Faire corps et âme, dans l’esprit olympique
En France, c’est bien connu, on se donne jusqu’au 31 janvier pour formuler ses vœux du Nouvel An. Aussi, promettant que ce qui vient fut rédigé dans le respect de cette tradition séculaire, en temps et en heure, GRANDPRIX souhaite une belle et heureuse année 2023 à tous ses lecteurs, occasionnels ou réguliers. Un millésime pavé de découvertes et de rencontres inspirantes, de victoires flamboyantes et de défaites instructives, de sources d’épanouissement et de joies à partager… en bonne santé – “Si cela va sans le dire, cela ira encore mieux en le disant” – après le long tunnel que fut la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19.
En ce monde toujours plus inquiétant entre les dérèglements climatiques, les guerres et tensions géopolitiques, les incertitudes économiques et les projets de réforme clivants, autant de questions vertigineuses face auxquelles on peut légitimement se sentir impuissant, le repli sur soi constitue sûrement une impasse, même s’il peut procurer une illusion de confort. En revanche, pour vivre heureux, penser à soi et travailler sur soi est plus qu’indiqué. Pour cela, les femmes et hommes de cheval partagent une passion qui a presque tout d’un talisman. Oui, il n’y a rien de tel que la relation à cet animal pour se ravir, se rassurer, se stimuler, se surprendre et se reconnecter à la terre. Être responsable d’un équidé n’est pas un long fleuve tranquille – le bien de cet être avec lequel on dialogue sans toujours bien se comprendre demeure une quête perpétuelle – mais cela contribue à donner du sens à son existence. Sur le plan métaphysique au moins, cela n’a pas de prix.
Les propriétaires, éleveurs, cavaliers et soigneurs impliqués dans l’équitation sportive de haut niveau peuvent en témoigner, quel que soit leur degré de recul sur un mode de vie laissant si peu d’espace-temps à l’introspection. Ce sens, nourri par la force des habitudes, les succès et les nécessités, les a conduits à consacrer cette passion en activité secondaire, pour certains, et en profession, pour d’autres. Sur le terrain sportif comme sur le plan économique, ces acteurs doivent se soumettre aux lois de la concurrence, dans le cadre défini par les règles du jeu. Consubstantielle de leur démarche, la soif de performance exacerbe irrémédiablement leur individualisme. Or, s’agissant de disciplines encore plus nobles lorsqu’elles se pratiquent en équipe, il faut aussi savoir penser collectif, se rassembler et se focaliser corps et âme vers les objectifs qui en valent la peine.
Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 en sont évidemment un, pour toutes les nations mais plus encore pour la France. Si le train aux cinq anneaux ne s’arrête plus qu’une fois par siècle dans l’Hexagone, on aurait bien tort de le laisser passer. Pour être à la hauteur de l’événement, décrocher des médailles et faire grandir l’équitation tricolore, tous les acteurs concernés doivent rassembler leurs forces et regarder dans la même direction. D’excellence, la France est capable, comme en atteste le superbe bilan des Jeux de Rio de Janeiro, en 2016 au Brésil, avec les médailles d’or de ses équipes de concours complet et saut d’obstacles, ainsi que l’argent individuel récolté par Astier Nicolas et Piaf de B’Neville dans la première discipline citée. Pour autant, la compétition est d’un niveau tel qu’on n’obtient l’or qu’en parvenant à une sorte d’alchimie.
Au revoir Caracole de la Roque et Bond James Bond de Hay
En équitation, les facteurs de performances sont très nombreux, peut-être plus encore que dans n’importe quel autre sport, mais le premier demeure le cheval. En France, on en élève et on en forme de bons, de très bons et même d’exceptionnels, mais on en exporte beaucoup. Tant mieux, mais la course de fond qui doit mener le Coq aux jardins du château de Versailles doit aboutir à construire des équipes de quatre couples, aussi performants et aguerris que possible, dans quatre disciplines. Ce n’est pas rien. Si l’on a bien davantage tendance à importer qu’à exporter en dressage et para-dressage, nos meilleurs équidés de jumping et de complet attirent toutes les convoitises, et l’on a bien du mal à les conserver pour les équipes nationales.
Ces dernières semaines, Caracole de la Roque, la prodigieuse partenaire de Julien Épaillard, “LE” Français de l’année 2022, a été vendue, comme prévu, à l’Américain Karl Cook et Bond James Bond de Hay, sur lequel Kevin Staut fondait une partie de ses espoirs olympiques, a rejoint les écuries du Belge Grégory Wathelet sans tambour ni trompette. Y a-t-il péril en la demeure? Peut-être pas, mais les réservoirs de couples ne sont guère abondants dans les deux disciplines où les chances de podiums sont les plus grandes. En saut d’obstacles, le Groupe 1, selon les critères établis par la Fédération française d’équitation, comporte quinze paires, mais pas plus de dix pouvant actuellement prétendre à une sélection olympique. Cela implique sept cavaliers, sans compter Julien Épaillard, qui mise beaucoup sur le très prometteur Donatello d’Auge. En complet, où aucune pépite en âge de concourir à Versailles ne semble avoir quitté la France cet hiver, le Groupe 1 compte quatorze binômes, dont onze a priori destinés aux Jeux, plus a minima trois autres présents dans le Groupe 2.
Il ne s’agit là que d’estimations théoriques, car la route est encore longue d’ici la cérémonie d’ouverture de Paris 2024, mais l’échéance approchant, les prix des meilleurs chevaux ne vont qu’augmenter, et les écuries ont moins de chance de se garnir que de s’amenuiser. Même si aucun autre facteur ne devra être négligé, formons le vœu que la préparation de cet événement suprême ne souffre plus de défection. Pour la beauté du sport et la grandeur de la France. Allons enfants de la patrie…