élever un champion et pour parfaire encore ce rêve, que Gerrit (Nieberg, son fils, ndlr) le monte.     

Vous est-il déjà arrivé de voir un croisement produire un résultat inattendu ?  
Non, pas vraiment. Je pense que l’hérédité de la mère est très importante et, pour être franc, je ne ferai pas de reproduction avec une jument que je ne trouve pas assez bonne. Je suis dans le domaine de l’élevage depuis plus de quarante ans et j’ai eu la chance de pouvoir monter beaucoup des juments et étalons que j’ai utilisés pour la reproduction, je reconnais donc les chevaux qui sont bien assortis.    

Combien de temps le poulain reste-t-il chez vous avant d’être débourré ou de rejoindre ses propriétaires ?  
En fait, nous ne vendons aucun des poulains, les plus jeunes chevaux que nous vendons sont à la fin de leur deuxième année ou quand ils ont trois ans. Quand ils arrivent à cet âge, nous leur faisons faire un peu de saut afin de voir leur potentiel et nous leur faisons passer un contrôle vétérinaire complet avec radiographie. C’est à ce moment que nous décidons quelles juments iront au haras pour avoir un poulain avant d’être complètement débourrées. Néanmoins, nous travaillons un peu avec ces dernières avant le poulinage de façon à leur donner une éducation de base. Lorsque ces juments ont eu leur poulain, vers quatre ans, elles retournent à l’écurie de compétition.     Au cours des cinq dernières années, nous avons eu entre vingt et trente poulains par an.     

Parlez-nous un peu de Gut Berl, qui semble être un projet familial ?  
Gut Berl est une grande propriété. Nous avons deux écuries, une pour les chevaux de compétition et l’autre destinée à l’élevage. Les écuries où nous gardons les chevaux qui travaillent ont soixante boxes et celles d’élevage ont deux grandes stabulations couverts où nous gardons les jeunes, les poulinières et les poulains. Nous avons environ quatre-vingt hectares de terres, ce qui laisse beaucoup d’espace aux chevaux pour paître et évoluer à l’extérieur.      
Nous avons un excellent vétérinaire pour l’aspect reproduction de notre entreprise. Il travaille à Gut Berl depuis plus de vingt ans et il est originaire de la région. Il doit probablement connaître la mère, la grand-mère et même l’arrière grand-mère des poulains que nous avons en ce moment. Nous avons en lui une confiance absolue, c’est un ami proche de la famille. Nous travaillons en étroite collaboration avec lui sur tous les aspects du programme d’élevage.    
Nous avons aussi deux employés qui prennent soin des juments et des poulains dans les écuries d’élevage. Dans celles de compétition, où nous avons soixante chevaux, il y a plus de personnel. Je pense que nous avons quatre ou cinq cavaliers maison, quelques cavaliers de concours, les grooms, un chef d’écurie, et la famille, qui est très impliquée. Cela représente une grande équipe, et une véritable famille.     

Parmi vos jeunes chevaux, lesquels vous semblent les plus prometteurs ?  
Nous avons quelques très jeunes chevaux qui pourraient, je pense, être très intéressants quand ils auront entre cinq et huit ans, mais ils doivent maintenant faire preuve de leur talent et il nous faut voir quel est leur véritable potentiel. Nous avons un très bon cheval de neuf ans, Amigo 1841 (Han, A Conto Son x For Pleasure). Gerrit le monte en ce moment et il l’a aussi monté pour le CHIO d’Aix-la-Chapelle. Nous fondons beaucoup d’espoir en lui. Il est difficile de choisir un seul cheval à l’heure actuelle, mais les voir grandir et se développer est vraiment passionnant. Malheureusement, nous devons aussi en vendre certains, et il est toujours plus facile de vendre les meilleurs chevaux, ceux que nous aimerions bien garder !



“Si vous croyez vraiment en un cheval, vous finirez par connaître le succès et par obtenir les résultats que vous recherchez”

Lars Nieberg, ses fils et une partie de l'équipe de Gut Berl.

Lars Nieberg, ses fils et une partie de l'équipe de Gut Berl.

© Collection privée

Vous devez être très fier de Gerrit et Ben 431, qui ont remporté le Rolex Grand Prix cette année au CHIO d’Aix-la-Chapelle ?  
Je suis extrêmement fier d’eux. C’est vraiment là un rêve qui se réalise. La saison avait déjà bien commencé, mais gagner un Grand Prix lors d’un Majeur du Rolex Grand Slam, c’est toujours quelque chose de très spécial et que très peu de cavaliers réussissent. Je pense que le souvenir de cette journée nous donnera toujours la chair de poule.    
Au début, le plus gros problème avec Ben 431 était d’arriver à le maîtriser et de le garder concentré sur son cavalier. Nous voulions nourrir son engouement et son goût pour la compétition, mais nous devions aussi nous assurer qu’il puisse travailler avec Gerrit. Ils ont ainsi créé une relation solide à partir de laquelle ils ont construit leur succès.     

Le Rolex Grand Slam est-il selon vous une bonne chose pour le saut d’obstacles ?  
Le Rolex Grand Slam of Show Jumping est véritablement unique car il cumule quatre compétitions qui ont chacune une tradition très forte. Ces quatre concours ont toujours été de grands événements avant même que le Rolex Grand Slam ne soit créé. Le montant de la dotation est phénoménal et c’est quelque chose de très important pour le saut d’obstacles. Tout le monde se souvient toujours de qui a gagné le CHIO d’Aix-la-Chapelle chaque année et, à mon avis, les Majeurs se rapprochent de plus en plus d’un championnat.     

Quelle est votre compétition préférée parmi les quatre Majeurs du Rolex Grand Slam of Show Jumping, et pourquoi ?  
Je suis allemand, donc je dirai que c’est le CHIO d’Aix-la-Chapelle. C’est pour moi le plus grand et le meilleur des quatre et bien-sûr, il est encore plus spécial depuis que Gerrit y a remporté la victoire. Mais bien-sûr, je suppose que si vous demandez à un Canadien, il vous dira qu’il préfère le Masters du CSIO de Spruce Meadows, à Calgary.    
Le prochain objectif de Gerrit et Ben sera justement le CSIO de Calgary. Ils ont eu une très bonne saison jusqu’à présent et ça serait fantastique s’ils pouvaient maintenir cette forme au Canada. Ben a eu quelques semaines au calme depuis le CHIO d’Aix-la-Chapelle, il a pu se promener à travers bois et passer du temps au paddock. Les chevaux ne sont pas des robots et il est très important qu’ils soient heureux et qu’ils aiment ce qu'ils font. Il a participé à des concours plus modestes la semaine dernière (le CSI 5* de Londres, ndlr) et il se prépare maintenant pour le prochain Majeur.     

Qui est votre plus grande source d’inspiration ?  
Herbert Meyer, il était chef d’équipe d'’Allemagne de 1985 jusqu’aux Jeux olympiques de 2000 à Sydney. Pour mon premier emploi, je montais pour lui, dans ses écuries. Je devais avoir seize ou dix-sept ans. C’est là que j’ai appris toutes les bases, et tellement d’autres choses! C’est la personne vers qui j’allais toujours pour demander conseil, quelqu’un que j’ai toujours admiré. J’ai aussi été inspiré par d’autres grands cavaliers. J’essaye de toujours garder l’œil ouvert et de regarder les meilleurs, vous pouvez toujours apprendre et faire des progrès.     

Quel est le meilleur conseil que vous n'ayez jamais reçu ?  
Le meilleur conseil qu’on m’ait donné, c’est que si vous croyez en quelque chose, surtout en un cheval, vous devez continuer à y croire et à travailler même si vous rencontrez des difficultés. Si vous croyez vraiment en ce cheval, vous finirez par connaître le succès et par obtenir les résultats que vous recherchez.