“C’est une opportunité pour le site de Lignières d’organiser deux formats de CCI 4*”, Emmanuel Lagarde
Du 28 septembre au 2 octobre, Lignières-en-Berry, dans le Cher, accueillera son traditionnel concours complet international, qui comptera pas moins de quatre labels différents, dont un CCI 4*-L et un CCI 4*-S. Son directeur, le docteur vétérinaire Emmanuel Lagarde, revient pour GRANDPRIX sur le choix opéré par l’organisation de proposer autant d’épreuves, mais aussi sur les marqueurs qui font l’identité de ce concours berrichon bien ancré dans son territoire. Il s’exprime également sur l’importance accordée à la gestion de l’eau et au développement durable dans le cadre de cette manifestation.
À un peu moins de trois semaines du concours, comment celui-ci se présente-t-il?
L’ensemble se présente bien. Nous avons déjà vu les demandes de participations d’un certain nombre de cavaliers français, et il va y avoir un petit peu d’engagés internationaux, mais le nouveau système de la Fédération équestre internationale nous donne une visibilité moins importante jusqu'à la clôture des engagements, qui est fixée au 19 septembre. Auparavant, les cavaliers s'engageaient indépendamment de leurs nations, alors que maintenant, certains pays comme l’Allemagne, la Belgique ou la Grande-Bretagne inscrivent tous leurs cavaliers au dernier moment. Nous savons donc que nous avons une vingtaine de concurrents étrangers qui vont venir, en partie car toutes les nations n’utilisent pas ce nouveau système, mais je n'ai pas plus d'informations. Julia Krajewski (sacrée championne olympique en individuel l’an passé à Tokyo, ndlr), sera là, tout comme les Price (Jonelle et Tim, ndlr), que j’ai eus en direct. Nous aurons aussi une délégation de cavaliers thaïlandais qui viendront avec Maxime Livio, ainsi qu’un Pakistanais qui s’est engagé en même temps que des Suisses. La Britannique Pheobe Locke devrait a priori également venir, mais tout cela, je le sais uniquement car ce sont des personnes avec lesquelles j’ai de bons contacts. La plupart d’entre elles ne sont pas encore engagés officiellement, et je dois dire qu’en tant qu’organisateur, ce manque de visibilité n’est pas très simple à gérer.
Depuis l’an passé, vous accueillez à la fois un CCI 4*-L et un CCI 4*-S. Pourquoi avez-vous fait ce choix?
Nous voulons essayer d’installer le format long dans le calendrier, tout d’abord parce qu’il y a la place nécessaire d’un point de vue temporel, mais aussi parce qu’il y avait une demande de la part des cavaliers pour organiser un CCI 4*-L en France en plus de celui de Saumur (qui a lieu en début de saison, ndlr). Cette année, notre épreuve aura lieu deux semaines après les championnats du monde de Pratoni, donc je ne me fais pas beaucoup d’illusions sur le nombre de cavaliers qui vont y prendre part. Cependant, si l’on veut installer ce format dans le calendrier et que cela devienne une épreuve de référence en fin de saison pour les cavaliers cherchant à qualifier des chevaux pour les échéances de l’année suivante, il faut la maintenir également les années où cela n’est pas très favorable.
Est-ce une grosse charge de travail supplémentaire, en tant qu’organisateurs, d’organiser ces deux épreuves en même temps?
Le parcours de cross pour le CCI 4*-L n’est pas le même que pour le CCI 4*-S, donc oui, d’autant qu’il faut aussi faire tourner les jurys. Ce sont des contraintes supplémentaires, et il y a aussi une dotation supplémentaire à trouver!
“Nous revendiquons de ne pas organiser un concours de dressage”
En début de saison, la plupart des CCI 4*-L qui ont eu lieu ont été peu plébiscités par les cavaliers. Comptez-vous sur les autres labels organisés autour de votre épreuve phare, à savoir le CCI 4*-S mais aussi les CCI 3*-L et 2*-S, pour rendre votre événement viable malgré cela?
Tout d’abord, je pense que c’est une opportunité pour le site de Lignières d’organiser deux formats de CCI 4* et que nous avons plus de chances de faire le plein de cavaliers en offrant ces deux formats. C’est Pierre Le Goupil (le chef de piste du concours, qui officiera également aux Jeux olympiques de Paris 2024, ndlr), qui m’a dit, en 2020, que nous devrions organiser ces deux types d’épreuves en même temps et que cela drainerait plus d’engagés, ce qui s’est vérifié l’an dernier. Même si vous avez une vingtaine de partants dans un CCI 4*-L, vous faites le plein dans les autres épreuves car ils viennent avec des élèves et des chevaux supplémentaires. Les autres labels permettent donc effectivement de trouver un équilibre au niveau économique, d’autant que le concours de Lignières a lieu à une période assez chargée en internationaux, avec ceux de Saint-Quentin-en-Yvelines (qui accueillera des CCI 3*-S, 2*-L, 2*-S et 1*-Intro du 6 au 9 octobre, ndlr) mais aussi de Boekelo (où un CCIO 4*-L sera organisé le même week-end, ndlr), qui est réputé comme étant assez gros et très adapté pour préparer les chevaux pour les CCI 5*-L.
Justement, si Boekelo est connu pour proposer une épreuve de préparation au niveau supérieur, qu’est-ce qui fait pour vous la spécificité de votre CCI 4*-L?
Nous devons essayer de construire un cross qui ait une vraie identité pour cette épreuve, et nous y travaillons. Nous en sommes à la troisième édition et les choses avancent petit à petit, mais notre volonté est de faire à peu près la même chose sur ce format que sur les autres que nous organisons, à savoir que nous revendiquons de ne pas faire un concours de dressage. L’avantage de Lignières est que nous avons la place de tracer de grandes galopades pour le cross et de proposer ainsi un tracé sélectif qui demande du fond aux chevaux, avec des obstacles qui font leur travail. Notre site est aussi connu pour ses tracés de concours hippique délicats.
La bonne ambiance, chaleureuse, de votre concours, est louée par bien des cavaliers. Comment la cultivez-vous?
Je ne sais pas (Rires). Nous essayons d’être nous-mêmes, d’être souriants. Nous n’hésitons pas à dire que cette compétition est organisée par des amateurs et pas par une grosse structure, même si nous nous entourons de professionnels dont nous essayons de suivre les conseils, à l’instar de nos chefs de piste de cross et de saut d’obstacles, Pierre Le Goupil et Alexis Donnadieu. Nous avons aussi un parti pris concernant le choix de nos juges, qui est opéré avec l’aide de Gilles Chanteloube, notre chef steward, qui a déjà officié à Aix-la-Chapelle et même aux Jeux olympiques. Nous souhaitons avoir des juges internationaux de très bon niveau. Nous revendiquons par ailleurs le fait d’être à Lignières-en-Berry, dans le Centre de la France, où nous allons boire un petit verre de Sancerre (vin local, ndlr) et manger de l’andouillette. Les gens viennent donc peut-être dans un état d’esprit plus familial.
“Nous menons une vraie réflexion sur l’arrosage avec la Société des courses”
Cette année, et pour la première fois, votre CCI 4*-S accueillera la dernière étape du Grand National FFE - AC Print. Qu’est-ce que cela apporte à une organisation déjà bien rodée comme la vôtre?
L’étape que nous accueillons remplace en fait celle de Pompadour (dont le cross avait été annulé en raison de chutes de neige, ndlr), et contrairement aux autres endroits qui accueillent le circuit, nous n’aurons que l’épreuve Pro Élite. Concernant le label Pro 1, a priori, des points bonus (pour les Jeunes Cavaliers participant au circuit du Grand National, tels qu’ils sont attribués sur l’épreuve Pro 1 des autres étapes, ndlr) seront distribués sur notre CCI 3*-L. Nous allons pouvoir bénéficier de la communication de la Fédération française d’équitation, qui est active et efficace, donc j’en suis très heureux. Je vois qu’elle met en place des moyens promotionnels avant et pendant les étapes du Grand National, donc cela me paraît être un support sur lequel nous allons pouvoir nous appuyer, car le travail fait par les autres ne me fait pas peur. Cela m’apporte également de la dotation supplémentaire, et, je l’espère, des cavaliers français en plus. Pour le reste, j’avoue que tous les détails organisationnels ne sont pas encore fixés.
Cette année, l’Europe a connu l’une des plus graves périodes de sécheresse de l’histoire des relevés météorologiques. Comment s’est comporté le site de Lignières face à cela?
Le site a la chance exceptionnelle d’avoir pris des orages assez régulièrement, donc nous sommes plutôt dans une bonne situation, même si je ne fais pas le malin. Il faut qu’il continue à pleuvoir régulièrement dans les semaines qui arrivent. Nous subissons des restrictions d’eau mais avons des dérogations pour les sols équestres, dont l’hippodrome de Lignières (qui accueille une partie des parcours de cross, ndlr) bénéficie. Concernant le tracé du CCI 4*-L, j’attends que le nouveau préfet du Cher (Maurice Barate, qui a pris ses fonctions le 23 août, ndlr) s’installe pour en discuter avec lui. Les équipes du Conseil départemental, qui est propriétaire du site, sont très réactives, et nous avons notre propre réserve d’eau dans laquelle nous pouvons piocher. Par ailleurs, cela fait quinze ans que Pierre Le Goupil vient à Lignières donc il connaît très bien le sol, qui a besoin d’être travaillé et amendé. Nous avons les moyens de le faire, et jusqu’à maintenant nous avons toujours réussi à nous en sortir donc j’ai la faiblesse d’esprit de penser que cela sera de nouveau le cas, mais je prie pour qu’il pleuve.
Cette sécheresse a mis en lumière l’enjeu capital qu’est la gestion de l’eau. On voit désormais des systèmes d’irrigation permettant d’en consommer moins pour les carrières, mais comment peut-on réduire la quantité d’eau nécessaire à la mise en place d’un cross?
Je n’ai pas la compétence technique pour parler de cela, mais disons qu’à Lignières, nous organisons notre concours complet en octobre car nous ne pouvons pas l’organiser à un autre moment de l’année. En le faisant à cette période, nous tenons compte des caprices de la météo et des périodes de sécheresse, étant donné que nous avons un climat continental où elles sont plutôt marquées. Nous profitons quand même de l’eau qui, en général, tombe à l’automne, pour amender le sol, et tenir compte du climat est donc une première manière d’économiser l’eau. En effet, si vous voulez organiser un cross au mois de juillet en pleine sécheresse, même si on peut travailler les sols et les variétés d’herbe qui poussent sur un parcours, il faut utiliser beaucoup d’eau, c’est évident. Par ailleurs, je suis également président de la Société des courses de Lignières, avec laquelle nous menons une vraie réflexion sur l’arrosage. Nous en avons lancé un audit complet, avec l’objectif de diminuer de 40 % notre consommation d’eau tout en ayant des sols qui soient plus performants. Nous sommes donc très attachés à cela sur la partie hippodrome, et je pense qu’une réflexion va également être menée sur l’utilisation de l’eau pour les carrières en sable, qui sont gérées par la collectivité territoriale et nous permettent d’organiser dressage et saut d’obstacles par à peu près tous les temps.
“Notre organisation tient compte des enjeux sociétaux, dont la gestion de l’eau et le développement durable”
Outre la gestion de l’eau, la protection de l’environnement dans sa globalité est un thème qui prend toujours plus d’importance dans la sphère publique. Cela vous tient-il à cœur en tant qu’organisateur?
Oui ! Je suis vétérinaire et j’habite dans une ville de 1 500 habitants, donc la campagne, c’est ma vie. J’ai un jardin, des poules, un potager. Je ne suis pas forcément un écologiste extrémiste, mais nous sommes attachés au respect de l’eau, et lorsque nous plantons des arbres, par exemple, nous essayons de veiller à une certaine cohérence entre les espèces que nous installons et celles qui poussent naturellement ici. Nous travaillons d’ailleurs au niveau de la Société des courses avec une structure associative nommée Nature 18, qui donne des conseils sur la gestion des haies ou encore la plantation des arbres, et nous étendons ce travail en commun à l’organisation du concours étant donné que je gère les deux. Pour autant, je suis vétérinaire et je roule dans une voiture Diesel car je n’arrive pas à faire mon travail en voiture électrique étant donné que je roule 70 000 kilomètres par an, donc il y a aussi une certaine forme de pragmatisme. Je pense que c’est un peu le bon sens paysan qui fait l’âme de notre organisation, qui est ancrée dans son territoire et tient compte des enjeux sociétaux, dont la gestion de l’eau et le développement durable.
Cette année, nous voudrions faire lisser une des carrières par des chevaux de trait qui sont présents au Pôle du cheval et de l’âne. Je ne sais pas si cela va fonctionner, mais nous y travaillons et sommes en train d’évaluer la faisabilité de la chose. Après, nous essayons de gérer les déchets au mieux. Avec le Covid, nous avons été obligés de passer à l’utilisation de choses jetables en permanence, mais nous essayons de revenir à quelque chose de plus cohérent avec le développement durable.
D’ailleurs, après deux éditions en pleine crise sanitaire liée au Covid-19, celle à venir devrait avoir lieu dans un contexte bien différent. Est-ce un poids en moins pour vous?
Oui, complètement, même si au mois d’octobre, nous sommes toujours tombés dans des périodes où la situation était à peu près acceptable, contrairement à d'autres équipes qui n’ont pas du tout pu organiser leurs événements (a fortiori en 2020, ndlr). Effectivement, nous avons eu des contraintes sanitaires, mais quand ce ne sont pas ces problèmes là que vous devez gérer, il y en a d’autres comme la sécheresse… La vie n’est pas un long fleuve tranquille, mais nous nous adaptons avec le sourire et essayons de faire au mieux!