“J’aimerais devenir un marchand de chevaux incontournable”, Rémi Galindo

À seulement vingt-cinq ans et après quatre ans d’activité, Rémi Galindo est une tête de plus en plus connue des terrains de compétitions. Spécialisé dans le courtage de chevaux à fort potentiel ou de niveau international, l’ambitieux normand a notamment permis la semaine passée la vente de la championne de France des juments de six ans Groovy des Brimbelles ainsi que de sa dauphine Gin Fizz d’Authuit à l’Irlandais Enda Carol, fondateur de la prolifique écurie de commerce Ashford Farm. Un gros coup pour Rémi Galindo, qui en explique les contours, évoque son métier et ses grandes ambitions.  



Vous vous souviendrez sûrement longtemps de l’édition 2022 du championnat de France des Jeunes Chevaux de Fontainebleau, lors de laquelle vous avez permis la vente de Groovy des Brimbelles et Gin Fizz d’Authuit, championne et vice-championne de France des juments de six ans… 

Oui, sans le moindre doute ! Ce que j’y ai vécu est à mon avis assez rare et formidable. J’ai eu pas mal de chances car les deux juments étaient six et septièmes avant le dernier parcours de la finale. Elles ont réussi une belle remontée, ce qui est vraiment chouette. C’est d’autant plus satisfaisant qu’elles ont toutes deux étés vendues au même client, Ashford Farm, l’une des plus importantes écuries de commerce au monde avec laquelle je collabore. C’est un plaisir de voir autant d’acteurs étrangers motivés à acheter des chevaux français car malheureusement nous ne voyons que très peu d’acheteurs tricolores pour construire les piquets de demain.

Groovy des Brimbelles et Gin Fizz d’Authuit avaient été vendues avant même de monter sur le podium, n’est-ce pas? 

Tout à fait, la vente s’est faite le mercredi, jour de la première manche du championnat. Enda Caroll d’Ashford Farm a acheté les deux juments sans qu’elles n’aient été essayées, ce qui est rare. Il a eu le courage et l’audace d’acheter dans ces conditions, et comme d’habitude pour lui, cela a payé (rires) !

Comment avez-vous vécu la finale de samedi, qui a finalement couronné ces deux juments? 

Je dois dire que c’était assez riche en émotions et relativement stressant. Le fait de leur faire prendre part à cette finale comportait bien sûr un risque. Au départ, la situation a été délicate pour Félicie (Bertrand, qui présentait Groovy des Brimbelles, ndlr) car la jument était vendue. Étant donné qu’elle connaissait sa jument par cœur et étant une excellente cavalière, le scénario s’est conclu de manière remarquable. C’était quelque part assez stressant mais j’ai adoré vivre ce moment. Même si les courtiers et marchands de chevaux sont bien connus des cavaliers, avec lesquels nous discutons beaucoup, nous travaillons dans l’ombre la plupart du temps. Cette réussite a participé à me donner de la visibilité, ce qui est appréciable. Enda est un partenaire disposant d’un gigantesque carnet d’adresses à travers le monde. Pour le territoire français, il se repose en partie sur moi afin de l’aider à dénicher des chevaux pour sa clientèle ou ses cavaliers. Je suivais déjà Groovy depuis un an et demi et je rêvais de la vendre car je pense qu’il s’agit d’une jument rare. J’avais déjà vu Gin Fizz à plusieurs reprises en compétitions car le haras d’Authuit est proche du haras de la Chesnaye (à Tourgéville, dans le Calvados, ndlr), où je suis implanté avec ma petite-amie Laure Schillewaert. 

Pourquoi vous êtes-vous installé au haras de la Chesnaye?

Depuis peu, nous y louons quelques boxes afin de développer une activité de commerce. Je souhaite avoir de plus en plus de chevaux en dépôt-vente et simplement donner l’occasion à certaines personnes de bénéficier de notre carnet d’adresse ainsi que de l’expertise et la qualité d’équitation de Laure, qui a travaillé dans des écuries de haut niveau, notamment chez Jérôme Guéry (récent vice-champion du monde avec Quel Homme de Hus, en couverture du dernier numéro de GRANDPRIX, ndlr), et participé à trois championnats d’Europe jeunes.



“Un cheval de six ans signant un championnat correct coûte entre 80.000 et 200.000 euros”

Groovy des Brimbelles, championne des six ans à Fontainebleau.

Groovy des Brimbelles, championne des six ans à Fontainebleau.

© PSV/Morel

Concrètement, combien coûte un cheval tel que ces deux juments vendues à Fontainebleau? 

Parmi les valeurs de l’entreprise, l’honnêteté et la confidentialité sont en haut de la pile. Je ne peux donc bien sûr pas communiquer le prix exact des deux juments vendues la semaine passée. En revanche, je peux donner une fourchette de prix par rapport aux chevaux que j’ai demandé tout au long de la semaine, qu’ils aient été cédés ou non. Avec des variations prenant bien sûr en compte la qualité et l’avancement du travail notamment, un cheval de six ans signant un championnat correct coûte aujourd’hui entre 80.000 et 200.000 euros. Il y a bien sûr des exceptions, les prix grimpent parfois plus haut. En ayant discuté avec pas mal de monde la semaine passée, j’ai l’impression que ceux qui se sont vendus l’ont été dans cet intervalle. 

Par rapport aux années précédentes, le prix des chevaux a-t-il augmenté?

La tendance est globalement à la hausse. Après quatre ans dans le milieu et pour ma petite expérience, j’ai déjà observé une augmentation d’environ quinze à vingt pourcent ces deux dernières années. Cela n’est pas pour autant que les chevaux ne se vendent pas. Ceux qui ne peinent à être commercialisés sont souvent des sujets dont le prix ne correspond pas à leur valeur. Le but de notre métier est bien sûr de réaliser une plus-value sur la vente. Nous l’exerçons en premier lieu car nous aimons les chevaux, mais l’objectif d’une entreprise est d’obtenir des résultats financiers. Acheter un cheval trop cher revient à se tirer une balle dans le pied car il est important pour moi de vendre à mes clients un cheval n’étant pas surévalué. 

Vous définissez-vous plutôt comme un courtier ou comme un marchand de chevaux? 

Je suis courtier en premier lieu mais je souhaite évoluer dans notre filière. J’espère que je pourrai me définir pleinement comme marchand d’ici un ou deux ans.

Cette activité nécessite un carnet d’adresses très fourni, comment avez-vous construit le vôtre? 

J’aime beaucoup discuter avec les gens, je le fais naturellement et c’est un véritable plaisir. Il est important de mettre un point d’honneur à créer des relations humaines. Créer un réseau se fait progressivement, il ne faut pas avoir peur d’aller à la rencontre des gens. 

Comment en êtes-vous arrivé à cette profession? 

Je ne suis pas issu d’une famille d’équitants, mais je monte à cheval depuis que je suis gamin. À quinze ans, je rêvais d’être cavalier donc je suis allé travailler pendant trois ans en alternance chez Frédéric Cottier alors que j’étais Junior. J’ai par la suite voulu poursuivre des études donc j’ai fréquenté les bancs d’une école de commerce à Paris. Au bout d’un an, je me suis rendu compte que j’y allais en trainant des pieds. À cette même période, je montais encore un peu en concours et j’ai rencontré Laure. En discutant avec des gens, j’avais pas mal de demandes pour des chevaux. Cela me plaisait car j’ai la fibre commerciale. Je me suis donc dit pourquoi ne pas essayer étant donné que j’ai déjà des sollicitations. J’ai encore énormément à accomplir dans ce métier mais je suis motivé pour que l’entreprise prenne des parts de marché. Cela me fait vibrer chaque jour. 



“Les marchands étrangers sont dans l’ensemble meilleurs que nous”

Y a-t-il une transaction se démarque, que vous pourriez définir comme une référence? 

Il y en a en effet une, à la fois sur le plan commercial et sentimental. Il s’agit de Cocaïne du Val, montée par Grégory Cottard. Je ne l’ai pas vendue à sa propriétaire actuelle directement. Dès mes débuts, j’ai suivi Cocaïne pendant un an alors qu’elle était sous la selle de May Huguenin et je l’ai vendue à Kyle Timm et Edouard Coupérie, deux partenaires avec lesquelles je collabore régulièrement. Cocaïne est une fille de Mylord Carthago avec beaucoup de tempérament, le genre de jument que j’aime beaucoup. 

La sphère du jumping mondial est déjà dotée de plusieurs grands marchands reconnus sur le plan international et fortunés. Lesquels vous inspirent? 

Laure et moi avons vécu un an à l’étranger, et même si je suis pleinement engagé derrière la France, je dois dire que les marchands étrangers sont dans l’ensemble meilleurs que nous, même si certains Français se démarquent. Le premier qui me vient en tête est Enda Caroll, qui a bâti un empire en seulement quelques années (comme le raconte ce portrait qui lui avait été consacré en 2020, ndlr). Il est désormais une référence mondiale et je m’entends très bien avec lui. Il m’aide beaucoup et notre relation va au-delà du professionnel. 

Pourquoi trouvez-vous que les systèmes étrangers sont plus aboutis? 

Il y a cinq marchands extraordinaires à travers le monde, qui sont selon moi arrivés à ce statut grâce à leurs qualités humaines plus que par rapport au marché. En regardant de plus près, les Pays-Bas et la Belgique représentent un marché porteur. La clientèle qui y est basée compte pour beaucoup. Je pense notamment aux Américains ou avant aux Qataris. La situation géographique est assez idéale car les aéroports de Liège et Amsterdam sont les seuls à assurer les transports en avion des chevaux. L’offre de concours est également déterminante. Sur ce point, la France progresse beaucoup, notamment grâce aux concours organisés par GRANDPRIX Events. J’ai d’ailleurs été partenaire d’une épreuve au CSI de Cabourg et j’ai envie de souligner les efforts faits par les organisateurs, car ces événements nous permettent de recevoir des clients dans des conditions optimales. Globalement, l’offre de compétitions est plus complète en Belgique et en Hollande, où des CSI sont organisés chaque semaine. Les mentalités ne sont pas les mêmes non plus. En France, l’anglais n’est pas maitrisé partout, ce qui peut s’avérer handicapant, même si cela tend à s’améliorer de génération en génération. La quasi-totalité des chevaux que je vends partent à l’étranger, ce que je regrette, mais la demande n’est pas en France. 

Quel serait votre rêve d’aboutissement professionnel? 

Je suis très ambitieux et un peu rêveur. Au stade où j’en suis, c’est encore un peu inconscient, mais j’aimerais devenir un marchand de chevaux incontournable et faire partie des plus importants au monde. Ces réussites sont exceptionnelles, mais le plus important est d’en rêver et de tout mettre en place pour y parvenir. 

Parmi les plus grands noms du métier, on compte notamment Paul Schokemöhle, Stephan Conter, Jan Tops, François Mathy, ou encore Juan Ramos. Cette profession est-elle dominée par les hommes de plus de trente-cinq ans?

Il est vrai qu’il y a assez peu de femmes en France, j’en connais deux, dont Manon Lebrun, qui travaille pour Karel Cox et qui est une amie. Il y a quelques jeunes, mais assez peu qui travaillent de manière indépendante. À ma connaissance, il n’y a que Maxime (Baldeck, âgé de vingt-quatre ans et qui a notamment été en charge de la carrière de Scuderia 1918 Viking d’la Rousserie, ndlr) et moi du même âge en France. Il y a quelques autres personnes qui sont engagées dans une structure, je pense par ailleurs à Antoine Charlot, qui travaille pour le marchand argentin Juan Ramos.