“Le temps de l’action est venu”, estime le président de la Fédération européenne
“Les temps ont changé. Il n’est plus possible pour les fédérations sportives d’organiser leur politique, et donc leurs règles, entièrement en interne, comme elles en avaient l’habitude. Il y a un besoin de transparence et de prise de conscience plus large de la société qu’on connaît sous le nom de licence sociale”, estime la Fédération équestre européenne, dont le président, Theo Ploegmakers, livre une tribune fort intéressante sur ce sujet crucial. “La confiance ne s’installera que si la société a la certitude que les sports équestres évoluent de manière transparente, que ses dirigeants et ses praticiens sont crédibles, légitimes et compétents, et que leurs pratiques reflètent les valeurs de la société”, dit-il en substance. Voici son texte en intégralité.
“Alors que la licence sociale a souvent été discutée dans le cadre de la politique gouvernementale ou des affaires, il y a un consensus croissant sur le fait que le sport doit également en reconnaître l’importance et s’efforcer de l’obtenir et de maintenir sa position dans la société. Pour un sport avec des animaux, comme l’équitation, c’est plus difficile que pour la plupart des autres. Compte tenu de la présence de chevaux dans le jeu, la publication de mauvaises images ou vidéos instantanées suscitent des réactions émotionnelles. Une licence sociale d’exploitation (SLO) est accordée ou perdue par le public, qui ne voit pas de différence entre les courses, le saut d’obstacles, le dressage ou toute autre discipline. Le public ne voit que l’image du cheval et s’inquiète de ce qu’il pense être le bien-être des chevaux utilisés dans le sport et les loisirs. Cela signifie que nous devons être très attentifs à la manière dont notre sport est représenté et à la communication que nous assurons pour aider le grand public à comprendre les niveaux élevés de bien-être des chevaux déjà en place.
La plus grande menace pour l’acceptabilité sociale de notre sport est la perte de confiance du public au sujet de la façon dont nous traitons les chevaux et pratiquons notre sport. Les difficultés auxquelles nous sommes confrontés résident dans le fait qu’il existe une différence entre ce que nous, experts, pensons et ce que le public pense. Les sports équestres ne sont pas à l’abri des défis qui en découlent. Le document de recherche de la fondation World Horse Welfare a tiré des enseignements issus des industries agroalimentaire et des ressources naturelles, qui ont également dû s’efforcer de maintenir leur SLO.
Il n’est pas facile pour la communauté équestre d’admettre et d’accepter que la façon dont nous gérons et pratiquons le sport avec nos chevaux puisse être perçue de façon si négative par le public. Notre sport est le fruit d’une histoire, et nous en considérons de nombreux aspects comme “normaux” ou même “nécessaires”. Cependant, pour une personne extérieure à notre communauté, ayant peu de connaissances équestres, ceux-ci peuvent ne pas être perçus comme tels. Ces opinions sont déterminantes pour la SLO de notre sport. Pour obtenir l’acceptation du public, il est essentiel de rester ouvert et de prendre le temps de réfléchir aux moyens d’ouvrir notre sport.
“Un sport durable n’est pas seulement soucieux de l’environnement”
Par ailleurs, il est essentiel que l’acceptabilité sociale ne soit pas uniquement déterminée par la façon dont nous traitons nos chevaux ou limitée aux questions de bien-être. De nombreuses questions se combinent, la durabilité étant l’une des plus importantes, et peuvent influencer la volonté du public d’accorder une SLO. Les fédérations sont confrontées à d’autres problèmes sur lesquels elles doivent agir: le dopage et l’abus de médicaments, l’acceptation des normes internationales du travail, le trucage des résultats (capacité à influencer les résultats par l’argent, ce qui pousse les athlètes à faire n’importe quoi pour continuer à gagner), l’intégrité du sport, les questions environnementales et la sécurité des enfants.
Un sport durable n’est pas seulement soucieux de l’environnement. C’est un sport qui peut survivre à l’avenir. Un sport équitable où les résultats sont obtenus dans le respect des athlètes équins et humains. Un sport où le recours au dopage, au trucage ou à d’autres moyens pour obtenir des résultats à tout prix n’a pas sa place. Un sport fondé sur le respect mutuel pour les athlètes humains eux-mêmes et surtout pour les athlètes équins. Un sport où les grooms mènent une existence honnête et protégée, et sont respectés pour leur travail. Un sport où l’on respecte l’environnement et la façon dont il traite la nature. La communauté équestre est également confrontée à des questions philosophiques, comme celle de savoir si nous avons le droit de monter à cheval et si le cheval veut participer à notre sport ou s’il y est contraint. Toutes ces questions influenceront l’acceptabilité sociale et nécessiteront une gestion et une stratégie claires de la part des fédérations sportives, avec éventuellement la nécessité de développer une stratégie d’acceptabilité sociale spécialisée.
Des commentaires recueillis dans plusieurs pays montrent que ce ne sont pas seulement les opinions des non-équitants qui motivent ce mouvement. De nombreux membres de notre communauté équestre ont également exprimé que nous, en tant que sport, devons changer et nous adapter. Au sein de la Fédération équestre européenne (EEF), ces questions sont au cœur de notre travail. Le groupe de travail sur la durabilité que nous avons créé se concentrera sur les questions environnementales liées à l’événementiel sportif et les émissions de carbone des chevaux de sport, entre autres sujets clés. Ce groupe travaille en parallèle avec nos groupes de travail existants qui se concentrent sur le cheval et les questions sportives spécifiques. Un membre du projet spécial, et membre non exécutif du conseil d’administration, sera nommé pour superviser ces projets de durabilité et créer une stratégie d’acceptabilité sociale qui s’intègre à la stratégie globale de l’EEF. L’EEF étudiera également la possibilité de lancer une campagne de communication sur les questions qui exercent une influence sur le développement durable du sport.
Le temps de l’action est venu et, en fin de compte, bon nombre de ces questions doivent être traitées par les fédérations nationales dans leur environnement, car les problèmes diffèrent d’un pays à l’autre. Nous les invitons donc à rester attentives et à travailler ensemble pour garantir une acceptabilité sociale et un avenir favorable à notre sport.”