La relève de l’endurance française se pare d’argent à Vic
L’équipe de France a gagné la médaille d’argent aux championnats d’Europe Jeunes d’endurance de Vic, vendredi soir en Espagne. Au terme d’une épreuve de 123,3km, l’Espagne s’est facilement imposée à domicile, devançant la France d’un peu plus d’une heure. Le bronze est revenu à l’Italie. En individuel, les Espagnols Joana Ullastre Niubó et Gerard Casadesus Ruaix ont décroché l’or et l’argent sur JM Bucefala et Bolchoi El Akim. L’Italienne Caterina Coppini s’est parée de bronze avec Vézire.
Vendredi matin à 7h30, trente-sept couples ont pris le départ des championnats d’Europe Jeunes d’endurance, une épreuve de 123,3km disputée dans le paysage de moyenne montagne de Vic, à soixante-dix kilomètres au nord de Barcelone. L’équipe de France était composée de Éloïse Laques associée à Golden Falcon TT, Ema Chazel et Tann Salou, Charlotte Chazel en selle sur Akaba du Céor, Thibaut Launay et Dihun du Moulin ainsi que Luna Dupire associée à Bahia du Fonpeyrol. Sur une piste technique au dénivelé très varié et au sol assez dur, qu’ils avaient reconnue à vélo, les Français savaient que leurs principaux concurrents, les Espagnols, mèneraient le peloton à vive allure et pousseraient leurs rivaux à la faute. La première et la troisième boucle mesuraient 35,5km, la deuxième, 27,5km, et la dernière, 24,8km. “Nous voulions rester à l’arrière dans la zone d’échauffement, nous cacher loin du peloton de tête et apparaître uniquement dans les trente seconde avant le départ afin de créer la surprise”, dévoile Ema Chazel.
Dès le départ, l’équipe espagnole, composée de cinq paires, se place en tête et donne le rythme. Le groupe est suivi par deux cavalières italiennes, Caterina Coppini et Valentina Galli, associées à Vézire et Badir des Egas, ainsi que par le Portugais Manuel Maria Avó, en selle sur Nadjim. L’équipe de France talonne ce groupe de tête avec pour objectifs de courir en écoutant les chevaux et de rester dans le rythme pour assurer une médaille par équipes. “Jean-Michel Grimal (sélectionneur des équipes de France, ndlr) nous laisse gérer la course en fonction de nos chevaux”, rapporte Charlotte Chazel. “Nous lui avons proposé des stratégies, qu’il a approuvées ou corrigées, avec des conseils.” Éloïse Laques poursuit: “Nous devions boucler cette première étape avec prudence entre 17 et 17,5km/h. Malheureusement, nous avons été immédiatement aspirés dans le groupe. Nous voulions ralentir, mais le profil du parcours, avec ses forts changements de dénivelés ne nous le permettait pas.”
Selon Ema, l’équipe de France “a vraiment eu du mal à sortir du peloton qui allait trop vite pour une première étape, mais j’ai placé Tann devant, et il a fait le train, nous permettant de décrocher tout en gardant la tête en vue. Nous avons constitué le deuxième groupe de l’épreuve, avec les trois cavalières belges.” Luna Dupire salue l’initiative de ses coéquipières. “Lorsque nous nous sommes retrouvés dans le groupe de tête, c’était très dur car les allures étaient irrégulières et saccadées. Nous n’avions pas un bon rythme. Heureusement, Ema et Charlotte avaient l’expérience nécessaire pour nous aider à décrocher. Seule, je n’aurais pas pu le faire dans la côte (longue d’environ 5km, ndlr) comme elle l’ont fait.” Lors des contrôles vétérinaires, de très bonnes récupérations permettent aux couples tricolores de reprendre du temps sur leurs concurrents. On note des récupérations cardiaques de 1’20’’, 1’07’’ et 1’17’’ pour Tann Salou, le hongre de Ema Chazel.
La pression monte
La troisième boucle renverse les enjeux. Lors des derniers kilomètres de l’étape, l’équipe de France force l’allure pour revenir sur la tête, alors à neuf minutes devant. “Nous avons repris 2’30’’ en galopant entre 25 et 27km/h. Nos chevaux étaient bien et je savais que les Espagnols allaient ralentir là, ce qui nous a permis de revenir sur eux”, analyse Charlotte. À l’issue de cette étape, de nombreux concurrents sont retirés de la compétition au contrôle vétérinaire et au réexamen. Les équipes belge et suédoise perdent leurs deux dernières concurrentes. Du côté des Bleuets, Dihun du Moulin présente une irrégularité d’allure, et Bahia du Fonpeyrol met plus de temps à récupérer qu’après les précédentes phases, se présentant au contrôle en 8’27. Au réexamen, un rythme cardiaque au-dessus de la limite réglementaire de 64 pulsations par minute écarte Luna de la dernière étape. “Dans la troisième boucle, j’ai décroché du groupe alors que les autres accéléraient”, explique-t-elle. “Je suis rentrée tranquille, car Bahia montrait des signes de fatigue et un rythme cardiaque élevé. Elle était en chaleur, ce qui pouvait expliquer qu’elle mettait plus de temps à récupérer. Hélas, cela s’est confirmé au réexamen. Nous avons effectué des prises de sang pour analyser ce qui s’est passé, car ce n’est pas son comportement habituel. Elle n’a jamais fait cela en deux ans.” Selon Thibaut, “tous les voyants étaient au vert. J’ai suivi les filles lorsqu’elles ont accéléré. Malheureusement, une légère boiterie postérieure nous a écartés de la course. Ce n’est pas facile à encaisser, mais je suis très heureux pour la médaille et pour le groupe, même si je n’ai pas pu participer à cette réussite jusqu’au bout.”
Une dernière étape forte de rebondissements
Ne comptant plus que trois couples, l’équipe tricolore n’a plus droit à l’erreur. Pour autant, l’argent et le bronze sont encore à portée de main lorsque Charlotte et Éloïse s’élancent pour la dernière boucle à 7’ de la tête et 1’ d’Ema Chazel, qu’elles rattraperont. Si l’Espagne ne flanche pas, elle sera en or car trois de ses cavaliers sont encore sur la piste et devant. “Il était impératif de finir à trois”, confirme Ema. “Jean-Michel Grimal, qui nous a rassemblées toutes les trois, nous a rappelé que le but était d’aller chercher une médaille par équipes, et non de rentrer en concurrence entre nous.” Éloïse complète: “Le sélectionneur a trouvé Golden moins allant qu’Akaba et Tann et m’a demandé d’être vigilante, de suivre si je le pouvais et de ralentir si je sentais que Golden en avait besoin. Mon cheval n’aime pas les côtes, mais il a tout donné dans la dernière du parcours. Il était super frais et je me suis régalée. Il a repris du train sur la piste et n’a pas montré le moindre signe de fatigue.”
Les écarts se creusent sur la dernière boucle avec une échappée espagnole de Joana Ullastre Niubo (JM Bucefala) et Gerard Casadesus Ruaix (Bolchoi E Akim) qui mèneront cette boucle à 19,7km/h de moyenne. Caterina Coppini et Vézire, Manuel Maria Avó et Nadjim tentent de revenir sur eux, mais n’y parviendront pas malgré une arrivé à une minute des deux premiers. Un troisième duo se forme avec Valentina Galli et Badir des Egas pour l’Italie et Andrea Trujillo Ruiz associée à For Ferro pour l’Espagne. A 19,3km/h de moyenne sur cette dernière étape, elles franchiront la ligne sept minutes après la première cavalière.
L’écart se creuse en faveur des Espagnols, mais les Françaises sont toujours dans le coup et conservent une avance sur les autres concurrents. “Nos chevaux étaient bien, nous pensions que des cavaliers du groupe de tête ralentiraient au regard de leur allure jusque-là, mais il ont tous tenu leur train”, décrit Ema Chazel, qui calme le jeu au septième kilomètre. “Dans les côtes, Tann commence à ralentir par rapport aux autres chevaux, qu’il rattrape dans les descentes. À quinze ans, il sait ce qu’il fait et connaît ses limites. J’ai donc levé le pied afin de le préserver. Nous nous sommes retrouvés seuls, ce qui était dur, mais pour le mieux, car il était hors de question de le dégoûter par fatigue. J’ai parcouru 3 ou 4km à basse allure pour le laisser récupérer, décrochant d’Éloïse et Charlotte. L’encadrement de l’équipe nous a soutenus tout au long de la boucle dès qu’il nous voyait. J’ai repris une bonne allure vers la fin, avec la pression de conserver l’écart pour la médaille.”
Golden et Akaba arrivent au galop avec fraîcheur à 15h52, offrant à Éloïse Laques et Charlotte Chazel les sept et huitième places, validées lors du dernier contrôle vétérinaire. “Nous avons ralenti lors des derniers kilomètres car Akaba montrait des signes de fatigue”, avoue la seconde. “Je veux le préserver car je voudrais rebondir sur 160km en mars prochain et conserver des chances d’être en équipe de France pour ma dernière année en Jeunes Cavaliers. J’ai donc dit à Éloïse que je ne voulais pas sprinter.” Éloïse ajoute: “Nous avions effectué toute la route ensemble, en nous relayant, alors nous voulions finir ensemble. J’ai donc ralenti avec elle et elle m’a dit de passer devant à l’arrivée.”
La médaille d’argent tend les bras aux Bleuettes, mais l’arrivée du troisième cavalier italien pourrait tout renverser. Pour le moment, les deux cavalières de la fuxia team cumulent 12h38’ de course contre 13h02 pour la France. Ema Chazel doit alors conserver une avance d’environ vingt-cinq minutes sur lui pour la médaille d’argent. “Mon père (Stéphane, marchand, entraîneur et cavalier, ndlr) m’a appelée dans les six derniers kilomètres pour me dire que je ne devais pas forcer mon cheval, mais que je devais conserver mon avance sur l’Italien. J’ai croisé les deux derniers couples de leur équipe au départ de la dernière boucle et me suis dit qu’elles allaient prévenir leur équipier, qui risquait d’accélérer pour me rattraper. J’ai donc relancé le train. Tann a su tout donner comme il faut. Je savais à partir de quel kilomètre je pouvais relancer, car il n’y avait plus les côte, ni de grosse montée.”
Et le dernier couple français franchit la ligne à 16h33, figeant le temps cumulé de l’équipe à 19h55’. “Tann est arrivé frais et m’a fait un dernier contrôle impressionnant! À l’arrivée, j’avais tout le monde autour de moi: le staff, les assistants, même Juma (la légende espagnole Jaume Puntí Dachs, ndlr) pour m’encourager. Tann a récupéré en trois minutes et réalisé un trotting parfait, le meilleur de sa carrière.” Samuel Perri arrive à 17h07 pour compléter le trio italien, ce qui offre l’argent à la France. Le retrait pour irrégularité de Olimpiadellanoce ne valide pas le bronze italien qui devra attendre le retour des deux dernières cavalières: Giorgia Guzzo (Artemisia Bosana) et Giulia Moniz (Wento Secondo) pour compléter le podium par équipe.
“Je ne m’en rend toujours pas compte”, avoue Éloïse. “Je suis un peu déçue de ne pas finir à cinq, mais nous nous sommes bien entendus et avons réussi une belle course d’équipe.” “Nous sommes super fières de nous”, ajoute Charlotte. “Ce trio fonctionne bien: même si nous ne sommes pas toujours d’accord, nous nous complétons bien. J’ai tout misé sur Vic cette année avec Akaba et n’ai pas couru de l’année. Pour ma dernière année en Jeunes, je tenterai d’autres épreuves, et viserai les CEI 3* de Florac ou Montcuq si je ne suis pas sélectionnée.” Ema est elle aussi fière du devoir accompli. “Le propriétaire de Tann n’a pas pu assister à la course car il est malade, mais je sais à quel point il est fier de son cheval, ce qui fait plaisir. Je suis super contente de ce que nous avons réalisé.”
Luna, qui vivait sa première grande sélection, salue “une super ambiance et une super épreuve. Nous étions dans une écurie à côté du site et sommes restés ensemble durant toute la semaine de préparation. J’en tire une super expérience, surtout les deux et troisième boucles, où nous nous sommes relayés et avons couru tous ensemble.” Thibaut ne dit pas autre chose. “Je retiendrai l’ambiance et la cohésion. C’était une superbe expérience quoique stressante car inconnue. Je veux vraiment remercier tout l’encadrement pour l’aide et soutien dont nous avons bénéficié. C’était ma dernière année en Jeunes. Je ne suis pas encore qualifié pour concourir sur 160km donc ce sera sûrement mon objectif sauf si je transmets Dihun à ma sœur Cloé (championne de France 2018 à Aumont-Aubrac, ndlr) pour qu’elle tente à son tour d’intégrer l’équipe de France Jeunes.”
En individuel, la lutte pour l’or s’est achevée lors d’un mano a mano remporté sans éprouver les chevaux par l’Espagnole Joana Ullastre Niubó en selle sur JM Bucefala en 15h55’16’’ (19,714 km/h), juste devant son compatriote Gerard Casadesus Ruaix, en argent avec Bolchoi El Akim (15h55’17’’). L’Italienne Caterina Coppini, arrivée cinquante-quatre secondes plus tard (15h56’10’’), a gagné le bronze en selle sur Vézire.